Le sacre de l’été.
Mon sacre de l’été ce furent des vacances en Auvergne, avec ma sœur, mon frère, et… Ma mère.
Ils étaient trois, trois petits enfants, ils n’allaient pas glaner aux champs comme dans la chanson.
Il y avait une fille et deux garçons. Le plus jeune avait neuf ans, l’aîné douze ans et, entre deux, juste au milieu, leur sœur.
Ils passaient leurs vacances en Auvergne, leur Maman les accompagnait. L’après-midi se passait en pêche aux vairons, en tentative d’attraper une pauvre grenouille et, quand ils y parvenaient, ils la relâchaient bien vite : courageux les Parigots, mais pas téméraires, des fois que ça morde ?
En baignades aussi dans ce qu’ils rebaptisaient le fleuve Amazone (deux mètres de large à tout casser, le fleuve Amazone de leur enfance) rempli de piranhas, de crocodiles et surtout d’anacondas énooooormes et extrêmement voraces.
L’heure du goûter arrivait, la Maman sortait d’un grand panier d’osier pain de campagne en tranches, carrés de chocolat ou confitures, un peu de beurre conservé dans un pot de grès, mais non pas celui du petit chaperon rouge, je vous vois venir !
Ils avaient faim, les minots, après une journée pareille. Alors commençait la cérémonie. La Dame, très jeune elle n’avait pas trente-trois ans et déjà trois grands enfants ! Elle s’asseyait dans l’herbe, les jambes sagement repliées sous elle, sa robe disposée en corolle afin qu’elle ne se froissât pas. Puis elle saisissait un grand écrin en bois verni, l’ouvrait précautionneusement, il était garni de feutrine rouge, je m’en souviens encore, elle en sortait un violon, puis délicatement saisissait l’archer, enduisait les crins de ce dernier de colophane afin qu’il glissât mieux sur les cordes.
Pendant un moment, elle accordait l’instrument, tournant les petites clefs prévues à cet usage, elle réclamait le silence, car il faut une oreille exercée pour mener à bien l’opération, et elle avait « de l’oreille » comme on dit.
Puis elle commençait à jouer, les enfants oubliaient les tartines, les yeux rivés sur les doigts qui vibraient sur les cordes, elle fermait les yeux pour mieux s’imprégner de la musique, elle commençait toujours par ceci : La méditation de Thaïs de Jules Massenet.
Immanquablement, les trois durs avaient de grosses larmes qui coulaient sur leurs joues… Durs les Parigots, mais pas trop !
Alors, afin de leur redonner le sourire, elle enchaînait : Le concerto pour violon en ré majeur de Brahms, c’est enlevé et le sourire revenait.
Puis, le goûter avalé, ils retournaient à leurs jeux. Au retour, c’était la dispute à celui qui porterait l’instrument merveilleux.
Elle a joué de moins en moins, la Dame, ses doigts devenaient plus gourds, « moins déliés » comme elle disait.
La dernière fois que je l’ai entendue jouer, elle avait environ quatre-vingts ans. Puis, petit à petit, la Dame s’est recroquevillée, elle s’est voûtée. A la fin, on aurait dit qu’elle se mangeait elle-même, il n’en restait plus comme on dit, mais, toujours l’œil vif à plus de quatre-vingt-dix ans, elle lisait sans lunettes, l’esprit affûté comme un rasoir coupe-chou ! Et puis à quatre-vingt-douze ans, elle s’est envolée légère comme un arpège, sans faire de bruit…
Elle s’appelait comme moi, plutôt c’est moi qui m’appelait comme elle, c’est normal dans la même famille.
Mon sacre de l’été ce furent des vacances en Auvergne, avec ma sœur, mon frère, et… Ma mère.
Ils étaient trois, trois petits enfants, ils n’allaient pas glaner aux champs comme dans la chanson.
Il y avait une fille et deux garçons. Le plus jeune avait neuf ans, l’aîné douze ans et, entre deux, juste au milieu, leur sœur.
Ils passaient leurs vacances en Auvergne, leur Maman les accompagnait. L’après-midi se passait en pêche aux vairons, en tentative d’attraper une pauvre grenouille et, quand ils y parvenaient, ils la relâchaient bien vite : courageux les Parigots, mais pas téméraires, des fois que ça morde ?
En baignades aussi dans ce qu’ils rebaptisaient le fleuve Amazone (deux mètres de large à tout casser, le fleuve Amazone de leur enfance) rempli de piranhas, de crocodiles et surtout d’anacondas énooooormes et extrêmement voraces.
L’heure du goûter arrivait, la Maman sortait d’un grand panier d’osier pain de campagne en tranches, carrés de chocolat ou confitures, un peu de beurre conservé dans un pot de grès, mais non pas celui du petit chaperon rouge, je vous vois venir !
Ils avaient faim, les minots, après une journée pareille. Alors commençait la cérémonie. La Dame, très jeune elle n’avait pas trente-trois ans et déjà trois grands enfants ! Elle s’asseyait dans l’herbe, les jambes sagement repliées sous elle, sa robe disposée en corolle afin qu’elle ne se froissât pas. Puis elle saisissait un grand écrin en bois verni, l’ouvrait précautionneusement, il était garni de feutrine rouge, je m’en souviens encore, elle en sortait un violon, puis délicatement saisissait l’archer, enduisait les crins de ce dernier de colophane afin qu’il glissât mieux sur les cordes.
Pendant un moment, elle accordait l’instrument, tournant les petites clefs prévues à cet usage, elle réclamait le silence, car il faut une oreille exercée pour mener à bien l’opération, et elle avait « de l’oreille » comme on dit.
Puis elle commençait à jouer, les enfants oubliaient les tartines, les yeux rivés sur les doigts qui vibraient sur les cordes, elle fermait les yeux pour mieux s’imprégner de la musique, elle commençait toujours par ceci : La méditation de Thaïs de Jules Massenet.
Immanquablement, les trois durs avaient de grosses larmes qui coulaient sur leurs joues… Durs les Parigots, mais pas trop !
Alors, afin de leur redonner le sourire, elle enchaînait : Le concerto pour violon en ré majeur de Brahms, c’est enlevé et le sourire revenait.
Puis, le goûter avalé, ils retournaient à leurs jeux. Au retour, c’était la dispute à celui qui porterait l’instrument merveilleux.
Elle a joué de moins en moins, la Dame, ses doigts devenaient plus gourds, « moins déliés » comme elle disait.
La dernière fois que je l’ai entendue jouer, elle avait environ quatre-vingts ans. Puis, petit à petit, la Dame s’est recroquevillée, elle s’est voûtée. A la fin, on aurait dit qu’elle se mangeait elle-même, il n’en restait plus comme on dit, mais, toujours l’œil vif à plus de quatre-vingt-dix ans, elle lisait sans lunettes, l’esprit affûté comme un rasoir coupe-chou ! Et puis à quatre-vingt-douze ans, elle s’est envolée légère comme un arpège, sans faire de bruit…
Elle s’appelait comme moi, plutôt c’est moi qui m’appelait comme elle, c’est normal dans la même famille.
Où lire Andiamo
Belle émotion au bout d'un texte léger comme une journée de vacances dans cette très aimable Auvergne où moi aussi j'ai passé des vacances enfant (c'est fou ce qu'on a en commun, cette semaine, par ici !)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup l'Auvergne, j'y suis souvent allé en vacances il est vrai. ];-D
SupprimerQue d'émotion...mesdames messieurs profitez en bien, c'est pas souvent que vous verrez Andiamo pleurer...pas vrai, Andiamounet ? ;-)
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
Célestine : Je ne pleure pas belles châsses : j'évoque ! ];-D
Supprimerah Massenet, né à Saint Etienne, ma mère aussi aimait sa musique
RépondreSupprimerdoux texte de souvenir d'enfance, et bel hommage à une mère simple et musicienne
Tisseuse : Mon père était Stéphanois, ma mère violoniste, pas étonnant qu'ils se soient rencontrés !!!
Supprimermes 2 parents étaient stéphanois, mon père musicien-mélomane et ma mère aimant la musique :)
Supprimermon père Stéphanois descendant de Ritals, ma mère Parigotte de 7 générations !
Supprimerune vraie merveille : l'été, les enfants, la musique et des souvenirs d'enfance impérissable
RépondreSupprimeret je connais très bien l'Auvergne (comme toute la France d'ailleurs)
L'auvergne, ses montagnes douces, ses forêts, les lacs dormant au fond des cratères, ce doit être la vieillerie j'évoque de plus en plus le passé ! ];-D
Supprimeret le Lac de Pavin sublime, entre Besse et super Besse !!
SupprimerLe lac Pavin, en 1962 le cantonnier en charge du secteur nous avait préparé des truites de son vivier (pêchées dans le lac œuf corse)je m'en souviens encore ! ];-D
SupprimerBravo pour cette belle évocation d'une enfance aux joies simples et de cette jolie maman créatrice de bonheur
RépondreSupprimerVégas :Des petits morceaux de bonheur qui finissent par faire un joli collier. ];-D
SupprimerC'est tout ton récit qui est léger comme un arpège ou un ruisseau
RépondreSupprimerBricabrac : Merci et ... Merci ];-D
SupprimerTon souvenir d'enfance est tellement bien décrit que l'on n'a aucune peine à imaginer cette belle journée d'été dans la fraîcheur du ruisseau et de votre jeunesse.
RépondreSupprimerQuel plus bel hommage peut-on rendre à la nature qu'à travers la musique ? Ta maman, très sensible sans doute, le savait mieux que personne.
Ce texte différent me touche beaucoup.
Marité : Sensible sans doute, mais elle ne le montrait pas, elle avait la pudeur des sentiments, seule la musique la trahissait, elle avait choisi le violon, sans doute l'instrument le plus difficile à maîtriser.
SupprimerCher Andiamo : J'ai été élevée, comme beaucoup d'enfants de notre génération, dans la pudeur des sentiments. Il en reste des traces indélébiles et quelquefois cela m'étouffe de ne pas pouvoir dire.
RépondreSupprimerMarité : C'est ainsi Marité, on nous disait à nous les garçons : "un garçon ça ne pleure pas", j'ai bien retenu la leçon, je ne sais pas pleurer ! ];-D
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