Photo de Tisseuse |
Miss-Ter en Bretagne
Si l’archipel des Bermudes doit son nom au navigateur espagnol Juan de Bermúdez qui le découvrit en 1515, tandis que d’autres se faisaient trucider à Marignan, il faut ici rappeler que cette cabane de plage accessible par un escalier assez raide aux seuls initiés, a été inventée en 1743, date complètement oubliée des livres d’histoire, par Cabanes de Sardine, un pêcheur portugais dont les grands-parents avait émigré en Bretagne suite au tremblement de terre d’on ne sait plus quand.
Tout petit déjà, Cabanes, efflanqué mais débrouillard, se démarquait de sa famille bancale, composée d’un père alcoolique et cul-de-jatte, d’une mère sourde, myope, et relativement chevelue, et de neuf frères et sœurs dont le célèbre Petit Poucet, l’ainé, qui restera dans toutes les mémoires.
Cabanes était de fait le cadet de la fratrie et malheureusement pour lui, comme les vivres venaient souvent à manquer, il fut décidé qu’il allait être mangé un jour ou l’autre. Comme le rappelle la chanson, l’un voulait qu’on le fricassât et l’autre qu’on le fritât. Il faut noter que le verbe frire n’existant pas au subjonctif, il était temps que les linguistes des impromptus littéraires s’attaquassent à ce sujet.
Cependant, durant quelques années, on lui foutit la paix, au gamin. Alors que fit-il ? Il ramassait des bouts de bois à longueur de journée pour en faire des châteaux forts. C’était à marée basse, tous les après-midis, et le sable fin cimentait la construction qu’il consolidait à l’eau trouble avec un peu de salive. Cependant, les marées sans gêne et sans vergogne s’obstinaient à lui renverser ses fragiles édifices après avoir copieusement inondé les culs-de-basse-fosse, les oubliettes, puis les postes de garde, les salons d’apparat, les chambres du premier, celles du second, jusqu’au plus haut des tours de guet. Il assistait impuissant à l’anéantissement successif de ses architectures savamment élaborées et magnifiquement exécutées, mâchicoulis compris.
Cependant, l’heure fatidique approchait : les parents indignes décidèrent de le faire rôtir la semaine suivante avec le dernier rutabaga et l’avant-dernier panais. Légèrement ébranlé de l’intérieur, mais néanmoins courageux, il résolut alors, dans un éclair de génie, de s’enfuir là où personne n’aurait l’idée de le dénicher, ni même de le chercher, car pas un ne penserait qu’il pouvait penser s’y trouver, bien en évidence sous les yeux de tous, sur la plage !
La construction de la cabane lui prit le temps que vivent les roses, l’espace d’un matin, trois heures et demie, en tout et pour tout ! Un exploit, et sur pilotis, comme vous pouvez le voir sur la photo, extraite du dossier de police relative à cette affaire n° 362. Avec un pochoir, il prit soin d’en interdire l’entrée avec ce qu’il pensait être un homard mordant, le résultat fut, que homard ou pas homard, il fit fuir effectivement tous les curieux. Il inscrivit aussi sur la porte le mot « mystère » mais il ne savait pas l’orthographier correctement. La conclusion que l’adjudant Conrad nota sur le procès-verbal fut que le «Homard l’a tuer sans doute » et l’on clôtura l’enquête.
La cabane rouge que vous voyez derrière est un leurre. Cette couleur est attrayante, demandez aux malheureux taureaux des corridas si vous ne me croyez pas. Effectivement, les recherches n’aboutirent à rien du tout. La police fouilla la cabane rouge, mais pas la première, moche et délavée par les embruns, gardée par LE crabe-tambour à l’allure martiale et pénétrante.
Trois semaines plus tard, sans nouvelles de lui, le père et la mère, désorientés, furent obligés de se résoudre à manger un de leurs huit autres enfants. C’est alors que Poucet intervint et obtint les lauriers de la littérature : on ne se souviendrait à l’avenir que du sauveur général, en oubliant à jamais celui qui ne devait sa vie qu’à lui tout seul. Ainsi disparut Cabanes de Sardine, mais pas son œuvre, la cabane, qui donna des idées à certains. Elle devint refuge au fil du temps pour délinquants de tous poils, repris de justice, bandits en cavale, pêcheurs de carrelets, ou amoureux en fuite (tels Tristan et Iseult dont les corps n’avaient jamais été retrouvés, on comprend pourquoi).
Si l’archipel des Bermudes doit son nom au navigateur espagnol Juan de Bermúdez qui le découvrit en 1515, tandis que d’autres se faisaient trucider à Marignan, il faut ici rappeler que cette cabane de plage accessible par un escalier assez raide aux seuls initiés, a été inventée en 1743, date complètement oubliée des livres d’histoire, par Cabanes de Sardine, un pêcheur portugais dont les grands-parents avait émigré en Bretagne suite au tremblement de terre d’on ne sait plus quand.
Tout petit déjà, Cabanes, efflanqué mais débrouillard, se démarquait de sa famille bancale, composée d’un père alcoolique et cul-de-jatte, d’une mère sourde, myope, et relativement chevelue, et de neuf frères et sœurs dont le célèbre Petit Poucet, l’ainé, qui restera dans toutes les mémoires.
Cabanes était de fait le cadet de la fratrie et malheureusement pour lui, comme les vivres venaient souvent à manquer, il fut décidé qu’il allait être mangé un jour ou l’autre. Comme le rappelle la chanson, l’un voulait qu’on le fricassât et l’autre qu’on le fritât. Il faut noter que le verbe frire n’existant pas au subjonctif, il était temps que les linguistes des impromptus littéraires s’attaquassent à ce sujet.
Cependant, durant quelques années, on lui foutit la paix, au gamin. Alors que fit-il ? Il ramassait des bouts de bois à longueur de journée pour en faire des châteaux forts. C’était à marée basse, tous les après-midis, et le sable fin cimentait la construction qu’il consolidait à l’eau trouble avec un peu de salive. Cependant, les marées sans gêne et sans vergogne s’obstinaient à lui renverser ses fragiles édifices après avoir copieusement inondé les culs-de-basse-fosse, les oubliettes, puis les postes de garde, les salons d’apparat, les chambres du premier, celles du second, jusqu’au plus haut des tours de guet. Il assistait impuissant à l’anéantissement successif de ses architectures savamment élaborées et magnifiquement exécutées, mâchicoulis compris.
Cependant, l’heure fatidique approchait : les parents indignes décidèrent de le faire rôtir la semaine suivante avec le dernier rutabaga et l’avant-dernier panais. Légèrement ébranlé de l’intérieur, mais néanmoins courageux, il résolut alors, dans un éclair de génie, de s’enfuir là où personne n’aurait l’idée de le dénicher, ni même de le chercher, car pas un ne penserait qu’il pouvait penser s’y trouver, bien en évidence sous les yeux de tous, sur la plage !
La construction de la cabane lui prit le temps que vivent les roses, l’espace d’un matin, trois heures et demie, en tout et pour tout ! Un exploit, et sur pilotis, comme vous pouvez le voir sur la photo, extraite du dossier de police relative à cette affaire n° 362. Avec un pochoir, il prit soin d’en interdire l’entrée avec ce qu’il pensait être un homard mordant, le résultat fut, que homard ou pas homard, il fit fuir effectivement tous les curieux. Il inscrivit aussi sur la porte le mot « mystère » mais il ne savait pas l’orthographier correctement. La conclusion que l’adjudant Conrad nota sur le procès-verbal fut que le «Homard l’a tuer sans doute » et l’on clôtura l’enquête.
La cabane rouge que vous voyez derrière est un leurre. Cette couleur est attrayante, demandez aux malheureux taureaux des corridas si vous ne me croyez pas. Effectivement, les recherches n’aboutirent à rien du tout. La police fouilla la cabane rouge, mais pas la première, moche et délavée par les embruns, gardée par LE crabe-tambour à l’allure martiale et pénétrante.
Trois semaines plus tard, sans nouvelles de lui, le père et la mère, désorientés, furent obligés de se résoudre à manger un de leurs huit autres enfants. C’est alors que Poucet intervint et obtint les lauriers de la littérature : on ne se souviendrait à l’avenir que du sauveur général, en oubliant à jamais celui qui ne devait sa vie qu’à lui tout seul. Ainsi disparut Cabanes de Sardine, mais pas son œuvre, la cabane, qui donna des idées à certains. Elle devint refuge au fil du temps pour délinquants de tous poils, repris de justice, bandits en cavale, pêcheurs de carrelets, ou amoureux en fuite (tels Tristan et Iseult dont les corps n’avaient jamais été retrouvés, on comprend pourquoi).
Refuge pour amoureux en fuite...on est raccord !
RépondreSupprimerMagnifique histoire je n'ai pas vu venir la fin...
Bravo. Elle inspire, cette cabane !
¸¸.•*¨*• ☆
Mais oui, Célestine, et c'est la vraie de vraie histoire !
SupprimerTout s'explique alors de façon limpide !
RépondreSupprimerBravo pour la belle suite débridée, j'aime.
Grand merci, Jean-Claude.
Supprimeroh que j'aime la genèse imaginaire de ces carrelets :)
RépondreSupprimeret combien, enfant, comme tant d'autres, j'ai lutté en édifiant des remparts dérisoires de sable contre la marée montante...
Une photo inspirante, Tisseuse, qui donne une suite tout aussi inspirante (et peut-être inspirée), comme vous voyez.
Supprimerencore une histoire complètement déjantée, drôle, une écriture très dense aux liens étonnants et aux jeux d'humour ... excellent :o))
RépondreSupprimerMerci l'Arpenteur. Quel gentil commentaire.
RépondreSupprimerDans cette histoire à l'intrigue véritablement bouffante, on retrouve ton style si personnel!
RépondreSupprimerEn ce dimanche de Mistral, une délicieuse pause gourmande!