mercredi 7 janvier 2015

Blick - Mon précieux

Garde à vue un 7 janvier

Mon précieux derrière valdingua à travers le commissariat sous la poussée du 43 fillette du chef de car. Le ruban de papier tue-mouche, en forme de point d'interrogation, qui ornait la salle des enquêteurs, vibra dans le sillage de mon vol plané, les blattes coururent se cacher au bas des classeurs métalliques, les araignées replièrent leurs toiles en vitesse pour les fourrer dans leurs holsters, sur le bureau de l'inspecteur principal la photo de son épouse et de ses enfants, qui agitaient gaiement leurs menottes, vacilla.  

« Seigneur, des anneaux ! » s'écria l'agent de faction, car de mes poches ruisselèrent des bagues, des colliers, des boucles d'oreille, des timbales de baptême, et toute une verroterie de mots poétiques. La nuit avait en effet bien commencé, sous la lune furtive, jusqu'à cette ronde qui m'avait poissé.  

On m'assit sur une chaise en face de l'inspecteur, qui remettait d'aplomb l'émouvante photo de ses êtres chers tout en finissant d'écraser sa larme de service. « M'sieur l'agent » dis-je pour l'énerver. « Oh ça va ». Notre connaissance mutuelle, au fil de mes gardes à vue, nous avait permis de nouer, jusqu'à, parfois, l'attacher au radiateur, cette amitié solide.  

Mais notre entretien tourna court, lorsque tous les vieux téléphones en bakélite se mirent à sonner en même temps et que les effectifs s'égaillèrent dans les rues de Paris, où la liberté d'expression, et la liberté tout court, venaient d'en prendre un sale coup dans un attentat. J'appelai « Y a quelqu'un ? », mais mon cri aigrelet résonna dans le violon désert, ricochant de cellule en cellule. C'est ainsi, le commissariat vidé, que je recouvrai mon précieux butin de bimbeloterie et la liberté, qui, elle, n'est pas de la pacotille.

7 commentaires:

  1. Il y a des 43 fillette qui se perdent!!

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  2. je crois que ça les aurait bien fait marrer :)

    Tisseuse

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  3. L'humour d'un récit, le tragique d'un attentat réel évoquent dans les derniers mots, l'essentiel: la liberté pour laquelle on meurt. ingénieux!
    Lorraine

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    1. Merci de ta lecture, Lorraine. J'ai commencé cette 'histoire mercredi matin. A midi je ne savais plus qu'en faire ni comment la terminer, car ce qui s'était passé est très grave..J'ai bricolé l'histoire. Au final il y a ce jeu innocent de gendarmes et de voleurs sans cesse recommencé, et puis la liberté à sans cesse chérir...

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  4. Délicieux récit dont la qualité honore l'esprit de la lettre, tant meurtri.

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  5. Belle façon d'incorporer l'actualité à une consigne, un gros bravo !

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