Vélobiographie
Cette année-là, j’avais 7 ans de plus que le siècle. À l’université de Vincennes, j’étudiais la féedulogie pour complaire à ma mère, qui disait qu’à l’aube du XXme siècle, un jeune homme moderne devait maîtriser cette science. Mais je redoublais la première année, car, à vrai dire, je séchais les cours magistraux du premier cycle dans l‘amphithéâtre, préférant essayer mon amphibocycle sur le lac Daumesnil. J’avais le projet de devenir explorateur. J’étais plein d’insouciance et si gai que
Je riais aux éclats des sonnets de Vegas,
Qui battra le record de Lope de Vega,
Lequel en écrivit trois mille au Siècle d’Or.
J’aurais aimé faire le tour du lac, mais craignais de me perdre. Amarré près du temple bouddhique, l’hydravion de L’Arpenteur était posé sur l’eau, tel une libellule. Je m’approchai. Il était affairé à la visite prévol. Timide comme une antenne d’escargot, je bredouillai
Qu’à défaut de sextant, comme en marine à voiles,
Un conseil de sa part sur la marche aux étoiles...
Mais il lança l’hélice et ma voix se perdit.
M’éloignant du rivage entre les touffes de littorelle et les joncs fleuris, j’aperçus Tisseuse, très chic dans une robe cousue main par une fauvette couturière, mais le front plissé par les jacinthes et les soucis d’eau, en équilibre sur une feuille de lotus, et qui lançait sur l’onde
De jolis vers, qui fusaient comme des gerris
Entre les nymphéas, la laîche et les iris
D’eau, tressant des poèmes joyeux ou songeurs.
L’après-midi finissant, déjà Lilousoleil dorait les frondaisons. Ah, Lilousoleil ! Longtemps, je m’étais pavané comme le paon bleu du lac, car tout le monde disait qu’elle tournait autour de moi, jusqu’à ce que Galilée,
En cours d’astronomie, démontrât le contraire,
Soit-disant, c’était moi, qui, pareil à la terre,
Tournais autour de Lilousoleil. Balivernes,
Sornettes et billevesées de Jules Verne !
Cette année-là, le siècle tenait ses promesses d’inventions et de paix. Mais quand il eut 14 ans, moi 21, on assassina Jaurès au Café du Croissant, et le monde en fut à jamais retourné. Je dus abandonner mes redoublements en féédulogie. On m’envoya étudier la maréchaldulogie sur le front de l’est, tandis que mon amphibocycle rouillait dans un fossé, à Saint-Maur-des-Fossés.
Je riais aux éclats des sonnets de Vegas,
Qui battra le record de Lope de Vega,
Lequel en écrivit trois mille au Siècle d’Or.
J’aurais aimé faire le tour du lac, mais craignais de me perdre. Amarré près du temple bouddhique, l’hydravion de L’Arpenteur était posé sur l’eau, tel une libellule. Je m’approchai. Il était affairé à la visite prévol. Timide comme une antenne d’escargot, je bredouillai
Qu’à défaut de sextant, comme en marine à voiles,
Un conseil de sa part sur la marche aux étoiles...
Mais il lança l’hélice et ma voix se perdit.
M’éloignant du rivage entre les touffes de littorelle et les joncs fleuris, j’aperçus Tisseuse, très chic dans une robe cousue main par une fauvette couturière, mais le front plissé par les jacinthes et les soucis d’eau, en équilibre sur une feuille de lotus, et qui lançait sur l’onde
De jolis vers, qui fusaient comme des gerris
Entre les nymphéas, la laîche et les iris
D’eau, tressant des poèmes joyeux ou songeurs.
L’après-midi finissant, déjà Lilousoleil dorait les frondaisons. Ah, Lilousoleil ! Longtemps, je m’étais pavané comme le paon bleu du lac, car tout le monde disait qu’elle tournait autour de moi, jusqu’à ce que Galilée,
En cours d’astronomie, démontrât le contraire,
Soit-disant, c’était moi, qui, pareil à la terre,
Tournais autour de Lilousoleil. Balivernes,
Sornettes et billevesées de Jules Verne !
Cette année-là, le siècle tenait ses promesses d’inventions et de paix. Mais quand il eut 14 ans, moi 21, on assassina Jaurès au Café du Croissant, et le monde en fut à jamais retourné. Je dus abandonner mes redoublements en féédulogie. On m’envoya étudier la maréchaldulogie sur le front de l’est, tandis que mon amphibocycle rouillait dans un fossé, à Saint-Maur-des-Fossés.
Ah j'adore ce texte ! Il est goûteux et jubilatoire à tous les points de vue !
RépondreSupprimerD'anthologie !
Ah ça, ça me fait un grand plaisir. Je mettrai ce commentaire en note de bas de page de mon anthologie
Supprimerje plussoie la remarque de Joe : un régal absolu que ton texte !
RépondreSupprimerune petite merveille qui m'a fait me souvenir de "La minute nécessaire de monsieur Cyclopède"
enfin, j'aime combien tu as campé ici la petite équipe impromptue que nous formons cahin-caha :)
Que veux-tu, vous m'inspirez !
SupprimerUn bel hommage à tes co-blogueurs. ];-D
RépondreSupprimerBah, entre collègues !
SupprimerJ'aurais bien aimé faire partie de ton aventure amphibocyclique, et retrouver un couplet narrant mes aventures, mais hélas, je n'ai pas trouvé à temps le temps d'écrire un parchemin féedulogistique qui eût pu convenir...
RépondreSupprimerTant pis pour moi... ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
Dès que la nuit tomba, les phalènes se mirent à danser dans le phare à acétylène de mon amphibocycle, et je vis Célestine qui s'installait sur la rive, où la lune montante allumait les lucioles. Sa jupe s'étala comme une corolle sur une prairie d'ornithogales, que bordait un bois piqueté de stellaires. Du panier de gourmandises, rimes et merveilles posé dans l'herbe à ses genoux, on eut dit la nacelle d'une montgolfière. L'idée me vint
SupprimerDans la candeur du soir, de lui faire un cadeau
Charmant, tendre et gentil : lui écrire un rondeau
De rimes habiles. C'est ainsi que, rêveur,
Je me cognai le front dans un saule pleureur.
chapeau, l'artiste !
SupprimerQuand je pense que j'ai failli laisser tomber ce cadeau dans l'eau...
SupprimerTu parles d'une fée... je suis impardonnable !
Merci et pardon quand même.¸¸.•*¨*• ☆
épatant, absolument !
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