mardi 10 janvier 2017

Pivoine - A l'ombre du figuier

Elle avait trouvé la recette dans un livre.

Une tarte aux figues. Salé sucré. Comme elle avait le temps, elle avait pétri elle-même la pâte levée. Qui gonflait, heureuse, dans le four tiède. Les figues étaient bleues, rayées de violet. La chair était piquetée de grains, rouge et sucrée. Sur sa tarte, il y aurait les figues, le jambon de Parme, au goût prononcé, et le piquant graineux d'un rondin de chèvre. Ce serait parfait. Les figues fraîches suggéraient un éventail de possibilités que n'avaient guère les figues sèches et poisseuses ensemble de son enfance. Gourmandise de noël par excellence.

En disposant les fruits, elle se souvenait de quelques mots, restés dans sa mémoire, "et les figuiers, qui faisaient une ombre si fraîche..."

Les mots et les fruits, emmêlés, l'emmenèrent bien loin de sa cuisine mi-ville, mi-campagne.

Là-bas, en Provence, dans un jardin arlésien. Les fruits y avaient un goût tellement différent ! C'était comme de comparer le brouillard, janvier et la morosité, aux palmiers dans la nuit odorante, aux soirées de l'été, aux orangers de Hyères, aux pins parasols ou au bleu si bleu de la Méditerranée.

Les figuiers offraient leurs fruits de chair et de sucre aux gourmands, leurs vertus médicinales, aux curieux d'apothicairerie.

Et leur âme, aux poètes.

Car l'arbre aussi offrait l'ombre et le repos. Aux couples d'amants. Aux petits paysans malicieux. Au chasseur hésitant entre le poil et la plume. Mais comme les lèvres étaient tendres et fraîches, que l'on embrassait, sous le figuier. Comme il était doux de s'étendre à même la terre sèche, gorgée du sang des civilisations, puis de fermer les yeux, de se laisser emporter, dans le silence harassé des champs, vers la fin du jour.

Et le peintre qui ne se lassait pas de dessiner, mentalement, le couple étendu, à l'ombre du figuier... Esquisser la jeune femme aux cheveux décoiffés, à la robe d'un vert jade chaud, légèrement dérangée, aux dentelles froissées, aux doigts fuselés, mariés à ceux de l'époux, enfin dédaigneux du fusil et de la gibecière...

Où lire Pivoine

10 commentaires:

  1. Que c'est beau ! Merci Pivoine pour ce texte plein de poésie.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. J'ai vu les figuiers à Hyères et je ne les regarderai plus jamais de la même façon... demain

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  3. On en reprendrait bien une tite part ! ];-D

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  4. En haut tout en haut de Hyères il y a un merveilleux Jardin botanique... (Là où Edith Warthon a résidé). J'ai adoré... Et Hyères aussi.

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  5. j'ai adoré saliver à l'odeur de cette tarte, et rêvé d'être transporter en Provence :)

    toute une atmosphère dans ton texte, Pivoine

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    1. La tarte (pizza) est assez facile à réaliser, Tisseuse, je puis t'en donner la recette o:)))

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  6. Toute la saveur de la figue, toute la magie du pays méditerranéen.
    Du soleil et de la poésie dans la grisaille de l'hiver !

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  7. Arpenteur d'étoiles13 janvier 2017 à 23:02

    belle réussite, à la fois la tarte goûteuse et gourmande et l'ombre de l'arbre où tout peut se passer ... j'aime !

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  8. Il y a beaucoup de sensualité dans ce texte

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