mercredi 3 février 2016

Anne de Louvain-la-Neuve - Un petit rien

Un long dimanche d’embrouilles




Tout avait pourtant si bien commencé en ce jour d'élections, migration confortable de presque toute une nation dans un même but, le vote étant obligatoire en Belgique !  Contrairement à la majorité silencieuse, j'apprécie cette journée-là, mais pas nécessairement pour les raisons que l'on croit. D’abord, simple constatation climatique, le soleil brille souvent puisque nous nous rendons aux urnes à pied et Dieu sait si le temps fluctue plutôt à la baisse chez nous. Quand il fait beau, on s’en souvient ! Ensuite se dégage un air qui rassemble comme lors d'un chagrin national, d'une catastrophe ou d'une nouvelle qui touche le pays tout entier et exclut les autres.  Si la façon de procéder est la même pour tous, les motivations sont évidemment différentes pour chacun. Mais tous nous ressentons la connivence du jour, corvée ou satisfaction d’accomplir un devoir civique.

L'école du Blocry où se rendent les électeurs est celle qui a vu grandir mes enfants. Ah, les bons souvenirs se rappellent à foison. Mon chien Bilboquet s’asseyait ici, toujours devant cette grille, en les attendant et faisait sensation, sa zigounette bandante s’étalant sur le trottoir, ce qui provoquait immanquablement la curiosité hilare des petits. Passé la porte d'entrée vitrée, on pénètre dans l'odeur de l'école, caractéristique, un couloir que longent les portemanteaux placés un mètre plus bas que la normale. Et par-dessus, les fenêtres de chaque classe affichent les habituels dessins pédagogiques, squelettes, cartes de géographie, photos d'animaux et consignes diverses.

Aujourd'hui de grands papiers portant les numéros des bureaux de vote y sont apposés. Des files approximatives et floues se forment, s'entrecroisent. La 113 me concerne. Mes "Bonjour, comment vas-tu ?" télescopent le "C'est la queue du 111 ?" d'un voisin. Une ambiance bon-enfant partout sans le moindre vent d'agressivité ! Nous n'avançons pas alors que la 110 dégorge une hémorragie d’« a voté ». Sourires en coin, connivences occultes se frôlent, l'opposition effleure la majorité et si un raciste évite un voile du regard, il ne pourra pas voter la fâcheuse "liste noire" : point de cette sorte de parti à Ottignies-Louvain-la-Neuve ! C'est une petite ville où toutes les tendances se côtoient avec bonhomie, les véritables écolos baba cool estampillés 68, d'authentiques catholiques très pratiquants, des exemplaires de toutes couleurs de la cité sociale, des bobos bien comme il faut.  C'est mon tour, je rentre, coche, ressors et repars.

Une belle journée tranquille.  Je rejoins la maison. J’ouvre la porte du garage pour y chercher dans l’étagère le paquet de spaghettis pour midi.  Horreur, mon garage est vide, ma voiture a disparu ! Volée ! Quel toupet ! Il me faut alors deux secondes pour enclencher mes engrenages cérébraux à pleine vitesse et en marche arrière et pour réaliser que je l’ai oubliée l’avant-veille sur un parking dans la ville d’à côté. Nous chantions un concert vendredi soir et j'y ai déposé ma voiture pour un covoiturage plein d'entrain avec les copines. Le concert était si exceptionnel et la fin de soirée si réussie que, ramenée par mon mari dans sa propre voiture, j'en ai oublié de reprendre la mienne.

Je cours chercher mon sac à main tout en hélant ledit mari. À cette seconde précise, j’aperçois mon portefeuille, grand ouvert sur la table. Écarquillant les yeux, je dois me rendre à l’évidence : j'ai oublié ma carte d'identité sur le bureau des assesseurs. Retour à la case départ-école avant de reprendre la route pour rejoindre le parking.  Crénom d’une pipe, où est ma jolie petite auto ? À sa place, un tacot tout cabossé,  griffé de partout, pare-brise éclaté ! Tremblante, j’ouvre la portière et je constate alors que la couverture odorante de mon chien, elle, n’a pas bougé, la radio non plus, d’ailleurs ! C’est déjà ça.

J’enclenche le contact et me traîne chez mon garagiste dans le brouillard d’une réalité kaléidoscopique et potentiellement dangereuse.  Cinq minutes d’examen à peine lui suffisent pour me pousser à appeler la police. Il y a des traces de sang sur le pare-choc. Il faut à présent me disculper d’un éventuel délit de fuite ayant entraîné la mort d’un inconnu ! Je prends alors rendez-vous avec la police de Wavre pour y faire ma déposition.

Un spaghetti raté plus tard,  celle-ci m'informe qu'ils ont coincé les auteurs du vandalisme. Ces imbéciles ont laissé leurs empreintes de pied sur la portière d'une des autres voitures sur lesquelles ils se sont acharnés ce soir-là, en se blessant. Mais ils ne me laissent aucun espoir d’indemnisation : les jeunes sont insolvables et l'affaire sera classée sans suite par la justice un mois plus tard.


Aujourd'hui, la vie a repris son cours. L'air a changé de consistance. Je ne sens plus en connivence. L'après-élection promet quelques revanches sanglantes, des coups bas bien épicés, et un bon paquet de désillusions pour tous. Je les ai entendus ce matin s'empoigner à la radio, Laurette contre Isabelle, Joëlle contre Didier. Mais l'extrême droite n'a pas eu Anvers ! C'est une bonne chose. Et ces casseurs n'ont rien emporté de précieux à part un restant d'inconscience et d'innocence à propos du genre humain. Il me reste cependant de l'optimisme, une grande capacité à la rêverie, un pourcentage énorme de distractions potentielles et de bons amis pour me remonter le moral. Puis comme dit toujours mon père le plus sérieusement du monde, mes ennemis mourront un jour.


Où lire Anne

8 commentaires:

  1. Il semble que - quelque soit ce qui ressort des urnes - on ne s'ennuie pas un seul instant à Ottignies-Louvain-la-Neuve :)

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  2. Et tout est vrai de vrai : je n'ai rien changé. Vous n'avez pas pu glisser l'illustration, cher Vegas ? Je peux vous la renvoyer en .pdf si vous voulez. En tout état de cause, merci du commentaire.

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  3. Et tu es retournée au bureau de vote chercher les spaghettis ?

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    1. Evidemment, mais je n'y ai trouvé que la sauce tomate, rance. Merci Fred.

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  4. Une peinture au scalpel....Tu as réussis avec merveille et concision, à réveiller mes souvenirs de là -haut!
    Merci pour tous les noms propres que tu sèmes comme les cailloux blancs du petit Poucet!
    Tu mets également en évidence que le BW est une cible de choix pour les vandales...

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  5. Et oui, juste un peu....pour y avoir travaillé une bonne dizaine d'annees et y avoir habité aussi....tu sais, la cité des Aclots .....

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  6. la vie est parsemée de ce type d'enchaînements de vie qui nous font prendre un certain recul sur notre quotidien

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