Quand la guerre éclata, Eugénie avait 18 ans. A cette
époque, elle travaillait depuis peu comme sténodactylo dans un cabinet
d’avocats important de la région Lyonnaise. Elle avait rêvé de suivre des
études, elle adorait lire, préférait parfois se priver de manger que de se
priver de lire. Les circonstances de la vie ne l’avaient pas permis. Tout en
aidant sa mère qui faisait des ménages pour vivre, elle avait obtenu son
certificat et fait une année de collège ; ensuite elle avait dû se
résoudre au cours du soir pour faire une formation de sténodactylo. Elle avait
complété sa formation en apprenant la sténotypie ce qui lui permettait de faire
quelques vacations aux audiences du tribunal de Lyon. La valeur n’attend pas le
nombre des années !
Elle avait aussi entreprit de transcrire en sténo la thèse
d’un jeune avocat, Hugo, et le tapait à la machine le soir. Elle avait un
fiancé Maurice qui travaillait chez un joaillier et tout était programmé pour
un mariage. Bref une vie simple.
La guerre ! Quelle horreur criait sa mère ! Pétain
nous sortira bien de cette monstruosité. Si ton père était-là, il penserait
comme moi répétait-elle à l’envi. Elle oubliait qu’il était mort depuis dix ans
et que son opinion n’avait guère d’importance.
La capitulation ! Un cauchemar ! Ligne de
démarcation ! Occupation ! Exode ! Mort de Maurice…
A l’étude ce n’était que discussions ; les pros Pétain,
les septiques, les autres. Le discours du Général De Gaulle sonna aux oreilles
d’Eugénie comme un coup de tonnerre. Avec ses quelques amies, elles parlaient
souvent le soir de rejoindre l’Angleterre mais comment ?
La vie continuait difficile. Les privations, les tickets
d’alimentation, de rationnement, les files d’attente pour s’approvisionner, le
marché noir. La débrouille en somme ! Sa mère détricotait des pulls pour
en faire des « neufs ». La voisine couturière retournait des vieux
manteaux. Le troc s’était développé, la solidarité mais aussi la méfiance la
prudence. Chaque parole devait être pesée car une autre guerre s’était
déclarée, plus sournoise.
1942 Lyon jusque là
en Zone libre fut à son tour occupée. On vit l’hôtel de ville occupé puis la
kommandantur installée et on vit alors débarqué un certain Klaus Barbie.
Un jour qu’Eugénie était partie faire des courses, elle se
trouva mêlée à un groupe de manifestants ; la police chargea ; Elle
fut arrêtée mis en prison.
Elle fit appeler Hugo qui plaida avec force et courage le
manque de preuves. Eugénie fut condamnée à deux mois de prison. Lorsqu’elle fut
relâchée, elle reprit son travail à l’étude. Mais rien ne fut comme avant.
Un soir alors qu’elle était restée pour taper quelques
paragraphes de la thèse d’Hugo, elle entendit des crachouillements, des
grésillements dans la pièce d’à coté. Pensant être seule, elle s’inquiéta et
fébrilement ouvrit la porte. Elle vit d’abord un poste de radio sur le bureau
de son patron, puis celui-ci devant qui essayait de régler une station et Hugo
derrière qui bricolait les prises électriques.
c’est alors que tout naturellement elle s’assit avec eux. Ils
l’accueillirent sans un mot et écoutèrent radio Londres. C’est ce soir-là
qu’elle s’engagea dans la résistance avec Hugo comme soutien. Eugénie devint
Madeleine et agent de liaison.
En 1943, Jean Moulin fut arrêté mais avant lui une jeune
femme nommée Oursonne agent de liaison ; Madeleine la remplaça et ne dut
son salut qu’à un retard imprévu.
Madeleine suivit son chemin. De jeune fille bien sage, elle
devint une militante de la cause des femmes, elle devint communiste. Elle eut
deux enfants qu’elle sacrifia à la vie politique et quand sa fille lui demanda
pourquoi cet engagement total elle lui répondit simplement : « Si tu
savais ce que j’ai vu et entendu dans la prison Saint Paul, tu comprendrais et
tu aurais fait pareil. »
Quelle période! Et quel engagement admirable alors qu' il aurait pu lui coûter la vie !
RépondreSupprimerMais effectivement pas simple de grandir auprès de parents militants, alors que leurs valeurs et leurs combats semblent primer sur leur famille....
Quel bel hommage à votre Maman...
RépondreSupprimerUn très bel hommage en effet
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