Ah ben mes fenots et mes fenottes, je vas vous espliquer la toute première fois ousque je suis été au thiâtre. Enfin pas la toute première car avec les z’amateurs et z’amateuses du saint Georges, j’avais suivi les copains. On jouait à l’époque Napolion, l’empire et les Cent jours. On voyait le M’sieur Napolion, Madame Napolion, le général Bartrand et toute la clique ! mais c’était pas eusses, c’était sensément eusses tout en étant pas eusses… Madame Napolion, c’était la grande dévideuse de la rue de la Grand’Côte que faisait le rôle. Ah la mâtine, elle imitait bien et elle avait bonne façon ; elle se guignait à droite, elle se guignait à gauche ! non non trop drôle !
Mais breffons là, ma catolle, concierge rue des Trois Maries, y voulait courir au thiâtre mais au grand thiâtre, là ousqu’on joue de la musique et ousqu’on chante… J’ai laissé donc mon tablier de gnaffre et elle a fermé sa loge pour aller guigner une belle pièce au grosopéras… enfin qu’y soye gros ou menu, ça m’est bien égal autant que mon premier caneçon. Y était en vogue c’te pièce, une italienne pas une pièce de taffetas ou de velours rouge, non non du Reverdi c’est tout nouveau sauf que des Reverdi y en plein à Lyon à Saint Jean… Y a quèque temps y ont joué la Dentition de Faust. Ho là là des charlatans ceusses qu’on inventé ça.. Mais y a pire ! La Salomé, une gourgandine que met sont gros cannant dans la fose d’aisance et pis que va danser le caquevaque avec des serpillières autour du ventre… En voilà de drôles… ça vaut pas les pièces d’autrefois… La nouveauté, ci bas, le Trou ouvert, que ce soit le trou ouvert ou le trou fermé, je m’en bats le croupion !
Revenons à mes moutons, quand on peut pas avoir des bonnes places réservées vaut mieux y aller et faire le pied de grue… On attend et on reste pique-plante ! Quand on est las sus une piotte, on se met sus l’autre on se tient sur les deussses ou bien à cacaboson…
Je commençais à avoir faim, rien dans la bredouille depuis plusieurs heures. Manquait plus qu’il tombe une singotte et onsque serait tout bassouillé. Heureusemnet ma fenotte était bien précautionneuse, elle avait bourré le panier à deux couvêcles ; du gigot z’à l’ail, des rondelles de Jésus, un restant de fayots salade et du tommeux fort avec un tasse de grattons et un beau hareng sauret. De quoi se benouiller les boyaux et se rincer le corniaulon… par égard pour les sensibles, je ne vous donnerai pas la recette du jus de coco mais elle en avait ben fait deux litres, pis un coup de Beaujolais. Comme je ne voyais qu’un bout de guichet et point de porte, je me demandais ben comment ma colombe allait passer avec ses cotillons et le panier ! Finalement on me dit ousqu’il fallait prendre les billets. On voulait que je prenne un billet de parterre mais non merci ; j’en avais déjà pris un hier en descendant la Grand’Côte , je m’étais fait peter le temple sus la cavette et pis, que même le coquard était tout bleu et noir. Alors l’employé a dit : là haut au poulaiyer ! pas confiance ! je me disais ousqu’on va nous fourrer ! on tiendra jamais là ousqu’on mène coucher les poules !!! ma fenotte ne tiendra pas sur un perchoir, elle débaroulera surtout qu’avec ses galoches, elle tient pas sur ses guibolles.
Ah mes aieux, on était assis sus des grands degrés sus le bout des pieds de ceusses que sont derrière vous ; Alorsse quand y z’ont besoin de remuer les z’arpions, ça vous grabotte.
Enfin, on voit toute la salle. Et c’est bien, par devant la scène pis tout l’orchestre. Mais les musiciens sortent par des trous dans le plancher comme des petits rats. Et là j’ai jamais vu tant d’instruments… j’ai vu un grand placard avec un menuzier caché derrière pour le faire marcher et des plus petits qu’on essayait de scier sans y parvenir ; d’autres qu’on avale et qu’on recrache à vous désampiller les boyaus ! ah ça ramone la gargotte ce machin là.. Mais le mieux c’est un pique en peigne ; on le graffigne tout le temps ; il parait que ça s’appelle une arpe parce qu’on le fait marcher avec les arpions. Tous ensemble ça cigrolle !
Vous pensez bien que j’ai rien compris à la pièce ! Les grosopéras ousqu’on chante sans cesse on comprens rien à ce qui disent. Heureusement, il y a de arrêtes.. Des anthraxes… c’est là le plus drôle. Avec la fenotte on en a profité pour casser la croûte. Mais quand elle a les séchoirs sa tartine de fromage fort et gras, sur le crâne chauve d’un bonhomme en costume de pingouin, on ne se tenait plus les côtelettes ni l’ambuni . Surtout que plus y voulait frotter plus y étalait et plus le parfum se répandait ! y avait beau se licher les doigts rien à faire !
Ah mes aïeux, si vous allez au thiâtre, allez au poulaiyer, c’est le meilleur coin pas pour vos darniers mais pour s’éboyer !
Inspiré des "Contes Lyonnais d'Autrefois"
Où lire Lilou pour trouver le glossaire du patois lyonnais
un vrai régal, fouilla miladzeux (ça c'est du Gaga !!)
RépondreSupprimertant qu'on a pas le bocon et qu'on peut y débarouler dans les traboules pour aller à la vogue des marrons, on restera des gones ... Bon j'ai le corgnolon tout sec ; j'avis prendre un pot de beaujolpif ... et pis tiens, j'te fais péter la miaille :o))
Incommentable si on connaît pas le jargon! Mais malgré tout j'ai bien saisi tout l'humour de ton texte, Lilou. C'est excellent, on l'entend parler tout du long.
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
Génial, je l'ai comme entendu en le lisant !
RépondreSupprimeroui un régal, même si c'est plus difficile à lire qu'à entendre
RépondreSupprimerPas tout compris, forcément mais l'humour est là... au premier rang comme au dernier :)
RépondreSupprimerDésopilant, jouissif et attendrissant à la fois, la découverte de l'opéra!
RépondreSupprimerEt pourtant.....pourtant, il fut un temps où on allait effectivement à l'opéra avec son panier de victuailles et son litron. ..Opéra bouffe qui se disait dans les rues....