Il avait posé son chevalet, là juste au bord.
De ses yeux océan il caressa l’horizon
Sur la toile bise il traça une ligne droite
Blanche aux reflets bleutés
Les bleus infinis des mers et le blanc pâle du ciel
Puis il resta longtemps, le geste suspendu
Attendant
Un sourire sous la fine barbe blanche
Et le regard acéré
Il était là depuis l’aube de son temps
De son temps à lui
Il en arrivait au crépuscule et il savait
Qu’il allait enfin saisir le moment ultime
Qu’il allait enfin toucher l’instant ténu, subtil
Celui où la mer commence juste à se retirer
Au bout de sa course inexorable sur la langue de sable
L’instant de la limite du monde.
De ses yeux océan il caressa l’horizon
Sur la toile bise il traça une ligne droite
Blanche aux reflets bleutés
Les bleus infinis des mers et le blanc pâle du ciel
Puis il resta longtemps, le geste suspendu
Attendant
Un sourire sous la fine barbe blanche
Et le regard acéré
Il était là depuis l’aube de son temps
De son temps à lui
Il en arrivait au crépuscule et il savait
Qu’il allait enfin saisir le moment ultime
Qu’il allait enfin toucher l’instant ténu, subtil
Celui où la mer commence juste à se retirer
Au bout de sa course inexorable sur la langue de sable
L’instant de la limite du monde.
Elodie relut son poème. Elle rendait hommage à son grand-père artiste peintre qui avait disparu quelques semaines auparavant. Endormi pour l’éternité sur une plage sauvage d’une crique bretonne, le pinceau à la main, le front appuyé sur la toile à peine colorée.
La nuit parfumée entrait par la fenêtre ouverte. Une nuit d’été tiède et piquetée d’étoiles. Elodie regardait les grands marronniers au fond du parc balançant doucement leurs branches sombres. Elle resta quelques minutes à rêver puis décida d’aller dormir. Elle se retourna et resta figée, immobile : une femme petite, pâle, voutée se dressait devant elle, calme, un léger sourire aux lèvres. D’une voix grave elle murmura
- N’ai pas peur, je ne te veux aucun mal. Je veux juste te raconter une très, très vieille histoire ».
Elodie n’eut pas peur. Elle s’assit sur son lit et observa cette ombre, ce fantôme charnel et diaphane.
- Qui es-tu donc ?
- Je suis une de tes ancêtres, mais très, très anciennes. Je suis née il y près de dix-huit mille ans. L’humanité était déjà ancrée sur la terre. Nous étions peu nombreux, mais nous vivions en groupe et en famille. Je m’appelle Avanoa. Nous habitions dans une région magnifique qui ne s’appelait évidemment pas encore la France. Nous avions déjà des outils pratiques de toutes formes et de toutes finesses, issus de la pierre. Mais surtout nous avions aussi des espèces de peintures, de couleurs et nous décorions aussi nos lieux de vie. Mon compagnon était le plus extraordinaire des artistes. Il se nommait Dalen. Je suis venue ce soir pour te raconter une anecdote qui se lie quelque part avec le départ de ton grand-père.
Elodie, bouche entr’ouverte et yeux écarquillés, buvait les paroles de cette surprenante apparition. Avanoa reprit son récit :
- Dalen avait un talent incroyable. Durant longtemps il broya des pierres de couleurs, recherchant le minéral le plus adapté. Il prépara également du charbon de bois et des pierres taillées pour graver la roche. Puis un soir il pénétra à l’intérieur de la colline avec tout son attirail, de la nourriture, de l’eau et des torches. Il demanda à ses frères de refermer l’entrée par un tas de pierres. Il demeura fort longtemps à l’intérieur. J’étais inquiète et malheureuse de ne plus le sentir près de moi ; mais j’avais une confiance absolue dans son art. Et puis un soir, nous l’avons entendu nous appeler derrière l’amas de cailloux fermant la grotte. Tous se ruèrent pour enlever les pierres. Dalen était là, amaigri, couvert de poussières et de poudre d’ocre. Je me suis précipitée contre lui. Ma vie recommençait enfin.
La famille et la tribu n’osait pas entrer. Il insista et nous guida longtemps jusqu’à une sorte de galerie éclairée par des dizaines de torches qu’il avait allumées. Alors nous sommes tous restés sans voix devant l’œuvre extraordinaire de Dalen. Des taureaux, des bisons, des aurochs, des félins, des chevaux, ces cerfs couvraient la pierre. Il avait aussi dessiné des rhinocéros et des ours. Sous les lumières des flammes, ils semblaient se mouvoir, courir, marcher. La vie était là. Dalen était le magicien de la couleur et des formes.
Voilà, Elodie. Je suis venue ce soir, simplement pour faire le passage entre les hommes des cavernes, artistes exceptionnels et les hommes modernes. Mon compagnon et moi, tes ancêtres immémoriaux, nous avons sans le savoir créer une lignée d’artistes durant des milliers d’années. Ton grand-père est un maillon de cette chaîne infinie. Et toi aussi, poète et rêveuse, dont le destin est tracé dans le cosmos, comme celui de Dalen.
Avanoa, se dressa, sembla toucher la main d’Elodie et disparut dans une vapeur bleutée. Bleutée comme la ligne droite du dernier tableau de son grand-père.
Elodie n’eut pas peur. Elle s’assit sur son lit et observa cette ombre, ce fantôme charnel et diaphane.
- Qui es-tu donc ?
- Je suis une de tes ancêtres, mais très, très anciennes. Je suis née il y près de dix-huit mille ans. L’humanité était déjà ancrée sur la terre. Nous étions peu nombreux, mais nous vivions en groupe et en famille. Je m’appelle Avanoa. Nous habitions dans une région magnifique qui ne s’appelait évidemment pas encore la France. Nous avions déjà des outils pratiques de toutes formes et de toutes finesses, issus de la pierre. Mais surtout nous avions aussi des espèces de peintures, de couleurs et nous décorions aussi nos lieux de vie. Mon compagnon était le plus extraordinaire des artistes. Il se nommait Dalen. Je suis venue ce soir pour te raconter une anecdote qui se lie quelque part avec le départ de ton grand-père.
Elodie, bouche entr’ouverte et yeux écarquillés, buvait les paroles de cette surprenante apparition. Avanoa reprit son récit :
- Dalen avait un talent incroyable. Durant longtemps il broya des pierres de couleurs, recherchant le minéral le plus adapté. Il prépara également du charbon de bois et des pierres taillées pour graver la roche. Puis un soir il pénétra à l’intérieur de la colline avec tout son attirail, de la nourriture, de l’eau et des torches. Il demanda à ses frères de refermer l’entrée par un tas de pierres. Il demeura fort longtemps à l’intérieur. J’étais inquiète et malheureuse de ne plus le sentir près de moi ; mais j’avais une confiance absolue dans son art. Et puis un soir, nous l’avons entendu nous appeler derrière l’amas de cailloux fermant la grotte. Tous se ruèrent pour enlever les pierres. Dalen était là, amaigri, couvert de poussières et de poudre d’ocre. Je me suis précipitée contre lui. Ma vie recommençait enfin.
La famille et la tribu n’osait pas entrer. Il insista et nous guida longtemps jusqu’à une sorte de galerie éclairée par des dizaines de torches qu’il avait allumées. Alors nous sommes tous restés sans voix devant l’œuvre extraordinaire de Dalen. Des taureaux, des bisons, des aurochs, des félins, des chevaux, ces cerfs couvraient la pierre. Il avait aussi dessiné des rhinocéros et des ours. Sous les lumières des flammes, ils semblaient se mouvoir, courir, marcher. La vie était là. Dalen était le magicien de la couleur et des formes.
Voilà, Elodie. Je suis venue ce soir, simplement pour faire le passage entre les hommes des cavernes, artistes exceptionnels et les hommes modernes. Mon compagnon et moi, tes ancêtres immémoriaux, nous avons sans le savoir créer une lignée d’artistes durant des milliers d’années. Ton grand-père est un maillon de cette chaîne infinie. Et toi aussi, poète et rêveuse, dont le destin est tracé dans le cosmos, comme celui de Dalen.
Avanoa, se dressa, sembla toucher la main d’Elodie et disparut dans une vapeur bleutée. Bleutée comme la ligne droite du dernier tableau de son grand-père.
c'est beau les peintures rupestres et puis Lascaux c'est Lascaux même si c'est pas l'originale, quand nous regardons les murs nous n'y pensons pas... C'est magique !
RépondreSupprimerSuperbe conte, autres pinceaux, autre mœurs, autres couleurs, j'aime beaucoup !
RépondreSupprimerMagnifique assemblée d'artistes!
RépondreSupprimerQuel beau conte tu nous as concocté là pour expliquer les peintures de Lascaux !
RépondreSupprimerJ'ai emmené mes élèves visiter la Grotte Chauvet l'an dernier, et j'ai eu une extrême émotion à contempler ces peintures vieilles de 30000 ans... c'était magique.
J'aime aussi beaucoup le poème que tu as mis en exergue de ton texte.
L'instant de la limite du monde...c'est beau !
¸¸.•*¨*• ☆