Le
fil à la patte
Si le gouvernement italien n'avait vu aucun intérêt à son invention, il attendait beaucoup des rosbifs mais ceux-ci lui avaient ri au nez après son expérience avortée... et un angliche qui vous rit au nez ça vaut bien une paire de calottes du père Marconi !
D'ailleurs, du haut de ses vingt deux ans il allait encore prendre une paire de calottes.
Comment un italien émigré avait-il osé aller défier les scientifiques britanniques?
Il entendait déjà la voix de son maître et eut un sourire amer ; les frères Pathé venaient d'avoir plus de chance que lui avec leur gramophone – mélange d'essoreuse à salade et de cornet géant – Nom d'un chien !
Sans compter Tesla et Edison, ces deux monstres qui se disputaient la vedette à coups d'inventions, défendant qui le courant continu qui le courant alternatif au point d'accoucher de cette monstrueuse chaise électrique... que n'imaginait-on pas au nom du progrès et de la science!
Comble de honte, un de ses compatriotes un certain Italo Marchiony venait de mettre au point l'affaire du siècle, le cône de crème glacée, alors qui se soucierait d'un gamin qui tape du morse au bout d'un fil en priant Dieu qu'on le recoive à l'autre bout ?
Après les « Buono a nulla» (Bon à rien) du vieux Giuseppe viendraient les « Oublie toutes ces bêtises » puis on lui dirait de trouver un vrai boulot, de fonder une famille et tutti quanti.
Il serait carabinier ou conducteur de tramway, épouserait une bolognaise bien nourrie aux spaghetti, lui ferait quelques marmots et la famille serait contente.
Et dire qu'un an plus tôt dans les Alpes suisses il avait réussi à transmettre sur un kilomètre et demi quelques ti-ti-ti-ta-ta-ta entre deux antennes grâce aux ondes de Monsieur Hertz, au cohéreur de Monsieur Branly et aux antennes de Monsieur Popov.
Le vieux Giuseppe s'était marré : « Branly et Popov ! On se croirait à la commedia dell'arte!»
Guglielmo est abattu, lui qui s'imaginait riche et célèbre roulant à bord d'une Alfa Roméo et écoutant des programmes musicaux à distance; il appellerait ça un... autoradio !
15 avril 1912: Guglielmo épouse Carla Bronzi – un mannequin turinois issu d'une famille de musiciens – sous les yeux ravis de son vieux tandis qu'un paquebot dénommé Titanic embrasse un iceberg dans le silence le plus total.
Morse avait pourtant imaginé le SOS … --- … mais pas le fil invisible qui relierait les hommes pour leur sécurité et leur confort.
Dix ans plus tard en 1922 nait la BBC – la Brown, Boveri et Cie – compagnie de matériel féroviaire où Guglielmo va se rendre célèbre en imaginant l'affichage de sécurité “è pericoloso sporgersi” qui évitera tant de défenestrations.
1924: Emile Pathé – l'inventeur du gramophone qui avait tiré un sourire amer au jeune Guglielmo un 2 juin 1896 – prend sa retraite et cède ses intérêts à... personne.
13 ans plus tard, le 20 juillet le petit Guglielmo devenu vieux comme son vieux s'éteint à Rome, emportant avec lui son obsession de tous les instants: créer un monde sans “filo alla gamba”.
Un monde sans fil à la patte! Quelle utopie!
On est au XXIème siècle et je souris en écoutant les enfants jouer dehors avec le dernier jeu à la mode: une ficelle et deux couvercles de boîte à cirage.
Leurs rires clairs m'amusent et me rassurent. Stop. Je me sens bien. Stop. Je travaille dans une fabrique de fils de cuivre. Stop. Je suis payé au kilomètre. Stop. Je tréfile plus pour gagner plus. Stop...
Je ris. Pardonnez-moi ce style télégraphique qui m'a donné la mauvaise habitude de dire Stop à tout instant. Stop.
AH Pathé Marconi et la voix de son Maître... Un ancêtre de ma Neige qui regarde dans l'entonnoir !!!
RépondreSupprimerbel inventaire des inventions !
Quelle époque! Celle des grands inventeurs à pas de géants
SupprimerEt quand je regarde "Morse" ou "Poirot" à la télé et bien que nous ayons connu les vieux téléphones à fil, je mesure mieux que ces "sans fil" nous ont fait bondir dans un autre siècle, une autre dimension.
RépondreSupprimerEspérons que les générations à venir n'auront pas à souffrir des dégâts collatéraux du "tout sans fil"
Supprimeron a très certainement changé de millénaire :)
RépondreSupprimerAvec ou sans fil, voilà la question.
RépondreSupprimerPour la côte de cèleri et les haricots verts, je dis : sans fils !
et pour les histoires... du fil blanc ?
SupprimerLe plus souvent du noir sur du blanc, sans doute pour des raisons d'économie d'encre, quelle mesquinerie...
SupprimerCarla Bronzi...muahaha !
RépondreSupprimerExcellent comme toujours...mais tu ne t'arrêtes donc jamais ?
¸¸.•*¨*• ☆
JAMAIS !!
Supprimer"le dernier jeu à la mode: une ficelle et deux couvercles de boîte à cirage. et des rires clairs d'enfants"... la vie quotidienne bloquée à la guerre des boutons serait charmante
RépondreSupprimerTu as raison Emma... mais moi qui ai fait une grande partie de ma carrière dans le groupe Marconi, je me sens des fourmis dans les doigts :)
SupprimerUn texte qui nous mène par le bout du nez et nous embobine à qui mieux mieux !. ..comme d'hab'
RépondreSupprimertout sans fil et bientôt tous avec puces dans la peau ... enfin, bon, on n'en sera sans doute pas :o)
RépondreSupprimercomme le dit Clémence, tu nous emmène vraiment où tu veux, et sans fil en plus, qu'avec ton humour / lien !!
L'humour sans fil, j'aime bien la formule :)
SupprimerComment je me suis encore fait balader ! T'es vraiment impayable, garçon !
RépondreSupprimerhashtag-mohoho, quoi :P
En voilà encore un qui s'est laissé séduire par un mannequin chanteur(euse). J'en suis sans voix !
RépondreSupprimerJe place ici un commentaire pour faire nombre, je n'accepte pas de t'égaler, même en ce domaine !
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