Œil de tigre
J'étais couchée sur la civière, une couverture chaude sur le corps. Un infirmier passa près de moi et me dit :
- Patientez encore un peu, on va s'occuper de vous.
Facile à dire, patienter. Patienter, je n'ai fait que cela depuis… Je bouge mes doigts pour compter le nombre d'années pendant lesquelles j'ai patienté en me dopant le moral à coup de : « Patience, ma vieille, cela finira bien par s'arranger » ou encore « Patience, ma vieille, il finira bien par comprendre... »
Résultat : trois déménagements en trois ans , vertèbres lombaires bousillées en raison du nombre incalculable de cartons de livres.
Je crois que cette fois, c'est l'ultime avertissement sur cette civière. J'obtempère et je patiente en déroulant le fil de quelques pensées philosophiques dont le bien fondé du gri-gri. Et par conséquent, les effets bénéfiques des miens ?
- Encore quelques minutes, Madame…
De quoi cogiter un dernier feed-back. Comme je le disais précédemment, mon dos est en compote et les premiers symptômes d'arthrose se sont manifestés. Le matin surtout. D'où ma tenue favorite : le tailleur pantalon. Je digresse….
Bref, un matin, sur les conseils d'une amie, je me suis rendue dans un magasin « Santé rayonnante » pour acquérir des extraits lyophilisés d'une plante aux vertus miraculeuses. Sur le comptoir, je remarque des bracelets garnis de pierres protectrices. J'ajoute le bracelet adéquat au flacon et déclare illico-presto :
- Je te baptise gri-gri porte-bonheur, anti-poisse et tutti quanti !
Il scintille doucement à mon poignet en signe de reconnaissance indéfectible.
La journée s'est terminée en beauté avec le soleil et la joie du travail accompli. Le soir, je prends une légère collation. J'empoigne mon sac et je me rends à la piscine - privée – eau bien chaude - nombre de nageurs limités et bar accueillant.
Comme je suis très myope, la natation, c'est avec mes lunettes et sans plongeon. Je m'avance donc vers l'escalier.
Première marche. L'eau clapote doucement.
Deuxième marche, l'eau est à la bonne température.
Troisième marche, je sens les chatouillis sur mes mollets.
Quatrième marche : Patatras. Je passe brutalement de la position debout à la position assise.
La honte ! Les visages se tournent vers moi, les mains se tendent et les paroles sont compatissantes. Je remercie et rassure. Tout va bien. Je fais mon heure de natation. Je m'accorde une pause au bar. J'ai un peu mal au bas du dos. Juste une petite gêne. Le propriétaire me parle d'assurance, de médecin, d'attestation. Je le rassure, tout va bien. Je rentre chez moi. Tout va bien. Mon bracelet gri-gri a bien bossé !
Le lendemain matin, je me penche pour attraper mon peignoir. L'explosion. Douleur fulgurante.
J'appelle mon médecin. Il me conseille d'aller aux urgences.
Et voilà comment je patiente sur une civière.
Une heure plus tard, le verdict tombe. Une magnifique fracture du coccyx.
Gri-gri, oh mon gri-gri, pourquoi m'as-tu abandonnée ?
Moi je dis qu'un machin fait avec trois 'c' , un 'y' et un 'x', c'est pas très normal... ça cache quelque chose :)
RépondreSupprimerEt comment, que ça cache quelque chose... une histoire d'amour sur sa triste fin...Moralité: quand l'amour vous lâche, ça ne sert à rien de se casser le c** ... pour l'infidèle....
SupprimerFracture bénigne mais douloureuse, j'en eus une en son temps...
RépondreSupprimerDans ce cas, tu peux imaginer... moi toute seule au volant de ma tuture et conduire jusqu'à l'hôpital le plus proche....
SupprimerDouloureuse mais si bien contée...
RépondreSupprimerC'est vrai que ce type de fracture peut s'avérer très douloureux ...
SupprimerA défaut de me remémorer la douleur, je retiens tes mots gentils!
ah ben mince ! ça c'est pas de chance :(
RépondreSupprimerComme tu le dis! Et autre chute spectaculaire (antérieure) ... sur un brise-lame d'une plage de la Mer du Nord...
SupprimerTiens, serait-ce une habitude de me casser le c** ???Va falloir que je creuse le sujet...
les gri-gris sont parfois distraits sans doute
RépondreSupprimerje plussoie le com de Jean-Claude : histoire fort bien racontée et frappée au coin de la vérité (et de l'escalier)
SupprimerCroix de bois, croix de fer... cette histoire est écrite avec tous les mots du vécu vraiment vécu! Pas un seul iota de plus ni de moins!
J'adore la phrase de fin. Ben, tu n'étais pas sur la croix toi mais sur une civière...
RépondreSupprimerMerci pour ton petit mot!
SupprimerEn ce qui concerne la dernière phrase, je trouvais qu'elle représentait bien mon état d'esprit, tout simplement ;))
#mouhaha ! Merci de ne PAS préciser où se situe la boutique « Santé rayonnante » :p
RépondreSupprimerJ'veux bien....parce que c'est toi....;)
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