mardi 23 avril 2019

Andiamo - La dernière séance

Le Moulin Rouge.

J’ai entendu hier Patrick Bosso qui parlait du cinéma de quartier de son enfance "le Moulin rouge" dans ma tête ça a fait tilt !
C’est à Drancy de triste mémoire que j’ai passé mon enfance, et là, dans mon quartier, il y avait un cinéma "le Moulin rouge" ! La façade vermillon et un moulin en trompe-l’œil aguichaient le chaland.
Le jeudi, on s’y rendait avec quelques copains, le patron : un p’tit bonhomme tout gentil, aussi large que haut, pas très haut, 1m52 environ, mais belle largeur !
L’entrée coûtait 12 balles, mais attention des anciens francs ! Soit 2 centimes d’euros ! Et encore, souvent on ne les avait pas, alors le gentil bonhomme nous laissait entrer à l’œil !
En pénétrant dans la salle, ce qui me saisissait, c’était l’ôdeur d’ammoniac, agressive, piquante, collante, innommable. Soyons clairs : en d’autres mots, ça puait la pisse ! Faut dire que les cagouinsses étaient situés au fond à gauche de la salle, la porte fermait mal et puis il n’y avait pas l’eau courante !
Mais bon, au bout d’un moment, on s’habituait, puis on oubliait…
Nous étions là dans l’antre où tout est possible. Un vieux 78 tours (vous connaissez ?) nous distillait toujours la même chanson : "Jumbalaya". - Puis les pauvres ampoules s’éteignaient, l’ouvreuse tirait le rideau, un vieux machin tout poussiéreux, et l’écran apparaissait, carré blanc-jaune bordé de noir, un vrai faire-part de décès !
Nous avions d’abord droit aux actualités, un bien grand mot parce que celles-ci dataient fastoche d’un mois ! C’étaient les actus de la "Fox-Movietone" : on voyait un avion "Constellation", un paquebot genre le Normandie, un train vapeur nous fonçait dessus, et enfin toute une floppée de nanas en maillot une pièce qui sautaient d’une jambe sur l’autre. Alors on sifflait comme les voyous, langue repliée sur les incisives du haut, d’autres avec deux doigts dans la bouche, c’était strident, ça te crevait les tympans, mais ça nous faisait marrer, et puis il n’y avait que des mômes à la séance du jeudi après-midi.
Après les actus, on nous passait un dessin animé en noir et blanc, bien sûr, genre Popeye. Alors là, faut que j’raconte : dans la chanson en V.O, il est question de : "Popeye a sailor man", mais nous on jactait pas une broque d’angliche, alors on disait "Popeye et phénomène", ça ne vaut pas mais ça remplaçait, et puis fallait bien meubler.
Après ce chef-d’œuvre, nous avions droit à un petit film genre polar. Je me souviens d’une série en particulier, avec pour acteurs Claude Dauphin et Louis Jourdan. C’était du genre "le crime ne paie pas". A l’époque, c’était très moral et les malfrats étaient toujours punis, na !

L’entracte arrivait, l’ouvreuse proposait ses friandises et esquimaux. Nous, tu penses, pas le rond pour acheter tout ça même pas grave. Son fils "Popol" (ça ne s’invente pas), un pote, s’égosillait dans l’allée en criant "la poignée". Il s’agissait d’une poignée d’illustrés, des bouillons, des invendus, achetés je ne sais où ,et vendus 10 ou 20 balles. On trouvait, en vrac, un Tarzan imprimé sur papier pelure format plus petit qu’un journal à l’ancienne - Tarzan, les beaux dessins de Hoggarth, le regard d’acier de l’homme singe, ses cheveux noirs, et surtout les muscles saillants, rehaussés de traits de plume, moi qui étais gaulé comme une arbalète, ça me laissait rêveur, je m’voyais anéantir une tribu entière de vilains sauvages venus bouffer Jane ! Ah la la, j’avais le surin sanglant, l’eustache dévastateur, l’opinel vengeur ! Fallait pas faire chier Tarzan ! Mais je divague, il y avait aussi, dans cette fameuse "poignée", Hurrah, l’Intrépide, Coq Hardi. Ne cherchez pas : Mandrake, Lautard, le fantôme du Bengale, Tarou, Placid et Muzo sont morts depuis longtemps !
Et le film commençait, enfin…. C’était Zorro, contre Don del Oro. C’était aussi des Laurel et Hardi, je crois que je les ai tous vus. J’en ai racheté un ou deux, mais la magie n’opère plus, c’est comme les albums de Tintin, je les aime encore, mais je crois bien que ça n’est plus pareil ! On voyait aussi les deux nigauds Abott et Costello, un ersatz de Stan et Oliver ! Sans oublier bien sûr des films de cape et d ‘épée.
La séance achevée, on rentrait avec les fesses tannées, parce que je ne vous l’ai pas dit, mais pour 12 balles, nous n’avions droit qu’aux banquettes des trois premiers rangs. En bois les banquettes.! Pour les fauteuils rembourrés, c’était plus cher.
A peine rentrés, on refaisait le far-west ou les trois mousquetaires sans Milady, à cet âge-là rien à foutre des filles, surtout pas dans nos jeux ! On jouait jusque cinq ou six heures et puis nous rentrions, un peu tristounets : le lendemain, y’avait école, BEURK !!!!

18 commentaires:

  1. vegas sur sarthe23 avril 2019 à 15:02

    On sent bien que tu es complètement dans ton thème !

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    1. Vegas : Ce petit cinoche a été converti en quincaillerie, qu'en est il aujourd'hui ?

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  2. C'est chouette ces souvenirs. On se croirait dans un film, en 4 d... les odeurs en plus ;-))

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    1. Mapie : merci, et je t'assure il était bien ainsi mon p'tit cinoche ! ];-D

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  3. laura vanel-coytte24 avril 2019 à 12:28

    souvenirs, souvenirs

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    1. Laura : souvenirs certes, mais pas tristounets ! ];-D

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  4. Comme tu l'aimais ton cinéma de quartier, et ...tes jeunes années, joli !

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    1. Maryline : mes jeunes années ? Mais j'ai quatre fois vingt berges, qui dit mieux ? ];-D

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  5. On s'y croirait. J'aime beaucoup ☺

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    1. Landrynne : Merci, j'entends la sonnette annonçant le début de la séance, on entre ?

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    2. Bien volontiers ! Il y a bien longtemps que je n'ai pas regardé de "Zorro" !

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  6. Je ne sais pas ce qu'est un cinéma de quartier. C'est pourquoi j'ai détourné la consigne. Mais toi, Andiamo, tu revis magnifiquement ces moments de ton enfance. Je comprends que ce thème te tenais à cœur.

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    1. Marité : Drancy en comptait 6 ou 7, le jeudi nous y allions parfois, mais à partir de mes 10 ou 11 ans, pratiquement chaque Dimanche avec une bande de copains, nous nous y rendions, mes héros et héroïnes s'appelaient : Errol Flynn, Maureen O'Hara, John Wayne, Ava Gardner, Gary Cooper ou encore Johnny Weissmuller et sa compagne Maureen O'Sullivan... Un monde, une époque.
      Je ne regrette pas, je me souviens c'est tout ! ];-D

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    2. "tenaiT" roooh

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  7. Nous seulement on est en plein dedans mais c'est en plus très joyeux ! Merci.

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    1. K : Merci à toi, je ne voudrais pas faire chialer dans les chaumières, d'ailleurs existent elles encore les chaumières ?

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  8. Voilà bien un sujet sur-mesure et tu t'es naturellement taillé la part du lion ! Celui de la "Metro Goldwyn Mayer" of course...

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    1. Pascal : On n'est jamais si bien servi que par.... Gna gna gna. En voici un bel exemple ! ];-D

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