Le salon dormait dans la pénombre, enfin le salon… Ce qu’il en restait. En le parcourant du regard, on voyait plutôt une friche, un champ mais après la bataille. Ici et là, quelques victimes débraillées, les chemises ouvertes, les robes remontées, ronflaient affalées aux creux des fauteuils ou des canapés défoncés. Un peu partout d’autres cadavres de bouteilles couchées, ouvertes finissaient de se vider, des assiettes en carton, à moitié repliées sur des restes de bouffe écrasés, des cendriers débordés, puants. Ça empestait l’alcool, la sueur et le tabac froid. Il faut dire que la soirée et une grande partie de la nuit avaient été agitées. Il y a quelques heures, une bonne trentaine de personnes s’agitaient encore ici. Parlaient fort, dansaient comme des dératés, sautaient en l’air, se rentraient dedans, se tamponnaient comme aux plus belles heures des foires foraines, gigotaient à tous bras, buvaient à pleines gorgées quand ce n’était pas à même la bouteille, s’invectivaient, riaient aux éclats, se bousculaient, flirtaient à bouches que veux-tu, dans les embrasures de porte…
Une horde de jeunes gens éructait en un vacarme étourdissant. Du reste, ils étaient étourdis, tous. Ils donnaient la joyeuse impression d’avoir complètement perdu le sens de la bienséance, de la modération, de la tempérance et pour certains celui même de la dignité. Des dossiers plutôt regrettables pour les réseaux sociaux étaient en train de s’accumuler dans cette pièce et personne ne semblait s’en soucier.
Bref, une fête y battait son plein.
Maintenant, au beau milieu du lendemain, l’ambiance avait changé. Les diables avaient levé le camp, les démons s’étaient enfuis, désormais, ici-bas, c’était morne plaine et gueule de bois. On apercevait au fond du couloir qui menait aux toilettes les jambes d’un type allongé qui devait encore avoir la tête dans la cuvette, on l’entendait furtivement râler. En entrant dans la cuisine, on pouvait se dire qu’une ou deux mines y avaient sauté. Les placards étaient éventrés, la porte du frigo ouverte, le lave-vaisselle avait dû être attaqué à la grenade. Partout du verre cassé, des assiettes brisées, empilées, amoncelées en déséquilibres précaires, l’évier regorgeait de plateaux jetés, sur les plaques de la cuisinière deux ou trois pizzas froides attendaient encore d’être coupées en parts.
De la fenêtre de la cuisine, une vague lueur, dehors, brillait un pâle soleil d’hiver qui faisait cligner des yeux, en tirant un peu les rideaux on pouvait voir qu’il avait neigé dans la nuit, le jardin et la maison étaient amadoués de blanc comme saupoudrés de sucre glace.
Nous étions maintenant deux ou trois réveillés en vrac, mais debouts, à nous sourire bêtement en repensant à ce que nous avions vécu.
Nous nous sommes embrassés en nous serrant comme des rescapés après une catastrophe aérienne.
En ce premier jour de l’an, le salon était dans la pénombre, nous étions peu de survivants mais nous faisions le nombre.
A nouvel an, nouvel élan... reste à ranger le salon :)
RépondreSupprimerAh...ces délicieuses agapes de fin d'année...la poésie du vomi et de la pizza froide... j'adore !
RépondreSupprimerTa description apocalyptique ne laisse pas deviner la chute, et pourtant, plus d'un a chu.
¸¸.•*¨*• ☆
On s'y sent dans ce salon, c'est sensas cette sensation (à dire dix fois).
RépondreSupprimerà la dixième on mange le saucisson sec !
SupprimerJ'aime beaucoup ce nouvel an sous ta plume ! :)
RépondreSupprimerPas la peine d'insister, je ne ferai pas le ménage !
RépondreSupprimer@Lilousoleil : Laissez, je m'en charge! @ Pascal: Merci!!! @ Vegas Laissez je vais m'y coller!!!
RépondreSupprimer