mercredi 4 octobre 2017

Marité - Je me suis fait enguirlander

Touchantes retrouvailles.

- Jules ?
- ...
- Oh, Jules ? Je savais que les bouchers de l'hosto t'avaient coupé les deux jambes - c'est ma Louisette qui me l'a appris - mais on t'a aussi coupé les oreilles que tu m'entends pas ?
- Antoine ! C'est toi ?
- Ben, qui veux-tu que ce soit.
- Je suis drôlement content mon Antoine. Ça va ?
- Ouais. Mais je m'ennuyais un peu. Je veux pas te faire de peine Jules mais quand la Louisette m'a dit que tu allais très mal, je bichais. Enfin de la compagnie. Je peux pas discuter avec le Firmin à côté. Tu sais bien qu'on était brouillés à mort. C'est pas maintenant que je vais lui faire la conversation à cet abruti. Plutôt crever tiens.
- Ah ah ! Très drôle. Tu exagères quand même. Le Firmin, c'était pas le mauvais bougre.
- Tu en as de bonnes toi. Il m'a fait dépenser des fortunes en frais de justice avec ses histoires de bornage. La terre. La terre. Il n'avait que ce mot à la bouche. Quand je l'ai vu arriver ici, tu peux pas imaginer ma joie. Je suis certain que cette terre là, il aurait bien attendu un peu plus pour y goûter. Mais voilà. Il y a une justice. Il m'a suivi de près.
- On a souvent des visites ?
- Tu oses me demander, toi qui n'es jamais venu voir ton vieux copain depuis le temps ? Je me plains pas cependant. La Louisette débarque une fois par semaine. Jamais elle ne m'a autant aimé. Et que je te serine : mon Jules par ci, mon Jules par là, tu me manques, je pense à toi et je pleure... Figure-toi qu'elle fait même sa prière ici. Tu te rends compte ? Je l'attends la Louisette. Je lui avais pourtant demandé un truc civil. Penses-tu ! Il a fallu le curé, les enfants de chœur et tout leur charabia.
- Elle pense à ton âme mécréant.
- Mon âme ? C'est quoi l'âme Jules ?
- C'est peut être grâce à elle qu'on peut se parler toi et moi mon Antoine.
- Arrête tes conneries. Et ta Marcelline ? La pauvre, elle me faisait pitié quand on t'a déposé là.
- Elle a pas regardé à la dépense. Une belle boîte vernie avec des poignées dorées et que de fleurs ...!
- Avec ton argent couillon. Et tu sais ce que disait mon grand-père ? "Las flours fan pas cagua." Mais dis-donc l'ami ? Elle sentait quand même pas mal le sapin ta caisse. Pas folle la Marcelline : elle allait pas te coller dans du chêne. Mais, c'est vrai que pour la déco, elle a pas lésiné. Normal pour du sapin .
- Et ça t'amuse. Au fait : c'était qui le moustachu qui attendait ta Louisette à la grille du parc à concessions ?
- Qu'est-ce que tu racontes ? Louisette vient ici toute seule.
- Moi je dis ça, je dis rien mais j'ai vu un type à moustaches...
- Et toi hein ? Pas plus tard qu'hier, ta Marcelline, elle beuglait comme un veau. C'est pas une nouveauté d'ailleurs. Elle t'a crié dessus tout ta vie.
- Oh, rien de grave. Je me suis fait enguirlander parce que je demandais à ma douce moitié de m'apporter de la bière. Elle m'a répondu que j'en avais une de bière. Même qu'elle lui avait coûté assez cher !
- Allez ! On va pas se disputer ici Jules. Je te serre pas la pince. Ça craquerait tellement qu'on réveillerait les morts. Mais je te la souhaite longue et heureuse.
- Quoi ?
- L'éternité pardi !

6 commentaires:

  1. Au cimetière c'est la certitude de ne pas être seul qui console... quitte à se faire enguirlander :)

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  2. Pourquoi j'ai entendu ça tout le long de ma lecture ?
    😀
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. croquignole la discussion entre macchabées :)

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  4. J'adore cette Pagnolade au pays de l'humour noir !

    Mais... Jules (César ?)et Antoine... Qu'est devenue la Cléopâtre, lanturlurette lanturlu ? ;-)

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  5. Mort de rire... Comme on dit ! ];-D

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