lundi 4 septembre 2017

Pivoine - Les repères maritimes

Au Coq sur Mer

Bien sûr, il n'y a pas de phare, au Coq sur Mer. C'est une toute petite station balnéaire, toute en villas et anciens hôtels Art Nouveau, avec une digue minuscule, une plage agrandie tant bien que mal, et cette ingéniosité incroyable de mes compatriotes pour construire des maisons en Toc, avec piscine chauffée, vers l'intérieur du pays.
Mais revenons à notre phare.

En cherchant bien, il y en a un à Ostende. Pas beau. Un phare fonctionnel, en béton. Dans un endroit du port inaccessible. Ostende, sa « Malle Ostende-Douvres », et ses passagers tatoués jusque sous les sourcils, mon dieu, est-ce donc cela, l'avant-goût de l'Angleterre ?

Au Coq-sur-Mer, il y a la gare des trams, d'abord. La mer du Nord, notre mer, hérissée de buildings sur quasiment 66 km, de Cadzand, à Adinkerke, c'est d'abord une ligne de tram. La ligne du soleil. Zonnelijn. Car il y a quand même du soleil, chez nous. Parfois. Entre les averses. La gare des tramways du Coq, c'est un poème de gare. Et puis, il y a la Léopoldlaan, qui conduit à la mer. Les hôtels, l'Astoria, les friteries, le mini-golf, les vélos et les cuistax, les glaciers, deux boutiques de mode, le bazar où l'on trouve tout, des journaux, des petites voitures, des Barbie, des jokaris, des cerfs-volants, et des bd, et même des vêtements de pluie. Mais qui est assez fou pour oublier de mettre pulls et anoraks dans sa valise?

Et sur la plage, hérissée de pare-vent, il y a les chaises longues, les cabines de planches, le sable fin, le sable grège, humide, en crêtes de vagues, les méduses, les mares où l'on fait des barrages (même si la plage est toute étroite entre Nord et sud), et les drapeaux. Orange, vert, rouge. Plus souvent orange que vert, d'ailleurs.

Et les sauveteurs. Et les bouées.

Des bouées de sauvetage pour des nageurs téméraires. C'est qu'elle n'est pas très enthousiasmante notre mer du Nord. « Ni grise ni verte », glauque. Brutale. Si rarement bleue! Si rarement d'huile! N'empêche, on en raffole, telle quelle. Avec ses débris et ses méduses, avec ses brise-lames, avec sa forte teneur en iode, qui vous fait couleur pain d'épice.
Et puis ce prénom, qu'on essaie de graver dans le sable, à l'abri des regards…

Car on est en bande. On va par petits groupes ou par deux. En fonction de l'âge et des affinités. Les étudiants ont cinq ou six filles autour d'eux. Je marche avec les sœurs cadettes. Mes copines de vacances. Les plus petits papillonnent. On a quand même quinze ans, et c'est merveilleux. L'âge de graver un prénom dans le sable. L'âge d'écrire son journal. L'âge du premier baiser. L'âge des tournois de ping-pong. L'âge d'écouter les Beatles, la nuit, dans les caves de l'hôtel. L'âge de jouer au mikado, les jours de pluie, au Mille-Bornes et au scrabble. L'âge de lire les romans bêtes de la bibliothèque, les Barbara Cartland, les Delly ou « Le Rosaire ». L'âge de dormir dans la chère chambre 113.

Enfin, on prend le tram, et on va à Ostende. On fait les magasins, le Mercator, à quai. Les grands parlent « King » et « Barque à Jack », on hume le marché aux poissons, on goûte à l'anguille fumée – qui vous bourrera jusqu'au soir, on suit la « malle » qui se bat dans le vent, on va manger une gaufre, une glace ou une crêpe, on flirte un peu, au bout de la jetée, on prend des photos, on va l'écrire, on va se souvenir. C'est l'âge heureux, c'est l'âge bête. C'est le temps du bonheur…

Et pas une seule fois, durant ces vacances-là, on n'est allé nager.
Les bouées sont restées bien tranquilles, les sauveteurs aussi.

Les parents peuvent revenir. Nos valises sont prêtes. Le porto est dans les verres, les cacahuètes, dans nos poches, « une menthe à l'eau s'il vous plaît ! » Le dîner est prêt, le dessert aussi, le café fume dans les filtres en argent.

On s'écrira, promis, juré. En attendant, mission accomplie, les vacances sont réussies. Et qui sait, peut-être reverrai-je mon pseudo « amoureux » aux prochaines vacances.

A la Toussaint, j'espère… Ou à Pâques. Ou...

Où lire Pivoine

12 commentaires:

  1. Une mer du Nord tristounette mais que tu égaies de souvenirs pleins de nostalgie... merci pour ce voyage, Pivoine

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  2. j'aime beaucoup cette façon simple et humaniste de nous relater tes souvenirs d'adolescence
    cela semble frais et proche à la fois, alors que c'est daté évidemment car les ado d'aujourd'hui ne lisent plus Delly :)

    par ailleurs, c'est à chaque fois pour moi une belle découverte de cette Belgique proche que je ne connais pourtant pas :(

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    1. C'est amusant parce que dans le fond, Delly c'est un anachronisme, j'ai lu Delly beaucoup plus tard, au hasard d'une étape dans un hôtel en France, j'ai trouvé "Une misère dorée, et ça m'a beaucoup amusée. A l'époque, en réalité, je lisais "Tristan et Yseut", dans une traduction en français plus ou moins contemporain, disons pour l'école, et pour le plaisir, les romans de Claude Campagne (une auteure boulonnaise qui écrivait avec son mari), "Adieu mes quinze ans" et surtout "Les enfants de la brume", j'aimais beaucoup.

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  3. La mer à Boulogne n' est pas mal non plus. Mais si tu trouvais un jour l' occasion de venir je te ferais découvrir Ostende déjà (je m'y baladais il y a quelques jours)... Merci pour ton appréciation. Mwoui Delly est sûrement plus amusante que Cinquante nuances de grey...

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    1. Et ça pleuvait oui ça pleuvait
      Comme à Ostende et comme partout
      Quand sur la ville tombe la pluie
      Et qu'on s'demande si c'est utile
      Et puis surtout si ça vaut l'coup
      Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie.
      (Leo Ferré : comme à Ostende)

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    2. Je connais ces plages, celles de la Manche sont jumelles avec les tiennes, l'eau 18 ou 19° je m'y baigne, en admirant les falaises. La mer changeant sans cesse de couleur, ni gris ni vert, comme les yeux d'une fille embrassée à la dérobée et oubliée...
      Des ports qui travaillent avec des bateaux suant la rouille de tous bords. Le cri plaintif des goélands le soir au dessus des jonques (là j'déconne) !

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  4. Pas trop pas trop ça sent la mer jusque ici...

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  5. Ostende est pour moi d'un exotisme sauvage et frémissant, qui m'évoque aussi Ensor, dont j'étais allé voir la rétrospective. J'étais allé jouer la nuit à la roulette rien que pour voir la fresque de Delvaux, mais elle n'est pas dans la salle de jeu. Et qu'a donc décidé le conseil échevinal sur la propriété disputée de cette fresque ?

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    1. Oui, cela me paraît moins exotique à moi naturellement. Ensor et Spilliaert, mais Spilliaert est plus souvent exposé à Bruxelles. Je ne suis jamais entrée au casino d'Ostende ni dans aucun autre casino célèbre de la côte (Knokke aussi). Donc, je ne puis hélas répondre pour la fresque de Delvaux... D'autant que c'est en Commmunauté flamande, alors...

      Je suis bien désolée de ne pouvoir vous éclairer o;)))

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  6. Un bel été, des souvenirs de liberté et de bonheurs simples... c'est un bord de mer que je connais un peu moins, mais avec un bon coupe vent je me laisserais bien tenter.

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  7. Arpenteur d'étoiles10 septembre 2017 à 14:39

    j'aime beaucoup ta façon d'écrire ton adolescence, la liberté et le bonheur avec tes amis
    je suis allé à Ostende (j'avais un client). les plages sont extraordinaires mais il y a aussi de grand immeubles ...

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  8. Malgré la brutalité que tu évoques en nous décrivant cette mer du Nord, on sent bien que tu y es très attachée parce qu'elle brasse tes souvenirs.
    J'aime beaucoup tes descriptions très visuelles Pivoine.

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