Mon Isabelle
Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 1957, à Gevrey-Chambertin entre Dijon et Nuits-Saint-Georges pour ceux qui suivent un peu la route des vins de Bourgogne.
C'était plus précisément au mois d'août 57 puisque j'allais avoir 10 ans dans 3 mois et qu'Isabelle larguait le cancre que j'étais pour rentrer en CM2 à l'école du centre.
De toutes les ptiotes du village la seule qui m'ait donné le virot c'était Isabelle et je crois que c'était un petit peu pareil pour elle. Elle habitait rue Gaizot et moi rue de la Croix des Champs si vous connaissez un peu Gevrey, mais si vous ne voyez pas alors disons qu'on habitait à vingt coups de pédale l'un de l'autre.
On traînaillait souvent autour du Château pour l'angelus du soir en évitant l'oeil noir et la fourgonnette pourrie de la “doyenne”qu'on appelait Calamity Jane; c'est comme ça qu'on a déniché la planque idéale sous le porche de la porterie où on posait nos biclous pour refaire le monde.
Vous nous auriez vus là, l'Isabelle et moi, assis à croupetons dans l'ombre du pont dormant et des murs surchauffés à regarder le soleil se coucher tout en nous jetant des pignolôts dans le cou... bref, c'est en gravant nos initiales sur une grosse pierre du porche - celle qui dépasse un peu du mur et qu'un fin observateur trouvera facilement - que la Malédiction s'est manifestée.
Je ne pensais pas à mal, j'avais juste une grosse envie de mélanger mon C à son I pour l'éternité dans le grès couleur de miel qui brille au couchant et qui d'après moi a donné son nom à la Côte d'Or, mais notre grosse pierre s'est soudain enfoncée dans le mur et le parchemin nous est apparu.
On l'a lu ensemble, surtout l'Isabelle car je grebillais trop mais elle s'est mise à trembler elle aussi. Je ne l'avais jamais vue trembler comme ça, pas même quand le père Martenot nous surprenait à relever ses pièges à lapin dans la Combe Lavaux.
Bref, ça causait d'un dénommé Hugues de Chalon, de Robert le Pieux et surtout de tous les malheurs qui s'abattraient sur les curieux qui oseraient bousculer cette pierre comme nous autres.
Vin diou! On n'avait pas voulu ça et on n'a même pas pu lire jusqu'au bout car la nuit est tombée d'un coup, une nuit d'encre - comme aux fortes rabasses - avec un foutu coup de vent à décorner les cagouilles mais tout a cessé dès qu'on a eu remis le parchemin en place.
Alors on a jarté et on n'en a plus jamais reparlé puisque l'Isabelle a disparu sans raison quelques jours plus tard.
C'est tout ce que je peux dire sur la Malédiction du château car les chuchotements des mauvaises langues du village ne parvinrent jamais à mes oreilles et les prêches aussi dominicains qu'endiablés du curé ne me ramenèrent jamais mon Isabelle.
Si vous passez par là un jour et que l'envie vous prend d'aller pousser la grosse pierre gravée à nos initiales, ne cherchez pas plus longtemps ce parchemin que je garde précieusement depuis plus de 50 ans … sans avoir jamais voulu en lire la fin.
Où lire Vegas sur sarthe
Tout semblait parfait jusque là... alors, pousser la pierre, je ne m'y risquerais pas! ;-)
RépondreSupprimerQue celui qui ne l'a jamais poussée me la jette :)
SupprimerJe n'ai pas vu venir le coup !
RépondreSupprimerEt maintenant je vais tourner en rond dans ma tête pour savoir ce qu'il a bien pu advenir d'Isabelle et ce que pouvait bien contenir le mystérieux parchemin sur la fin ..!
Mystère
SupprimerMais comment fais-tu pour ne pas lire la fin ? Moi je ne pourrais pas résister !
RépondreSupprimerJe lutte … je lutte ...
SupprimerDélicieux, et truffé de mots exotiques dont tu as le secret...
RépondreSupprimerJ'ai adoré mon cher Vegas, cette version très personnelle des « jeux interdits »...
Bisous admiratifs
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Merci Célestine. J'ai eu un premier prix en Bourgogne il y a qq années pour ce texte dont j'en livre une partie ici
Supprimerle secret défloré la belle disparut !
RépondreSupprimerl'énigme reste entière en quelque sorte...
… propice à quelque suite
SupprimerSeulement quelques lignes et c'est tout un mystère qui apparaît devant nos yeux de lecteur.
RépondreSupprimerJ'en grebille encore aujopurd'hui :)
SupprimerTu as gagné le concours car te sachant en possession du parchemin porte-malheur, les organisateurs ont eu peur ? Je plaisante bien sûr !
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