Fête au village.
Ce dimanche 4 juillet,
Jarennes, un tout petit hameau d'une cinquantaine d'âmes, perdu dans
les collines des Monédières se réveille sous un soleil
éblouissant. Déjà, les bénévoles, venus de toutes les communes
avoisinantes, s'activent sur le grand pré où, comme chaque année
se dresse un immense chapiteau. En effet, ce modeste village attire
toujours plus de visiteurs. Pas besoin des réseaux sociaux. Cela
fait longtemps que le bouche à oreille fonctionne à merveille et
que tout un chacun veut participer aux réjouissances. Tellement que
les organisateurs ont dû mettre un frein aux réservations et
refuser des inscriptions. On vient de loin pour la fête de Jarennes.
Même de Limoges.
On a peine à croire
qu'autant de gens se rassemblent ici. On se demande ce qui les
attire : la beauté du paysage alentour, la gentillesse des
gens, le programme toujours renouvelé et quelquefois insolite, le
bon repas servi en soirée, le bal, le splendide feu
d'artifice.....Bref. Il y a aujourd'hui, comme d'habitude un monde
fou à Jarennes. On assiste à la fête en famille. Les enfants ne
sont pas oubliés : des jeux les attendent sur le pré et on
peut faire confiance aux jeunes de la commune pour amuser les gamins.
Ils ont réinventé les attractions anciennes : jeu de quilles,
tir aux boîtes de conserve, mât de cocagne, bilboquet, toupie...On
surprend sur le visage des grands parents un air de nostalgie et de
tendresse.
On s'apostrophe entre
amis retrouvés. On s'interroge autour d'une bière fraîche et
essaie d'en savoir un peu plus sur le spectacle produit à partir de
15 heures . Mais les bénévoles restent discrets et gourmandent
gentiment les curieux : « un peu de patience, voyons. Si
on vous dévoile tout, vous n'aurez plus de surprise ».
C'est le grand moment
enfin. Des pétarades se font entendre au loin. Finalement, nous
allons assister à un défilé. Bientôt passe devant nos yeux amusés
un cortège pittoresque. En tête, « nez de cochon » le
vieil autobus à galerie de Milou. Il servait après guerre à
conduire les paysannes des petits villages au marché, place de la
cathédrale à Tulle pour y vendre leurs volailles, œufs, beurre,
légumes, cèpes. Je l'ai emprunté quelque fois dans mon enfance. Il
ne faisait pas bon s'asseoir avant d'avoir payé sa place à Anna,
l'épouse de Milou. Grande, sèche, une grosse natte brune enroulée
autour de sa tête et une sacoche de cuir portée en travers de sa
poitrine plate, elle m'intimidait avec ses manières brusques et son
franc parler. Qui dérapait parfois. Comment peut-il encore avancer,
cet ancêtre de car ? Pour la circonstance, il a été
repeint en jaune vif et a fait son plein d'enfants déguisés qui
chantent à tue-tête.
Mais oui. Je ne rêve
pas. Attelée à deux chevaux de trait, s'avance la roulotte des
bohémiens qui s'arrêtaient dans la commune autrefois. Sylvestre et
Amélie, les deux plus grands des enfants fréquentaient mon école
quand ils étaient de passage. Un jour d'hiver, les parents ont dû
abandonner leur maison ambulante pour des raisons de santé. Qui
donc avait récupéré leur bien ? Elle est encore en très bon
état cette roulotte. De bonnes âmes lui ont rendu une belle
jeunesse et elle passe devant nous, superbe avec ses couleurs vives
et ses rideaux tout neufs. Un couple de (faux) gitans conduit
fièrement l'attelage.
Viennent ensuite des
engins, motorisés ou non, incroyables d'audace et d'ingéniosité.
Tout le monde rit de bon cœur et applaudit. Il y a même, accroché
à un tricycle, piloté par un polichinelle, un landau rétro dans
lequel s'époumone un gros bébé à moustache, un béguin de
dentelle rose sur la tête. Il brandit un énorme biberon rempli
d'un lait à la couleur bizarre qu'il tête de temps en temps.
Arrive enfin, dans un
bruit de tondeuse à gazon, le dernier char. Ne l'ayant pas encore
aperçu, je me doutais que l'indien terminerait le défilé. Ici on
appelle Francisco l'indien. Il faut dire qu'il n'a aucun besoin de
déguisement pour ressembler à un vieil apache : cheveux longs
et noirs, yeux perçants, pommettes hautes et cette peau burinée du
visage virant au brun-rouge. Pour la circonstance, il a revêtu sa
veste à franges et posé sur sa tête un bandeau garni de plumes.
Francisco ne se fait jamais prier pour jouer le rôle qu'on lui
assigne depuis qu'il habite la région. Il aime raconter que ses
aïeux appartenaient à la tribu des Mescaleros au Nouveau Mexique.
Qui sait s'il ne dit pas la vérité ?
Il conduit un drôle de
kart, avec un moteur Briggs et Stratton, fabrication maison
naturellement. Juste derrière lui, assise sur un vieux siège de
moissonneuse que Francisco a installé sur son engin, trône sa
squaw. Elle n'a rien d'une indienne notre Raymonde. D'ailleurs,
aujourd'hui elle se veut femme fatale, genre Marilyn. Et elle a –
presque – réussi Raymonde ! D'où sort-elle cette
invraisemblable robe à paillettes bien trop étroite pour elle
? Et cette couronne dorée ? Elle arbore une belle écharpe sur
laquelle on lit : « Miss Jarennes 2015 » Elle
balance nonchalamment une ombrelle blanche d'une main et de l'autre,
elle sert contre elle son york toy, un chien tellement riquiqui qu'il
disparaît totalement derrière son ruban rouge.
Bon. Si Francisco a
oublié de se peinturlurer, Raymonde, elle, a forcé sur le
maquillage. Et ma foi, elle fait davantage penser à Monsieur
Carnaval qu'à une reine de beauté. Qu'importe ! Elle et son
Francisco sont, comme chaque année, les rois de la fête. Et ils le
valent bien.
Pittoresque cortège, on s'amuse bien dans nos campagnes ! ];-D
RépondreSupprimerIl y a un petit côté inspecteur Barnaby à la française dans ce texte ;-))
RépondreSupprimeron dit sans vouloir être chauvin qu'on s'amuse dans les petits patelins. avec le sourire
RépondreSupprimerVous avez raison : en Province, on n'a pas les pavés mais on a des idées... pour s'amuser.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerune belle fête campagnarde pittoresque et colorée, comme si on y était, qui fait penser aux kermesses de Brueghel
RépondreSupprimeremma
J'aime bien; tu as beaucoup d'imagination mais je suppute que tu y as apporté quelques souvenirs. :)
RépondreSupprimer@ Pascal, bien vu : il y a du vrai dans ce texte. Sauf qu'il n'y a jamais eu de défilé à Jarennes ! :-)))
SupprimerUn côté brut et fait main qui nous plonge dans ce défilé !
RépondreSupprimerT'étais-t-y pô la voisine de Jacques Tati ?
RépondreSupprimerJ'ai adoré, tes descriptions sont très bien faites, ont les voit tous !(je ne savais pas écrire squaw, merci ! :))
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup !
RépondreSupprimerMerci à vous tous. :-)
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