Émission
spéciale
Nous sommes rentrés assez tôt dans l’après-midi du dimanche. Nous avions quitté la ville dans la nuit de samedi pour rejoindre la côte, épuisés par la campagne à perte de vue. La loi nous contraignant au silence, cette courte escapade avait été maussade, et c’est avec soulagement que nous avions repris l’autoroute pour rejoindre notre fief, où nous avions prévu de passer la soirée.
L’appartement était encombré par les télévisions du monde entier, coréenne dans le salon et la chambre à coucher, mais aussi japonaise, dans la cuisine, et chinoise dans la salle de bains, où nous nous arrêtâmes pour effectuer quelques retouches dans la cabine de maquillage, tout en lorgnant vers les écrans de contrôle, sur lesquels on pouvait voir nos nombreux invités qui arrivaient par d’interminables couloirs.
L’appartement était encombré par les télévisions du monde entier, coréenne dans le salon et la chambre à coucher, mais aussi japonaise, dans la cuisine, et chinoise dans la salle de bains, où nous nous arrêtâmes pour effectuer quelques retouches dans la cabine de maquillage, tout en lorgnant vers les écrans de contrôle, sur lesquels on pouvait voir nos nombreux invités qui arrivaient par d’interminables couloirs.
Mon mari s’enferma dans son boudoir, qu’il appelle son QG, avec sa garde rapprochée : dictionnaire de rimes, livre de recettes, rebrousse-poil et tire-larigot. On croyait savoir qu'il ferait une intervention en début de soirée. Ma femme se retira dans son alcôve avec ses plus proches conseillers : dictionnaire de citations, guide des millésimes et des accords mets-vins, brûle-pourpoint et va-comme-je-te-pousse. On prévoyait une prise de parole peu après 20 heures.
Il était temps de préparer le buffet. Nous nous affairâmes à la cuisine électorale. Nous avions prévu quelque chose de simple : quiches aux salicornes et aux écrevisses, roulés de pomme au crabe, artichauts poivrades rôtis au chorizo, et flans de laitue au curcuma. En dessert, minifiadones au broccio, pavlovas aux framboises, verrines de fraise à la crème mousseuse d’acacia, et pêches pochées à la crème citronnée.
Quand les premiers résultats tombèrent – attention, ce ne sont que des estimations, à prendre avec prudence - (résultats dont nous avions connaissance, en fait, depuis le péage de Buchelay grâce à quelques appels passés à des sources bien informées), et que tout fut consommé, bisque, velouté potiron aux ravioles croustillantes, à quoi certains journalistes sous-entendirent des brisures de châtaignes, la soirée commença vraiment.
« On attend une déclaration d’un instant à l’autre, vous nous le confirmez ? »
Je vis apparaître mon mari sur la mezzanine, appuyé à la rambarde et tapotant le micro. « On m’entend, là ? » Il y a toujours en lui cette anxiété, cette crainte que je ne l’écoute pas. « Vas-y, chéri, tu es à l’antenne. » « Allez-y, nous sommes en duplex. »
Effectivement, nous habitons un grand duplex, c’est pratique pour les émissions spéciales. « Je vous interromps, il semble que ma femme s’apprête à faire une déclaration. » Elle s’avança, tenant une feuille blanche à la main. « C’est laquelle, la caméra ? Je suis dans le champ ? » Elle feint parfois de redouter que je la regarde moins qu’autrefois, alors que je n’ai d’yeux que pour elle.
Leurs premiers mots se perdirent dans le brouhaha ambiant, ce sont les aléas du direct. Ils attendirent que le silence revînt, sans se quitter du regard ni cesser de sourire. « Je t’aime », dit-il. « Moi aussi, je t’aime », murmura-t-elle. Leurs visages étaient radieux.
« Que va-t-il se passer, maintenant, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? »
Il se passa que nous mîmes tout le monde dehors, les candidats, les militants, les experts, les cameramen et les preneurs de son, les curieux et les badauds, et éteignîmes tous les postes. Puis nous dînâmes en tête-à-tête, nos doigts se chargeant des traits d’union, avec un verre de Monbazillac, en écoutant des Gymnopédies et des Scènes d’enfants. Ensuite, nous allâmes dans notre chambre, mon amour, où nous continuâmes la fête à huis clos.
A cause de "mon mari" "ma femme" "ils" "nous" on ne sait plus qui parle ni qui mange qui. C'est donc bien une soirée électorale et c'est bien alors de s'installer dans l'unanimité de la chambre et l'ordonnance(ment) de la nuit à 11 heures 49 minutes trois secondes. Il sera bien assez tôt demain matin pour examiner les camemberts. De toute façon, s'il nous a permis de nous installer dans nos fromages, c'est que l'électeur est une bonne poire !
RépondreSupprimerJ'avais d'abord pensé écrire une histoire avec 2 narrateurs,sur 2 colonnes, mais les tests de publication que j'ai faits se sont heurtés à des problèmes, euh... techniques. Ensuite, je me suis pris au jeu de l'écriture d'une histoire "à narrateur variable".
SupprimerSur le fond, et dans ce contexte électoral, tu as tout compris du bonneteau
voilà quelques recettes frappées d'originalité... Quand à leur dégustation mystère !
RépondreSupprimeravec le sourire
J'aime assez mettre mon tablier pour écrire. A la fin, je l'enlève, évidemment
SupprimerLe lent glissé du bulletin dans l'urne, ce serait ballot de s'abstenir ];-D
RépondreSupprimerMais en cas de ballotage, on a droit à un deuxième tour, ha ha !
Supprimercomme j'imagine sans peine les débats passionnés, et les ébats ébouriffés :)
RépondreSupprimerDes débats interminables, certes, où chacun veut avoir le dessus, jusqu'à ce qu'une heureuse fatigue nous endorme
SupprimerCe que je préfère dans ta dernière phrase, c'est ton texte. Et réciproquement. ;-)
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
Mais ! tu n'aimes pas ma cuisine, Célestine ??? tu n'as touché à rien !!!
SupprimerTout était dit, très cher dans cette phrase, qu'il suffisait de renverser comme une crème du même nom : ce que je préfère dans ton texte, c'est ta dernière phrase. Continuer la fête à huis-clos, même sous les étoiles, c'est le plus beau des desserts. Les plats électoraux ont beau être fournis, raffinés, distingués, j'ai toujours une certaine petite nausée à leur énoncé...
SupprimerEn revanche certains mets délicieux d'amour et d'orgues me laissent pantoise.
¸¸.•*¨*• ☆
une belle fête électorale et le narrateur n'est pas trop politique puisque c'est l'amour qui tient la vie :o)
RépondreSupprimersinon le tablier, mais nu, peut être assez rigolo :o)
Plein d'idées, décidément, pour des fêtes à venir, plus libertines qu'électorales !
SupprimerJe n'ai pas tout compris (!) : l'Elysée est un duplex ? ;o)
RépondreSupprimerBon, je vais tout reprendre depuis le début. C'est l'histoire de français moyens, auxquels je ne m'identifie pas, le narrateur, par ailleurs ici variable, étant distinct de moi... mais je te vois bâiller, tu t'ennuies ?
SupprimerMoi ? Bâiller ? Tu me fais offense. Je suis tous yeux. Je relis...je relis...:o) :o)
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