Ils ont parlé d'un délit de fuite! Le type m'a frôlé, emporté un bras et il a
continué la route... Moi je ne pense même pas qu'il s'en soit tout à fait rendu
compte, enfin... avant de retrouver ma main sur son rétro bien agrippée... parce que là, il
ne pouvait plus y a voir de doute...
Il m'avait désossé
comme un poulet pas assez cuit dont on retire l'aile mais pas le
blanc, parce qu'il est encore trop attaché... bref, quand je m'suis
réveillé à l'hôpital, 3
mois plus tard, tout était rentré dans l'ordre. On m'avait recousu
un bras, il fonctionnait, il ressemblait comme deux gouttes d'eau à mon bras
gauche sauf que les doigts étaient dans le bon sens... oui tout était
pour le mieux dans le meilleur des mondes...
J'ai repris ma vie, comme elle avait commencé... La fac, les
cours et les copains...
Avant l'accident, j'étais plutôt un type anxieux, nerveux,
limite agressif si on me cherchait un peu trop... et là, j'sais pas trop
comment dire... plus zen, limite philosophe, oui c'est ça, empreint d'une sagesse nouvelle...
comme si mon Moi nouveau avait appris de son aventure...
Donc tout aurait été parfait si la greffe dont les médecins
parlaient comme d'un "chef d’œuvre", un "cas d'école", une
réussite extraordinaire n'avait commencé à me faire vivre des
phénomènes inquiétants.
Quand je faisais de l'auto-stop ou que je
faisais signe à une voiture, mon pouce levé en l'air devenait
un annulaire et faisait un geste obscène à l'arrivée de l'automobiliste.
Si je serrais la main d'une personne qui m'agaçait autrefois mais qu'aujourd'hui je
supporte, allez savoir pourquoi, ma main serrait les doigts de
l'interlocuteur avec toujours plus d'ardeur et de force jusqu'à lui broyer les
doigts. Je devais éviter tout objet tranchant ou pointu car mon bras pouvais
l'utiliser à lacérer des pneus ou encore rayer les portières des véhicules dans
la rue comme le ferait un vulgaire voyou...
Tout cela devenait gênant presque effrayant.. Moi qui
n'avais jamais trop chercher à réfléchir à la provenance de cet organe, je
finissais par l'imaginer armé et tuant en série je ne sais combien de pauvres
victimes, avant d'être abattu puis greffé sur mon épaule...
Et puis, vint ce jour, où j'ai croisé ma première petite amie, celle avec qui j'étais avant
l'accident... Marie... Qu'est ce que je l'aimais... mais bon ça aussi c'est du passé...
A son passage, les poils de mon bras droit se sont dressés,
j'avais la chair de poule... une sensation qui ne m'avait pas été donné
d'éprouver sur cette partie du corps depuis l'accident... Ma main est
passée machinalement dans mes cheveux et derrière ma nuque, comme pour lisser
mon épi récalcitrant, puis
elle s'est mise à serrer très fort la poignet de mon easpack à croire qu'il
risquait de tomber...
Ce phénomène, juste un peu gênant, se produisait à
chaque fois que mes yeux se posait sur elle. Et le jour où je m'en suis approchée, pour lui
parler, elle était accompagnée par son nouveau copain. Ni une ni deux,
mon poing droit s'est collé sur le nez de ce dernier qui n'a rien pu anticiper.
Moi non plus d'ailleurs...
Je vous dis, ce truc, ce bras... il vivait sans moi... Il
avait une force qui faisait peur à voir et qui m'effrayait moi même.
Quand il m'a fallu expliquer la raison de mon geste... je
n'ai rien pu plaider... j'avais beau dire qu'il ne s'agissait pas de moi,
les témoins étaient là par dizaines et mon nouveau tempérament calme et serein ne suffisait
pas à maitriser ce bras délinquant qui n'en faisait qu'à sa tête...
L'avocat du plaignant m'a lourdement chargé (Un nez et 3 dents
cassés... vous pensez bien !) , je ne savais plus quoi faire... Mon avocat
a décidé de trouver à qui l'on avait
affaire. S'il s'agissait bel et bien du bras d'un tueur en série, nous
pourrions assurément plaider l'acte non prémédité et surtout indépendant
de ma propre volonté !
Et c'est là que tout s'est corsé...
La main agrippée au rétro avait été rapportée en parfait état
aux urgences le soir de l'accident et très rapidement le lien entre mon bras
manquant et ce membre sanguinolent avait été fait. Ce bras violent mais qui
m'allait comme un gant était donc le mien !
Il s'agissait du bras de mon ancien moi !! Le moi impétueux,
colérique et amoureux... avec en plus une haine féroce nourrie contre les
voitures bien sûr... Ce bras de mon ancien moi, s'il n'avait pas eu de
problème à retrouver sa loge, ne trouvait plus en mon nouveau tempérament une
place harmonieuse...
Il eut fallu faire la fonction "reset", déprogrammer
son histoire ... une étape encore un peu floue dans le processus de prise en
charge du greffon...
Toujours est-il que sachant cela le tribunal m'a jugé coupable
au premier degré...avec obligation d'éduquer mon anatomie au grand complet.
Vous parlez d'une affaire !
OUi, une drôle d'affaire... quelle histoire!
RépondreSupprimerdrôle d'histoire que celle de ce bras récalcitrant
RépondreSupprimermais je veux bien croire que ce soit celui qui ait gardé la mémoire de la violence...
Bon ce bras est quand même un petit rigolo, il fait des gestes obscènes avec l'annulaire ce qui est très difficile, en fait...
RépondreSupprimerHi hi !
¸¸.•*¨*• ☆
ha ha , bien vu Célestine ! En voilà une qui suit ;-) Je dois reconnaitre que ce n'est pas volontaire et que n'ayant jamais eu recours à ce geste ( ben oui, suis polie moi ! ), dans la panoplie de doigts j'ai choisi celui là ;-))
SupprimerET ce procès t'a coûté un bras ?
RépondreSupprimerEffets de manche au tribunal.
RépondreSupprimerAbracadabra ☺
De la rééducation pour ce bras vengeur ? Il n'y pense pas le juge ? Comment faire pour obliger le cerveau à agir sur ce membre indocile ?
RépondreSupprimerQuelle histoire ! ;-)
Voilà une incroyable et passionnante histoire ... à bras qu'à d'à bras ! ;-)
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