Elle avait attendu quelques minutes
dans le hall de l’immeuble tout en jetant un œil sur les boites aux lettres.
Elle ne reconnut aucun nom… A quoi s’attendait-elle au juste ? Que le
monde s’arrête de vivre, que le temps arrête de s’écouler ? Arrivée au quatrième
étage la porte de l’appartement était restée la même ; elle le sut en voyant
la petite écaille de vernis, celle-là même qu’elle avait faite un jour avec sa
clef. Derrière elle la concierge attendait. Nouvelle elle aussi ! Qu’attendait-elle ? Ah oui un pourboire
certainement ; pauvre Mélanie, elle avait perdu les bons usages, les
bonnes habitudes ! Elle n’avait pas demandé à ce qu’on lui porte ses valises, elle avait juste demandé
les clefs que la secrétaire de l’avocat avait déposées chez le gardien. La
femme avait fait le ménage…. Vite fait car à l’intérieur rien … l’appartement
était vide. Tout avait été enlevé, les jolis meubles de la chambre, la
bibliothèque dont sa mère était si fière…Il n’y avait que les meubles de
cuisine sûrement qu’on n’avait pas pu les desceller et dans la salle de bain un
rideau en plastique, détail trivial trempait dans un bac à douche sommaire et
méconnaissable. Pourtant l’appartement
avait été aéré aucune odeur de renfermé ne flottait. D’une voix blanche, elle
remercia la concierge qui glissa dans sa poche le billet de 20 euros que
Mélanie lui tendit. Elle avait du mal avec les euros ; quand elle avait
été incarcérée on avait encore les francs et la conversion lui était difficile.
Elle ferma la porte, le verrou avait été changé remarqua-t-elle. Elle se
dirigea vers la cuisine, ouvrit un placard, vide, pas un verre…. Elle avait
soif, elle but dans ses mains au robinet dans l’évier, se dirigea vers la porte-fenêtre dont elle tira le store ; il grinça un peu puis finit par
accepter de se relever. Un pas, elle fut sur le balcon, large, recouvert de
tommettes grises, il donnait dans la cour intérieure, elle reconnut la fontaine
qui à cette époque ne coulait pas, les pavés usés, les arcades qui donnaient
accès aux entrées d’immeubles, les arbres qui faisaient le bonheur des chiens. En
face d’elle une trouée entre les constructions ouvrait sur la petite place dite
de la République, au loin le parc… C’est alors qu’elle entendit au dessus
d’elle un bruit, un bruit familier, le bruit jamais oublié. D’un bond, un chat
roux atterrit sur le balcon… Il s’approcha d’elle d’abord méfiant, il la flaira
puis se frotta contre ses jambes. Les
larmes aux yeux, elle se baissa, et murmura : « Brave Perlette, tu es
toujours là, tu as vieilli mais tu n’as pas changé… Tu dois avoir quinze ans au
moins ». Elle frissonna tout à coup malgré l’air tiède et allégé du
printemps ; il lui fallait ouvrir ses valises. L’une contenait sa maigre
garde-robe, l’autre quelques papiers importants et quelques livres… Il lui
fallait tourner la page !
Tourner la page est pour elle une nécessité, une urgence pour commencer une nouvelle vie. Un texte émouvant.
RépondreSupprimerYoupi ! Voilà une belle histoire, comme je les aime, l'essentiel, pas de fioritures... Bravo !
RépondreSupprimerun beau Texte, Lilousoleil et un chat d'amour Perlette, et un appartement (intéressant dont tu ferais la peinture et la tapisserie) :)
RépondreSupprimerUn vrai plaisir de lecture ce moment où beaucoup de choses sont dites mais pas écrites...
RépondreSupprimerTout en pudeur et en petits gestes quotidiens qui empêchent de sombrer et aident à tourner la page...
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
très pudique effectivement ce récit, et très émouvant, comme le prélude à, je l'espère, une nouvelle vie, bien que dans un ancien lieu
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