Qui se mêle de pluie et de vent ?
C’est l’automne. Le vent s’engouffre dans la rue du Quai. Dans le caniveau il y a un cahier bleu avec des feuilles à petits carreaux. Au passage du vent une page se tourne. On peut y lire, posés par une main qu’on devine enfiévrée, les mots suivants :
Toi qu’il a ravie au lit, livide Livia, quel talent à l’Italien, tel Lulli, que nous n’avons pas ? Est-ce que son Mickey mousse ? Sa tagliatelle est-elle magique ? Elle glose et glisse sur la glaise pour que tu glousses comme l’Anglaise qui se glace en son église ?
Arrivé sur le port le vent change de direction. Une autre page se tourne.
Avec elle j’aurais parcouru le monde en tous sens. Les quatre points cardinaux n’auraient pas eu plus de secrets pour nous que les quatre filles du Docteur Marsch ou crève. J’aurais escaladé en sa compagnie les sept collines de Rome : l’Aventin, le Palatin, le Trissotin, le Picotin, le Quirinal, le Capitole et le Pactole. Bref j’étais tombé éperdument amoureux d’Isaure Chassériau dont le portrait peint par Amaury-Duval est conservé au Musée des beaux-Arts de Rennes.
Le vent décide alors de tourbillonner au-dessus de ce cahier. Une page se tourne encore
Bon, c’est l’histoire d’un gars qui va acheter son pain à la boulangerie tous les matins. Mais comme il est un peu myope et qu’il est séduisant cependant, il ne s’aperçoit pas que la jolie boulangère est prête à lui donner son 06 et plus si affinités. Alors, comme la situation perdue et que le 45 tours ne peut pas dépasser 2 mn 45 elle lui prend un rendez-vous chez un ophtalmo qui lui prescrit d’acheter des lunettes. Et donc, le lendemain de cet achat il retourne à la boulangerie et en un éclair il la trouve très chou, il l’épouse et ils font fortune en lançant une chaîne de pâtisseries pour bobos sans gluten.
Maintenant la fureur du vent est apaisée. Sa lecture le met en joie. Une dernière page se tourne.
Le cri de Tarzan commence la journée : «Aouaouaaaaah !». Celui de Jane hurlant «A table ! Le puma aux betteraves est servi !» la termine.
La vie des baobabs est une succession de palabres mystiques auxquelles leur feuillage n’entrave que couic.
L’éléphant rêve d’un régime amaigrissant, la girafe d’un restaurant gastronomique.
Qui ne consulte pas l’horaire avant de sauter risque de rater la liane de 8 h 47.
Qui a été saisi par une oreille et entraîné dans un maquis ne doit pas s’attendre à ce que le gorille lui fasse écouter ses vinyles de Brassens. Ce serait trop facile !
Maintenant le vent est tombé sous le charme de cette écriture drolatique. Il note l’adresse, « 15, rue du Quai », puis s’en repart dans les hauteurs. Il s’insinue par le dessous de porte dans la chambre où dort Eole sous les draps.
Dans la rue du Quai il s’est mis à pleuvoir. Et pas qu’un peu : la pluie est diluvienne. Elle trempe et détrempe tout, elle cochonne et détruit tout, elle lave et délave l’écriture, l’encre déteint, les feuilles du cahier bleu se collent et se décollent à jamais. Tout ce qui ruisselle des toits et des gouttières aboutit dans le caniveau et le cahier, tel un bateau ivre, est emporté par ce torrent jusqu’à la bouche d’égout la plus proche.
***
- Vous imaginez ? Là, ce n’est que mon cahier d’écriture nomade mais si le vent et la pluie ont fait pareil avec les manuscrits africains de Rimbaud ?
- Arrête de nous bassiner avec ça, Joe Krapov ! Le Harrar, c’est comme la Bretagne, il n’y pleut jamais. Et puis tiens-le toi pour dit : Rimbaud n’a plus pondu de poésie après 1875. Il a arrêté d’écrire. Et si toi tu pouvais faire pareil, tes cahiers paniqueraient moins en songeant à leur devenir !
Revoilà Isaure Chassériau dont l'influence sur l'esprit déjanté et indélébile de Joe est sans limites...
RépondreSupprimerce n'est qu'un mauvais rêve, Joe, puisse que, à présent, tu confies tes textes à Internet, que dis-je au monde entier grâce au Cloud :)
RépondreSupprimeret le nuage doit bien se marrer avec tous tes jeux de mots
Le vent a soufflé dans la rue du quai (tu as osé) le cahier s'en est allé au vent mauvais, balayant au passage des piles de boîtes... ];-D
RépondreSupprimerQuelle belle image que cette âme emportée par le vent de très bons mots. Si prenant !
RépondreSupprimerQuelle idée aussi de jeter au caniveau ce cahier bleu plein de tes bons mots ? Reprends-toi Joe : on a besoin de ta fantaisie.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup; les raviolis, le bateau, ivre, Neil Young, la liane de 8h47, etc !!
RépondreSupprimerJe le vois tellement ce cahier qui tourneboule au vent d'automne...
RépondreSupprimerIl est plein de tous tes talents. ;-)
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Isaure Chassériau est un peu rude il me semble ... mais tu étais amoureux
RépondreSupprimersinon tout ce que tu écris est drôle et de très bons mots :o))
Toujours aussi bavard... Et on en redemande ;)
RépondreSupprimerTout cela raconté sur un rythme rapide et entrainant !
RépondreSupprimerJe ne sais quoi écrire après tant de virtuosité intellectuelle, de poésie, de ... oh crotte, je suis émus ! Pourtant dans mes souvenirs de quand j' étais libraire anarchiste punk je ne me se serais pas plier à ce point à vos pieds, cher maître, afin d' honorer les pattes Tagliatelles, les quatre filles du docteur Marsh, Coluche et Edgard Rice Burroughs. Booon ... les temps changent, une Vélin se tourne. ;o)))
RépondreSupprimerhttps://youtu.be/LOy8zvmIgvo