jeudi 9 juin 2016

Marité - Internet a disparu

Milou, ses vaches et internet.

Dans une ferme du Poitou, c'est l'heure de la dernière traite de la journée pour les vaches de Milou. La 126 et la 144 attendent patiemment leur tour devant le tourniquet qui en s'ouvrant donne accès à la salle des trayeuses.

Elles observent pensivement le fermier installé dans son bureau devant son ordinateur.
Soudain la 144, une belle normande à l'œil de velours, se tourne vers sa voisine, une Prim'Holstein au pis avantageux et lui dit :
- Et si internet disparaissait ? Ce serait chouette. Qu'en dis-tu ?
- Pas grand chose répond la 126 désabusée. Ou qui n'a pas du tout envie d'ouvrir ce genre de débat.
- Quoi, pas grand-chose ? Ça te plait, toi de porter ce collier avec un boîtier électronique autour du cou ? Et qui nous flique en plus ? Je préférerais une cloche qui tinte joliment moi.
- Qui nous flique. Tu en as de bonnes toi. Si Milou n'avait pas été averti tout de suite que je mettais bas il y a un mois, mon veau serait mort étouffé.
- Peut être. Mais pour ce qu'on en profite de nos veaux...On nous les enlève dès leur naissance pour que nous produisions encore plus de lait. Et il faut donner toujours plus de lait ! Tu as remarqué je suppose que la satanée machine qui distribue les farines - même pas du bon foin odorant - devient avare quand nous prenons de l'âge et que nous avons moins de lait. Encore la faute à ce boîtier !
- Tu es rétrograde ma pauvre fille. Il faut vivre avec son temps. Je trouve que depuis que Milou a entièrement modernisé la ferme, on vit mieux. Tiens, par exemple, quand j'ai mal aux pattes, Milou le voit tout de suite et me donne des médicaments qui me soulagent. Si internet ne l'avertissait pas, il ne se rendrait même pas compte que j'ai les pattes enflées.
- Ah parce que tu penses que c'est bon pour ta santé tous ces médocs qu'il te fourgue ? Tu n'aurais pas mal aux pattes si tu gambadais dans les prés au lieu de piétiner toute la journée sur le ciment rempli de fumier. Moi j'en rêve de la vie d'avant. Ma grand-mère me racontait...
- Ta grand-mère. Ta grand-mère. Laisse la tranquille ta grand-mère. Elle était du siècle dernier. Il y a longtemps qu'elle a fini en steak haché dans le meilleur des cas et dans le pire, en bouillon cube pour potage.
- Je ne te permets pas. Elle a eu une belle vie elle. D'abord, elle n'était pas un numéro. Elle s'appelait
Clairette parce que son poil était blond. C'est beau Clairette. Si ce foutu internet n'existait plus, on nous donnerait un nom je suis sûre. Tu aimerais quoi, toi ?
- Ah, ça oui. J'ai toujours rêvé de m'appeler Marguerite.
- Comme dans "la vache et le prisonnier" ?
- Hein ? C'est qui cette vache ?
- Ma pauvre 126 ! Tu ne connais même pas tes classiques.
- Peuh ! C'est même pas original Marguerite. Moi je choisirais Vachkirie.
- Tiens ! Où as-tu déniché ce truc ridicule ?
- Ridicule ? Pas du tout. Je l'ai inventé en regardant la collection de boîtes à fromage de Milou. Je parie que tu ne les as jamais remarquées sur l'étagère de son bureau. Pourtant, ces boîtes ont contenu notre lait. Enfin du fromage fait avec notre lait. J'adore celle où l'on voit une belle tête de vache, très souriante, avec de grandes boucles d'oreilles.
- Arrête 144 ! T'es trop bête. Tout le monde se moquerait de toi. Vachkirie ! Je te demande un peu.

On pense tout de suite à Valkirie. Et, pardon ma belle mais tu n'es plus vierge depuis longtemps.
- Puisque nous parlons de sexe, je sens que je suis fiévreuse. Son mouchard va encore dire à Milou que j'ai mes chaleurs. Et je ne sais pas toi mais moi, je n'aime pas du tout ce tube à inséminer dans mon intimité. Ma grand-mère me racontait qu'elle et Zétor...
- Ne recommence pas avec ta mémé. Tu me fatigues.
- Si seulement internet n'existait plus, peut être que Milou viendrait prendre mon lait lui-même. Qu'est ce que j'aimerais ça ! Le contact, je voudrais du contact. Avec cette foutue informatique, nous sommes des pions.
- Tu rêves ma belle. Avance, c'est à nous pour le tour de manège. Et ne fais de rétention de lait, s'il te plait. Je ne veux pas d'histoires : Milou nous observe sur son écran en ce moment. Pas envie qu'il me prenne pour une meneuse syndiquée.

2 commentaires:

  1. Arpenteur d'étoiles10 juin 2016 à 19:19

    génial ... et idée géniale aussi
    bon la maltraitance animale est désormais dans les grandes fermes, hélas !
    mais le dialogue entre ces deux vaches intelligentes et perspicaces révèle bien la puissance du net. Et en plus c'est drôle :o)

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  2. Merci l'Arpenteur ! Que tu trouves les vaches intelligentes me convient tout à fait. ^-^

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