mardi 26 septembre 2017

Jérôme - La magie des miroirs

Ce soir, je comptais bien épater mes voisins. Tout simplement, en les invitant à prendre l’apéritif. Un apéritif, vous vous dites, ça ne va pas tellement les impressionner, ses voisins, au narrateur, non ? Et vous auriez raison, parce qu’ils ont des amis, mes voisins, on les invite, ils sortent, ils ne s’ébaubissent pas d’un rien. Parce que c’est comme ça, la vie : les gens se regardent, se comparent et n’aiment rien tant que se retrouver chez les autres, comme en miroir.

Ce dimanche dernier, celui du premier nous a raconté la soirée où il était allé la veille ; une réception chez des relations d’une de ses connaissances, pour être précis. C’est comme ça que j’ai eu l’idée : des cocktails ! Oui, je me suis dit, mes voisins, même s’ils ont l’habitude d’en boire chez leurs amis chics, par contraste, dans mon petit appartement ça les épatera.

Alors hier j’ai emprunté à la bibliothèque du quartier un livre illustré sur les boissons mélangées, leur histoire et leurs recettes. Parce que le mieux du mieux en sirotant un cocktail c’est de raconter mille anecdotes sur leurs inventeurs (en général des généraux, souvent de l’armée des Indes ; parfois des jazzmânes bibopant au Tabou). C’est ce qu’explique l’auteur sur la quatrième de couverture.

En rentrant, j’ai remis la main sur le carton de mignonnettes remporté au chamboul’tout du bistrot d’en bas du boulot l’an passé. Les étiquettes des fioles arboraient les noms mystérieux et exotiques que j’espérais : Curaçao, Marasquin, Liqueur d’amande, Vieille prune… Je suis vite ressorti pour trouver – pas à l’épicerie d’en bas de l’immeuble pour ne pas vendre la mèche – une bouteille d’un alcool propice aux mélanges décrits dans l’ouvrage. De quoi allumer des feux d’artifices dans les pupilles et les papilles de mes invités.
Et puis j’ai préparé le salon. Le décor c’est important. Bien sûr, il ne fallait pas que je compte sur un ventilateur plafonnier où sur un tigre empaillé au mur : j’ai simplement roulé le tapis et j’ai déplacé la grande armoire qui me vient de ma tante, qui, d’habitude, se trouve – l’armoire, pas la tante – dans le petit bureau ou je ne vais pas souvent. Elle est haute, large, lourde, branlante, éraflée sur les côtés – toujours l’armoire, pas la tante –, et idéale pour ce que je voulais. Une fois installée au milieu du salon –l’armoire – en sueur – moi – je me suis vu sourire dans son grand miroir.

Alors d’un petit bristol dans la boite à lettres, j’invite les voisins pour le lendemain. Ce matin, avant de partir, j’ai bouclé les préparatifs : ne rien laisser au hasard, voilà le secret. En rentrant cet après-midi, j’allume le poêle, pour l’ambiance cosy favorable à l’absorption des drinks, et je me cale dans le fauteuil pour relire des anecdotes propres à animer l’apéritif. L’affaire se présentait au mieux.

Les invités une fois arrivés, je prépare les verres ; c’est à ce moment que le voisin du second me demande de la glace – avec un petit sourire, car il sait bien que je n’ai pas de frigo. C’est là que je comptais bien les épater, car j’avais tout prévu. Enfin, tout prévu, sauf que l’armoire me lâcherait en route. Car, croyez-moi si vous voulez, mais je n’ai même pas pu en tirer un seul glaçon, de cette soit-disant armoire à glace.

5 commentaires:

  1. Rien de tel que les cocktails pour briser la glace :)

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  2. excellentissime chute :)))

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  3. Et ton voisin est sans doute gaulé comme une armoire à glace ? Non ? Tout juste un face à main... Je vois. ];-D

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  4. Bien drôle en effet ! Il ne faut pas compter non plus sur Henri II pour obtenir gratos un buffet de hors d'oeuvre !

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  5. Une armoire à glace...bon sang mais c'est bien sûr !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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