Un aller-retour aux carpes du jardin
Mais qu’est-ce qui m’a pris de promettre de réciter un haïku fait maison à la prochaine soirée des voisins ? Bien sûr, l’envie de montrer ce que je sais faire, et sans doute de les épater un peu. Tout le monde n’a pas un voisin qui poétise, et encore moins qui haïkuïse. C’est vrai aussi que la prochaine soirée des voisins n’était alors qu’une date lointaine dans un avenir imprécis – d’ici là n’importe quoi pouvait arriver : je pouvais même rêver écrire un haïku, voire un plein recueil éclipsant Bashô. Mais – comme le temps passe ! – voilà qu’aujourd’hui, c’est ce soir, la soirée des voisins et je n’ai rien écrit.
Alors, depuis ce matin, je compte cinq-sept-cinq sur mes doigts en noircissant du papier. Bien sûr, de nos jours, on trouve ce qu’on veut en un instant, même sur la poésie japonaise : des historiques, des recueils contemporains et même des kits-ressources ! Tout, sauf l’inspiration… je ne sais toujours pas quoi faire de ces dix-sept syllabes ! Pourtant, je sens qu’il ne me manque qu’un rien pour y arriver : peut-être juste un vol de hérons striant le ciel, un coassement entre les roseaux ou la vision d’une carpe sous un nénuphar… Je ne demande tout de même pas l’ombre du Fuji-Yama ! De toute façon, il n’y a ni héron, ni carpe ni roseau dans mon appartement. Peut-être qu’au jardin d’acclimatation ? Un coup d’œil à l’horloge : vite, si je me dépêche j’ai juste le temps.
Je passe la porte, dévale l'escalier, me glisse dans la rue. Un bond me hisse sur l’autobus de la ligne S. Las, camionnettes de livraison, travaux publics, déménagements, sorties d’école, tout se ligue pour entraver la marche de la lourde machine qui piétine en ronflant dans les rues étroites. Je gagne l’avant du véhicule pour demander au chauffeur à quelle heure il escompte arriver. Laconique, il se borne à pointer du pouce le cartel derrière lui :
Mais qu’est-ce qui m’a pris de promettre de réciter un haïku fait maison à la prochaine soirée des voisins ? Bien sûr, l’envie de montrer ce que je sais faire, et sans doute de les épater un peu. Tout le monde n’a pas un voisin qui poétise, et encore moins qui haïkuïse. C’est vrai aussi que la prochaine soirée des voisins n’était alors qu’une date lointaine dans un avenir imprécis – d’ici là n’importe quoi pouvait arriver : je pouvais même rêver écrire un haïku, voire un plein recueil éclipsant Bashô. Mais – comme le temps passe ! – voilà qu’aujourd’hui, c’est ce soir, la soirée des voisins et je n’ai rien écrit.
Alors, depuis ce matin, je compte cinq-sept-cinq sur mes doigts en noircissant du papier. Bien sûr, de nos jours, on trouve ce qu’on veut en un instant, même sur la poésie japonaise : des historiques, des recueils contemporains et même des kits-ressources ! Tout, sauf l’inspiration… je ne sais toujours pas quoi faire de ces dix-sept syllabes ! Pourtant, je sens qu’il ne me manque qu’un rien pour y arriver : peut-être juste un vol de hérons striant le ciel, un coassement entre les roseaux ou la vision d’une carpe sous un nénuphar… Je ne demande tout de même pas l’ombre du Fuji-Yama ! De toute façon, il n’y a ni héron, ni carpe ni roseau dans mon appartement. Peut-être qu’au jardin d’acclimatation ? Un coup d’œil à l’horloge : vite, si je me dépêche j’ai juste le temps.
Je passe la porte, dévale l'escalier, me glisse dans la rue. Un bond me hisse sur l’autobus de la ligne S. Las, camionnettes de livraison, travaux publics, déménagements, sorties d’école, tout se ligue pour entraver la marche de la lourde machine qui piétine en ronflant dans les rues étroites. Je gagne l’avant du véhicule pour demander au chauffeur à quelle heure il escompte arriver. Laconique, il se borne à pointer du pouce le cartel derrière lui :
Il est interdit
de parler au conducteur
de cet autobus.
de parler au conducteur
de cet autobus.
Aux grands maux les grands remèdes : je descends à l’arrêt suivant. En courant, je peux encore arriver à temps pour voir nager les carpes sous l’arche du pont japonais, peut-être assister au repas des tortues, où, à défaut, écouter le vent dans la bambouseraie. Et en rapporter un haïku. Mais j’ai à peine le temps de presser le pas qu’un agent siffle-à-roulette et me montre le panneau d’émail bleu et blanc qui stipule :
Défense de courir
(loi d’avril quatre-vingt-huit)
sous peine de poursuite.
(loi d’avril quatre-vingt-huit)
sous peine de poursuite.
Je vous passe la suite de ma pérégrination à travers rues. Quand je suis arrivé devant la porte – close – du jardin, un petit panonceau pendu à une ficelle disait à qui veut bien lire :
Fermé pour travaux
Le jardin zoologique
rouvrira en mai.
Le jardin zoologique
rouvrira en mai.
Que faire ? Escalader la grille en évitant les gardiens ? Tant pis, je renonce. Il faut croire que le climat d’ici ne convient pas aux haïkus. Où bien est-ce moi qui ne sais pas les dénicher ? Ce qui est sûr, c’est que – bredouille comme Gribouille – ça n’est pas ce soir que j’épaterais mes voisins.
Où lire Jérôme
Où lire Jérôme
je te proposerais bien d'aller faire un tour chez L'Arpenteur pour voir ses carpes, son bassin, et son héron :)
RépondreSupprimerje trouve très subtile cette façon que tu as de nous "balader" !
Merci la Tisseuse,
Supprimerje pense que la subtilité est dans l'oeil de la lectrice ; moi, je suis horriblement terre-à-terre : sans l'ombre du fuji-yama, pas d'haïku !
Je serais ravi de faire un tour chez l'arpenteur, mais c'est du tout sûr qu'un héron et quelques carpes arrivent à me faire écrire des haïkus valables :)
jérôme
En fait tu es resté muet... Comme une carpe ];-D
RépondreSupprimertout à fait. Et rond comme un héron :)
SupprimerJ'aime beaucoup ton texte. Il est très drôle et Tisseuse a raison, subtil. Subtilement drôle en somme. Bravo.
RépondreSupprimerPatrick.
Un drôle de voisin
RépondreSupprimerDans les rues dans l’autobus
Pêche des haïkus
Si certains panonceaux étaient "haïkuisés", on les verrait sans doute d'un autre oeil :)
RépondreSupprimerMerci pour cette tentative (même infructueuse) d'inspiration au jardin d'Acclimatation où ma mère m'emmenait il y a... peu importe
Nous sommes donc entourés de poésie ? Qui l'eut cru !
RépondreSupprimerJérôme, je craque sur ton texte avec Haïkus administratifs et tes liens que la poésie japonaise ! super !!
RépondreSupprimerEt dans un coin du parc, un enfant dit à son père:
RépondreSupprimer- Oh regarde ! un tapon !
- Héron, héron petit, pas tapon !
¸¸.•*¨*• ☆
...tes voisins peut-être pas, mais moi, oui. Ces Japanese Whispers m'ont... transportés ! Hé, hé !
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