mercredi 30 mai 2018

Lilousoleil - Toutes les mamas


Quand la guerre éclata, Eugénie avait 18 ans. A cette époque, elle travaillait depuis peu comme sténodactylo dans un cabinet d’avocats important de la région Lyonnaise. Elle avait rêvé de suivre des études, elle adorait lire, préférait parfois se priver de manger que de se priver de lire. Les circonstances de la vie ne l’avaient pas permis. Tout en aidant sa mère qui faisait des ménages pour vivre, elle avait obtenu son certificat et fait une année de collège ; ensuite elle avait dû se résoudre au cours du soir pour faire une formation de sténodactylo. Elle avait complété sa formation en apprenant la sténotypie ce qui lui permettait de faire quelques vacations aux audiences du tribunal de Lyon. La valeur n’attend pas le nombre des années !
Elle avait aussi entreprit de transcrire en sténo la thèse d’un jeune avocat, Hugo, et le tapait à la machine le soir. Elle avait un fiancé Maurice qui travaillait chez un joaillier et tout était programmé pour un mariage. Bref une vie simple.
La guerre ! Quelle horreur criait sa mère ! Pétain nous sortira bien de cette monstruosité. Si ton père était-là, il penserait comme moi répétait-elle à l’envi. Elle oubliait qu’il était mort depuis dix ans et que son opinion n’avait guère d’importance.
La capitulation ! Un cauchemar ! Ligne de démarcation ! Occupation ! Exode ! Mort de Maurice…
A l’étude ce n’était que discussions ; les pros Pétain, les septiques, les autres. Le discours du Général De Gaulle sonna aux oreilles d’Eugénie comme un coup de tonnerre. Avec ses quelques amies, elles parlaient souvent le soir de rejoindre l’Angleterre mais comment ?
La vie continuait difficile. Les privations, les tickets d’alimentation, de rationnement, les files d’attente pour s’approvisionner, le marché noir. La débrouille en somme ! Sa mère détricotait des pulls pour en faire des « neufs ». La voisine couturière retournait des vieux manteaux. Le troc s’était développé, la solidarité mais aussi la méfiance la prudence. Chaque parole devait être pesée car une autre guerre s’était déclarée, plus sournoise.
1942  Lyon jusque là en Zone libre fut à son tour occupée. On vit l’hôtel de ville occupé puis la kommandantur installée et on vit alors débarqué un certain Klaus Barbie.
Un jour qu’Eugénie était partie faire des courses, elle se trouva mêlée à un groupe de manifestants ; la police chargea ; Elle fut arrêtée mis en prison.
Elle fit appeler Hugo qui plaida avec force et courage le manque de preuves. Eugénie fut condamnée à deux mois de prison. Lorsqu’elle fut relâchée, elle reprit son travail à l’étude. Mais rien ne fut comme avant.
Un soir alors qu’elle était restée pour taper quelques paragraphes de la thèse d’Hugo, elle entendit des crachouillements, des grésillements dans la pièce d’à coté. Pensant être seule, elle s’inquiéta et fébrilement ouvrit la porte. Elle vit d’abord un poste de radio sur le bureau de son patron, puis celui-ci devant qui essayait de régler une station et Hugo derrière qui bricolait les prises électriques.
c’est alors que tout naturellement elle s’assit avec eux. Ils l’accueillirent sans un mot et écoutèrent radio Londres. C’est ce soir-là qu’elle s’engagea dans la résistance avec Hugo comme soutien. Eugénie devint Madeleine et agent de liaison.
En 1943, Jean Moulin fut arrêté mais avant lui une jeune femme nommée Oursonne agent de liaison ; Madeleine la remplaça et ne dut son salut qu’à un retard imprévu.
Madeleine suivit son chemin. De jeune fille bien sage, elle devint une militante de la cause des femmes, elle devint communiste. Elle eut deux enfants qu’elle sacrifia à la vie politique et quand sa fille lui demanda pourquoi cet engagement total elle lui répondit simplement : « Si tu savais ce que j’ai vu et entendu dans la prison Saint Paul, tu comprendrais et tu aurais fait pareil. »

Eugénie était ma mère !

Où lire Lilou

3 commentaires:

  1. Quelle période! Et quel engagement admirable alors qu' il aurait pu lui coûter la vie !
    Mais effectivement pas simple de grandir auprès de parents militants, alors que leurs valeurs et leurs combats semblent primer sur leur famille....

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  2. Quel bel hommage à votre Maman...

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