Un
ruban dans mes cheveux
le
soleil disparaissait déjà, derrière les collines, à quelques
centaines de mètres du campement. Les femmes en tuniques de coton
amples, entouraient le foyer circulaire et soufflaient sur les
braises pour qu'elles reprennent. Les préparatifs allaient commencer
pour la grande fête qui devaient durer une bonne partie de la nuit.
L'air était doux dans la vallée, des chauves-souris tournoyaient au
dessus des huttes faites de branchages et d'écorces d'essences
diverses. Les enfants jouaient bruyamment, les hommes se reposaient,
fatigués de leur journée de chasse.
Le
fils du grand chef Apache, choisirait sa promise quand la lune serait
là.
Trop
d'attentions m'entouraient depuis le matin pour feindre ignorer que
j'étais l'élue de son coeur. Sans mots prononcés par aucunes des
femmes de la tribu, elle s'étaient pourtant affairées à me rendre
la plus désirable possible, et cela depuis le lever du jour. Après
une immersion dans l'eau vive de la rivière qui coulait en contre
bas, des soins dignes d'un institut de beauté m'avaient été
prodigués, suivis de massages prolongés avec une huile de lavande,
sauvage et embaumante. Ma peau était plus douce qu'un pétale de
rose, plus veloutée qu'une pêche, plus parfumée qu'un champ de
fleurs des plus odorantes. Mes longs cheveux avaient été
soigneusement lavés, selon des coutumes ancestrales, puis épouillés
et tressés. Des bracelets d'étoffes colorées et enchevêtrées,
soulignaient mes chevilles fines et mes avant-bras. Un maquillage
confectionné avec des ingrédients aussi naturels que secrets,
réhaussait mes pommettes. Une cushma d'un beau orangé enveloppait
mes formes généreuses.
L'ambiance
était joyeuse et familiale ; des rires illuminaient les visages.
Tout était prétexte à la moquerie bienveillante, à la taquinerie.
On fredonnait des airs, transmis de mères en filles et on sifflotait
pour masquer les paroles oubliées. Le jeûne de la journée nous
rendait légères et nonchalantes mais nous savions que le repas du
soir nous comblerait jusqu'à satiété. Au menu il y avait une
soupe de poissons, du singe, des patates douces et des fruits.
Riquiqui
suivait de près les préparatifs en jappant gaiement. Il devinait
que cette nuit, quelques beaux morceaux de viandes lui seraient
offerts, une aubaine pour ce chien qui ne mangeait pas toujours à sa
faim. Un mélange de bois brûlé, de fumet de poisson et d'herbes
aromatiques s'élevait bientôt en volutes dansantes, au dessus de la
marmite. Assise en tailleur, j'humais ces bonnes odeurs en me
rapprochant du feu, jusqu'à ce que sa forte chaleur me rougisse les
mains et les joues.
Cette
nuit, une page allait se tourner. Un très beau chapitre de ma vie
allait commencer. Cet homme, bon, droit, courageux et aimant me
ferait sienne. Je serais à lui, comme la pluie à la terre,
désormais, indispensable à son bien-être. Je l'arroserais de mille
façons pour qu'il m'offre le meilleur. Les fruits de notre union se
déclineront en autant de bons moments partagés, qu'une ondée
matinale possède de gouttes d'eau. Avec mon arrosoir plein
d'amour je noierai ses craintes, de vivre un hiver sans baisers. Mes
averses de bons sentiments s'infiltreront par les fissures de son
coeur trop timoré et emmèneront ses esquisses de projets vers des
océans de possibles... Nous sèmerons main dans la main, les graines
d'un bonheur tant désiré, écrit, sur les pages de la destinée.
nous nous soutiendrons pour ne pas sombrer dans les ornières de
l'indifférence silencieuse.
Quelques
mots échangés me laissaient présager un futur tellement fertile.
Notre union faisait maintenant partie des choses naturelles, de
celles qui coulent de source, ce n'était plus qu'une question de
temps. La nuit allait sceller nos regards amoureux, nos élans hésitants, nos âmes qui s'étaient reconnues... Les étoiles, nos
témoins pour toujours, illumineraient nos lendemains pour doucement
guider nos pas sur des chemins fabuleux.
La
chaleur me fît glisser dans une douce torpeur. Je m'allongeai sur
l'herbe tendre. Bientôt, les corps des hommes sautaient et
tournaient autour du feu. J'entendais leurs chants qui
m'enveloppaient, qui m'appelaient et je sombrai dans une transe
troublante et sensuelle. Il s'approcha et noua un ruban carmin sur
l'une de mes nattes. Par cette simple attention, il me désigna, me
choisit comme sa reine de beauté, comme son alliée, comme son
trophée le plus cher, au yeux de tous. Un trouble immense et une
fierté nouvelle me traversaient.
Alors,
un ronronnement se fît entendre, tout d'abord lointain, puis de plus
en plus fort, de plus en plus près, jusqu'à m'importuner, jusqu'à
me sortir de ma douce léthargie. En ouvrant les yeux, je scrutai,
interdite, les murs de ma chambre d'adolescente, tapissés d'un
paysage bucolique et répétitif. Je me redressai, me penchai, et
allongeant le bras, je saisis sur le sol le masque aux longues
tresses acheté la veille sur une brocante. Au calendrier mural, le
feuillet du 3 juillet 1979 attendait d'être détaché. Je le jetai
sur le lit et accrochai à sa place mon deuxième visage. Celui d'un
être aimé. Je me levai et ouvris largement la fenêtre. Le soleil
brillait déjà, le voisin en profitait pour tondre sa pelouse trop
haute. Je respirai par une grande inspiration cette odeur d'herbe
fraîchement coupée et descendis saluer Riquiqui, mon caniche blanc
toujours affamé !
Le (joli) songe d'une nuit d'été. ];-D
RépondreSupprimerMerci Andiamo !
Supprimertu convoques tous les sens dans ce rêve somptueux et poétique...Emma
RépondreSupprimerJ'ai tenté de le faire...Merci Emma !
SupprimerJe crois comprendre à ton rêve que les petits blancs n'ont aucune chance à tes yeux :)
RépondreSupprimerTu réfléchis trop ! :)
SupprimerQuelques moments aussi sensuels que torrides, dis donc !
RépondreSupprimerJe me suis rendu compte qu'il peut y avoir plusieurs lectures, après avoir vu ton commentaire...
SupprimerTrès joli rêve... Ce masque devait être envoutant pour nourrir de tels songes ;-)
RépondreSupprimerJ'ai toujours aimé les masques d'indiens mais à l'époque, je n'avais pas de tels songes :) ! Merci Mapie !
SupprimerC'est plein de poésie, j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerMerci Pascal !
SupprimerTrès beau et poétique.
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