Modes et travaux
Quand on allait chez Marie Claire, en sortant du cours de tricot, nos jambes filaient sur les trottoirs, agiles comme des fuseaux, vite, vite, vives, car chez Elle nos patrons merveilleux nous attendaient dans un cahier spécial. C'était nos modèles. Nous les consultions chaque fois que nous voulions obtenir une augmentation, faire une diminution, ou tout bonnement monter les manches. Outre les patrons à découper en suivant les pointillés, il y avait aussi des recettes de cuisine, des adresses de shopping, des conseils de maquillage, et des astuces pour réussir sa vie de couple.
Parfois en chemin, nous faisions un crochet par Marie France pour réparer les démaillages et démêler nos nerfs en pelote. Nous déroulions en riant l'écheveau de mensonges dans lequel les hommes s'embrouillent, goûtions de gâteaux au point de riz qui ne fait pas grossir, et charmantes comme nous devons toujours paraître formions des rondes en point de chaînette, dansant sur une pastourelle jouée à la flûte par une Bergère de France.
Évidemment j'enjolive, car, à part la layette, tout n'était pas rose. Nous aimions la laine chinée et le tweed cheviot, les chaussettes chic en jacquard, les chandails ornés de motifs zigzag, et raffolions du point de chevron, qui rompt la monotonie du jersey. Bien sûr, pour pallier ma mémoire en dentelle ajourée, je brode un peu, de la guipure au point de croix. Des napperons, des abécédaires, des prénoms et des cœurs, des guirlandes de fleurs pour nos tabliers, des nappes d'autel nouées avec des brins de cannetille.
Un soir, en sortant du cours de couture à deux pas de la Bastille, nous nous rendîmes à un atelier place de la République, où l'on confectionnait à merveille, disait-on, des bonnets phrygiens qui revenaient à la mode. Sur le boulevard goguenard, le vent de la liberté guidant le peuple tissait des foulards de charpie, des écharpes incrustées de l'odeur de la poudre, et des barricades du dernier cri qui tranchaient avec les chasses à courre de nos canevas. Dès lors, nous changeâmes nos habitudes, de sorte qu'au sortir du cours de passementerie, nous allons désormais faire Causette jusque tard dans la nuit.
une petite main qui retricote la presse féminine, l'air de rien :)
RépondreSupprimertire tire l'aiguille ma fille et tu vaincras les maléfices jusqu'en soixante huit ...
RépondreSupprimerj'aime beaucoup ton texte !
Une vie d'ado sous toutes les coutures... j'adore!
RépondreSupprimerBel hommage ! Merci de m'avoir fait redécouvrir le mot passementerie et le concept de "passe-menteries" !
RépondreSupprimerUn texte aux points comptés, tricoté à l'aiguille par une grande experte ! Malgré mai 68, Modes et Travaux existe toujours et Phildar a encore de beaux jours devant lui !!!!!!!!!!!!!
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