Les passants de notre livre
Mon
bel écrivain, je te remercie pour toutes les caresses que tu m’as prodiguées
tout au long de notre histoire si connivente. Tu m’as donné plus de plaisir en
m’enroulant dans tes valses de papier que n’importe quelle vie à l’ombre d’un
puissant soleil de réalité.
Si
tu savais comme je suis contente d’avoir dansé au bout de ta plume : tu
m’as laissée regarder des paysages extraordinaires, j’ai fait des rencontres
incroyables, j’ai visité les méandres de tes fantasmes les plus colorés. Je
cours de mot en mot, de phrase en phrase, de chapitre en chapitre, pour
toujours te retrouver quand on ouvre notre cahier.
J’ai
tant aimé tes décors si décalés, cette infinie dimension, où nous nous sommes retrouvés
sans la crainte d’une punition. Fantôme de joie, héroïne ou émergence de tes
pensées les plus folles, je vaquais heureuse à tes occupations sensationnelles,
avec un engouement de princesse, longtemps après minuit.
Mon
Amour de poète, jamais tu ne m’as affublée d’une maladie, d’une disgrâce, d’un
verbiage grossier, déplaisant ou méchant. Jamais tu ne m’as réduite à
l’état de la vile servitude pour ton seul plaisir. Tu m’as enfantée comme
la mie du bon pain au milieu de tes histoires croustillantes. Tu m’as écrite si
belle, si désirable, si jeune, si entreprenante, si consentante, si experte, si
coquine, que tous les jeunes héros de tous tes livres se pressent pour écarter
les pages de nos aventures de bureau. Nous n’avons jamais eu d’enfant,
peut-être parce qu’il est écrit au bout de notre livre : reproduction
interdite.
Romantique,
jusqu’au bout des yeux, déchiré jusqu’au bout de tes souffrances, un jour
d’offrande ou d’échafaud, d’orage ou de félicité, de honte ou d’espoir, tu as
arraché ton cœur et tu l’as déposé à mes pieds en me disant qu’il n’y avait que
moi qui pouvais lui faire battre sa chamade exaltée, puis tu m’as murmuré
doucement : « allez, prends-le ou piétine-le mais ne le laisse pas
vivre la torture de l’Indifférence… » Je l’ai pris, mon Amour, je l’ai
pris pour moi. Je t’en prie, laisse-moi croire ce sentiment astronomique pour
moi toute seule. Laisse-moi le garder au plus près de mon cœur et laissons-les
battre l’Unisson Sidéral, à la mesure de nos vœux les plus fous dans les
étoiles filantes.
Avec
toi, jamais je n’ai fumé, jamais je n’ai bu, jamais je n’ai dit ou pensé un mot
déplacé, mais j’ai les yeux qui pétillent de notre champagne intime. Ensemble,
nous consommons le souvenir et, si tu es vivant encore, tu peux entendre mes
soupirs.
Ne
m’en veux pas si, pendant un jour lointain de relecture amoureuse, tu trouves
quelques feuilles de notre aventure collées ensemble, j’ai encore quelques
taquineries rougissantes, au bout de mes doigts, pour te faire sourire et
rallumer tes émois…
Je
te sais assez misogyne pour aimer toutes les femmes en secret, en racontant
leurs défauts mais en écrivant leurs qualités. Alors, s’il te revient des
envies de moi, pour souffler dans mes cheveux, caresser mes lèvres ou poser des
baisers brûlants sur mes paupières, dessine-nous au grand soleil d’une plage
immaculée. Après la vague mourante, nous irons courir sur le sable et nous
laisserons nos empreintes d’amants comme si elles étaient les premières du
monde. Laisse mon corps nu se bronzer avec le hâle de ta plume fureteuse, laisse
le baiser du vent soulever mes cheveux, laisse les ombres de tes caresses
courir sur ma peau amoureuse.
Mais
non, je sais les tonnes de sentiments qui pleuvent sur ta feuille comme des
cascades intarissables ; je sais tes atermoiements inguérissables, tes
patiences astrales pour des viles chimères imprenables…
Mais,
quand tu tournes une page de notre livre de confidences, ne sens-tu pas le
parfum enivrant de nos corps enlacés ?... N’entends-tu pas la chanson de
mes soupirs rallumés ?... N’imprimes-tu pas, sur ta salive débordante, le
goût de mes envies bouillonnantes ?... Ne ressens-tu pas cette aura de
bonheur palpable qui plane entre nos chapitres enflammés ?...
Mon
Amour, la texture du papier est celle de ma peau quand ta plume inventait mes
tourments énamourés. Aujourd’hui, je suis tatouée de tous tes meilleurs mots
d’encrier et ils me caressent l’âme d’aventures jouissantes à chaque nouvelle
majuscule.
Si
tu m’as aventurée, toujours aussi nue, à la proue de tes histoires savamment
croquantes, jamais je ne me suis sentie « passée à la casserole »,
pénétrée de force, violentée, bousculée, avec ce sentiment terrible d’être
salie, souillée, maltraitée, martyrisée ou punie pendant toutes nos acrobaties
divinement délictueuses. Nous étions ni pédophiles, ni zoophiles, ni
scatophiles et tous les « philes » avilissants du dictionnaire, le
temps magique de nos tribulations amoureuses ; nous n’étions pas malades
de vices punissables, de cachotteries dégoûtantes, ni de perversions sadiques.
Avec
tes seules caresses passionnées, celles que j’ai toujours préférées, celles que
je te suggérais à l’oreille, je n’ai vécu que des heures de volupté intense et
de tendresse infinie entre tes bras savants. La page se tourne ; si nous
avons commis des fautes, elles ne sont que d’orthographe à cette heure de
finition. Nos jeux de stupre étaient bien innocents et, si aujourd’hui, nous
les laissons aux regards des passants de notre livre, ils auront pour nous les
gentilles appréciations des voyeurs émus.
Maintenant
qu’il est l’heure du point final, je vais me reposer entre ces deux
couvertures. J’ai tellement de souvenirs, tellement de frissons encore chauds,
tellement de palpitations profondes que les nuits ressembleront aux jours pour
l’éternité sur cette étagère sans repos. Et même, sans nos masques de carnaval,
si la poussière s’installe, elle ne sera qu’une interminable pluie d’étoiles…
Reproduction interdite... dommage
RépondreSupprimerQuel souffle ! Le dessin est de toi ?
RépondreSupprimerNon. :) J'écris, je ne dessine pas, quoi que...
Supprimervoilà une saisissante déclaration d'amour du personnage à son auteur
RépondreSupprimerou vice versa...
:)
Bel hommage...
RépondreSupprimerQuelle belle histoire d'amour !
RépondreSupprimerJe pense aussi que les personnages crées par un écrivain à la belle plume vivent leur histoire au fur et à mesure qu'elle s'écrit et l'amour est certainement réciproque, éphémère pour le premier, éternel pour le second.
...le personnage crée...
SupprimerOn t'a déjà dit que tu écrivais sublimement ?
RépondreSupprimerNon, sûrement pas, puisque le mot n'est pas dans le dictionnaire...
Alors je l'invente pour toi.
¸¸.•*¨*• ☆
Merci à vous tous pour vos commentaires.
RépondreSupprimerune très belle histoire d'amour et une déclaration ... et un très beau texte !!
RépondreSupprimerUne prose bien poétique !
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