Soir d’été
Sur la placette de la Frairie, écrasée de chaleur sourde, on avait rencart, comme tous les soirs, avec la bande au Blondin. On l’appelait comme ça rapport à l’espèce de casque d’or qui lui servait de chevelure, et qui lançait des éclairs de paille même la nuit. Un vrai feu de Saint Jean. On avait quatorze ans, et, la fleur aux gencives, on cueillait le temps entre nos doigts, du haut de nos jambes maigres de gars montés en graine un peu vite, on le buvait à la régalade en éclaboussant de jeunesse tout ce qui passait à portée de nos cœurs. Des cœurs coupants comme des diamants. A cinquante à l’heure sur nos pétrolettes, on hantait les ruelles du village, et les vieux grommelaient aussi fort que nos moteurs.
Ce soir-là, le Blondin nous avait apporté une bouteille d’alcool de prune qu’il avait subtilisée à son père, et une cartouche de gauloises sans filtres, de celles qui arrachent les larmes au fond du nez, par leur fumée âcre comme la mort qui tue.
On allait devenir des hommes.
Dès lors, je ne me souviens plus de rien, sauf qu’Hervé m’avait fait croire à un moment que le Blondin s’était changé en crapaud sous l’effet conjugué du tabac et de la boisson. Je restai toute la nuit à veiller sur lui, tremblant de froid et de délirium, assis en short au bord de la Gravelle, le regard vague et le cul baignant dans le frais cresson bleu. La rivière agitait ses ajoncs comme des lames d’argent aux premières lueurs de l’aube, quand mon père vint me libérer de ma faction en m’allongeant une torgnole dont ma joue n’oublierait jamais la cuisante brûlure. Il fut convenu d’un accord unilatéral que ma velléité de devenir un homme devrait attendre encore quelques années.
Sur la placette de la Frairie, écrasée de chaleur sourde, on avait rencart, comme tous les soirs, avec la bande au Blondin. On l’appelait comme ça rapport à l’espèce de casque d’or qui lui servait de chevelure, et qui lançait des éclairs de paille même la nuit. Un vrai feu de Saint Jean. On avait quatorze ans, et, la fleur aux gencives, on cueillait le temps entre nos doigts, du haut de nos jambes maigres de gars montés en graine un peu vite, on le buvait à la régalade en éclaboussant de jeunesse tout ce qui passait à portée de nos cœurs. Des cœurs coupants comme des diamants. A cinquante à l’heure sur nos pétrolettes, on hantait les ruelles du village, et les vieux grommelaient aussi fort que nos moteurs.
Ce soir-là, le Blondin nous avait apporté une bouteille d’alcool de prune qu’il avait subtilisée à son père, et une cartouche de gauloises sans filtres, de celles qui arrachent les larmes au fond du nez, par leur fumée âcre comme la mort qui tue.
On allait devenir des hommes.
Dès lors, je ne me souviens plus de rien, sauf qu’Hervé m’avait fait croire à un moment que le Blondin s’était changé en crapaud sous l’effet conjugué du tabac et de la boisson. Je restai toute la nuit à veiller sur lui, tremblant de froid et de délirium, assis en short au bord de la Gravelle, le regard vague et le cul baignant dans le frais cresson bleu. La rivière agitait ses ajoncs comme des lames d’argent aux premières lueurs de l’aube, quand mon père vint me libérer de ma faction en m’allongeant une torgnole dont ma joue n’oublierait jamais la cuisante brûlure. Il fut convenu d’un accord unilatéral que ma velléité de devenir un homme devrait attendre encore quelques années.
Où lire Célestine
stouf
RépondreSupprimerNormale ... la clope c'est pas pour les gonzesses, c'est un truc de male. ;o)
Ah bon ? c'est pas un peu machiste ça comme remarque ?
SupprimerDe toutes façons, le narrateur de mon histoire est un garçon, si tu as bien lu... ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
Belle leçon de début de vie ....
RépondreSupprimerQuant à Blondin, ce sobriquet lui venait sans doute d'un personnage de B.D années 50 "BLONDIN et CIRAGE" par Jijé, qui paraissait dans "Spirou", Blondin un gamin blanc aux cheveux blonds, et Cirage un noir bien sûr !!!!
Il y avait aussi le Blondin du film de Sergio Leone
Supprimer"le bon, la brute et le truand"...
Baci andiamounet
¸¸.•*¨*• ☆
La bande au Blondin, c'est des p'tits rigolos, c'est sûr, mais ils sont vraiment fortiches en rédaction. Moi, je m'émerveille chaque fois que je lis !
RépondreSupprimerBricabrac (de La Bande des Cinés)
C'est sans doute qu'ils ont lu beaucoup, Les disparus de saint Agil, le grand Meaulnes, la guerre des boutons, et beaucoup fréquenté de ces potaches aux jambes grêles et à la gueule d'ange.
SupprimerEn tous cas j'ai aimé me transformer en garçon l'espace de quelques lignes ...
¸¸.•*¨*• ⭐️
Toujours aussi truculente, Célestine! L'envie de devenir un homme avant l'âge a toujours été plus forte que le "plaisir" de s'arracher les larmes au fond du nez...
RépondreSupprimerMerci Vegas, je suis contente que tu aies apprécié mon rôle de composition...
Supprimer(Faudra expliquer à Stouf, hihi ! )
¸¸.•*¨*• ☆
J'adore quand tu écris en mode"garçon". J’adore aussi les clins d’œil,Blondin,la fleur aux dents ,des cœurs coupant comme un diamant ...
RépondreSupprimerUn pur texte des années soixante dix, en somme...
Supprimermerci toi !
¸¸.•*¨*• ☆
Le temps que sorte l'album d'Eddy Constantine : "Cigarettes, whisky et p'tites pépées" ? ;-)
RépondreSupprimerAh...la on s'éloigne des années soixante dix, en revanche...
SupprimerChacun ses références ^^
¸¸.•*¨*• ☆
Voilà ce que c'est que de vivre dans un bal chez Intemporel ! Mais quand on a la voix de Guy Béart ou à peu près, que faire d'autre ? ;-)
SupprimerC'est ma foi vrai que tu as la voix de Guy.
SupprimerJe n'avais pas remarqué...
¸¸.•*¨*• ☆
Avec de la poésie même dans l'excès. ;-)
RépondreSupprimerMerci marité
SupprimerLa poésie fait partie de moi ...
Bisous