Il y eut les verres à pied de la "maison" - la maison comme on en n'en a peut-être qu'une seule, celle de l'enfance... Elégants, en tulipe, mais simples. En verre. Quand par faveur extrême, on pouvait boire dans le verre à eau - la recommandation valait partout – l'on devait boire sans mordre le verre, pour qu'il ne se casse pas entre les lèvres.
Il y eut les verres remplis d'un vin blanc, que je contemplai longuement, légèrement embués, dans la salle à manger d'un restaurant - paquebot, à la mer, entre Oostduinkerke et Koksijde-bad. Nous ne buvions jamais de vin, à la maison, du moins n'en ai-je guère le souvenir, il reste donc ce flash très précis de la couleur jaune pâle du vin, du ballon irisé, du bruit des conversations, de la nappe blanche, de l'atmosphère du lieu.
Il y a la fascination devant le travail du souffleur de verre, cette bulle molle, élastique, pâte transparente ou colorée qui se transforme selon que l'artisan la rapproche ou l'éloigne de la flamme.
Il y a l'eau du cristal qui tinte, dans les verres, et fait entendre la musique de Benjamin Franklin, quand nous sommes dans la salle à manger de l'Astoria - encore à la mer. Et que l'on s'amuse - au grand dam des adultes jeunes et surtout moins jeunes - à faire retentir, à tour de rôle. Impassibilité des étudiants - serveurs qui continuent d'acheminer les plats à table.
Il y a le verre de ma première beurrée. Ouh là ! Je suis à la Lunette, un café typique de Bruxelles, où l'on sert des Lunettes de bière (un litre), je viens d'avoir dix-huit ans, je déteste la bière, mais je vais après au cinéma avec mon frère et des amis, voir "Parfum de Femme". Je suis devant ma lunette de gueuze (on m'a interdit le jus d'orange que je comptais commander), et je fais la grimace. Chaque gorgée est un supplice. Mais qui a bu boira, et une gorgée après l'autre, ma première gueuze descend, la bière baisse de niveau dans ma "lunette" et j'avale stoïquement mon litre, aussi vite que les autres. Il me restera juste une idée fixe, me lever et traverser la salle en marchant droit.
De "Parfum de femme", je ne verrai que la fin, ce soir-là...
Et puis… j'ai appris. Les verres de vin rouge de la pizzeria, près de l'unif, les petits gobelets à pied, en porcelaine, du restaurant japonais, avec du saké chaud, les verres à cocktails de toutes les couleurs - où allait ma préférence - les trois gin fizz mousseux - après ma première année d'études sup' réussie. Et le retour au petit matin, quand les oiseaux chantaient.
Les soirées brûlantes et érotiques d'un seul été. Le feu du barbecue, les dieux et les déesses, le faune noir qui me damnait, le vin danse dans les verres, mon coup de soleil, le Croissant fertile. Et les verres de Meilleure, la bière de Floreffe, lourde et brune, et la Bonne-Espérance.
Les verres ballon simples et discrets, ceux que je préfère, de mes grands-parents...
L'angoisse coupante et ravageante de voir quelqu'un vider un verre, deux verres, le verre, exposant N, une bouteille, deux bouteilles, ma terreur de l'alcoolisme...
Jusqu'au verre de vin serbe, hier, un vin qui tient et qui sent l'Ailleurs, comme le retzina ou le Mateus rosé! Ou un authentique Porto de vingt ans d'âge... Au moins! Tant de soirées! Tant d'étés… Mes "non, non merci", "je tiens mal le vin", "mes yeux vont rouler dans tous les sens", "c'est le moment de tout me faire avouer"...
Finalement, le verre à pied ne dit rien en lui-même. Il a juste vécu sa fabrication, dans un atelier ou une usine, attendu la vente, et atterri dans une maison ou un restaurant. Mais il vit du liquide versé dedans. Et dans les souvenirs de ceux qui ont bu son contenu. Après tout, si je versais du chocolat dans un verre à pied, du thé ou un lait de poule, sa dynamique aurait-elle le même sens? Pourquoi penser "alcool" quand je lis "verres à pied"
Et l'absinthe des poètes? J'ai goûté à l'absinthe de l'ami restaurateur - chimiste de profession, qui s'était fait bouilleur de cru occasionnel, pour nous amuser. J'étais romantique et, en buvant mes quelques gouttes d'absinthe, je répétais que je faisais un pèlerinage littéraire.
Je crois que je vais aller à le cuisine me remplir un immense verre à pied avec de l'eau, pour conjurer le sort...
Sinon, je vais vraiment passer pour une alcoolique !
Il y eut les verres remplis d'un vin blanc, que je contemplai longuement, légèrement embués, dans la salle à manger d'un restaurant - paquebot, à la mer, entre Oostduinkerke et Koksijde-bad. Nous ne buvions jamais de vin, à la maison, du moins n'en ai-je guère le souvenir, il reste donc ce flash très précis de la couleur jaune pâle du vin, du ballon irisé, du bruit des conversations, de la nappe blanche, de l'atmosphère du lieu.
Il y a la fascination devant le travail du souffleur de verre, cette bulle molle, élastique, pâte transparente ou colorée qui se transforme selon que l'artisan la rapproche ou l'éloigne de la flamme.
Il y a l'eau du cristal qui tinte, dans les verres, et fait entendre la musique de Benjamin Franklin, quand nous sommes dans la salle à manger de l'Astoria - encore à la mer. Et que l'on s'amuse - au grand dam des adultes jeunes et surtout moins jeunes - à faire retentir, à tour de rôle. Impassibilité des étudiants - serveurs qui continuent d'acheminer les plats à table.
Il y a le verre de ma première beurrée. Ouh là ! Je suis à la Lunette, un café typique de Bruxelles, où l'on sert des Lunettes de bière (un litre), je viens d'avoir dix-huit ans, je déteste la bière, mais je vais après au cinéma avec mon frère et des amis, voir "Parfum de Femme". Je suis devant ma lunette de gueuze (on m'a interdit le jus d'orange que je comptais commander), et je fais la grimace. Chaque gorgée est un supplice. Mais qui a bu boira, et une gorgée après l'autre, ma première gueuze descend, la bière baisse de niveau dans ma "lunette" et j'avale stoïquement mon litre, aussi vite que les autres. Il me restera juste une idée fixe, me lever et traverser la salle en marchant droit.
De "Parfum de femme", je ne verrai que la fin, ce soir-là...
Et puis… j'ai appris. Les verres de vin rouge de la pizzeria, près de l'unif, les petits gobelets à pied, en porcelaine, du restaurant japonais, avec du saké chaud, les verres à cocktails de toutes les couleurs - où allait ma préférence - les trois gin fizz mousseux - après ma première année d'études sup' réussie. Et le retour au petit matin, quand les oiseaux chantaient.
Les soirées brûlantes et érotiques d'un seul été. Le feu du barbecue, les dieux et les déesses, le faune noir qui me damnait, le vin danse dans les verres, mon coup de soleil, le Croissant fertile. Et les verres de Meilleure, la bière de Floreffe, lourde et brune, et la Bonne-Espérance.
Les verres ballon simples et discrets, ceux que je préfère, de mes grands-parents...
L'angoisse coupante et ravageante de voir quelqu'un vider un verre, deux verres, le verre, exposant N, une bouteille, deux bouteilles, ma terreur de l'alcoolisme...
Jusqu'au verre de vin serbe, hier, un vin qui tient et qui sent l'Ailleurs, comme le retzina ou le Mateus rosé! Ou un authentique Porto de vingt ans d'âge... Au moins! Tant de soirées! Tant d'étés… Mes "non, non merci", "je tiens mal le vin", "mes yeux vont rouler dans tous les sens", "c'est le moment de tout me faire avouer"...
Finalement, le verre à pied ne dit rien en lui-même. Il a juste vécu sa fabrication, dans un atelier ou une usine, attendu la vente, et atterri dans une maison ou un restaurant. Mais il vit du liquide versé dedans. Et dans les souvenirs de ceux qui ont bu son contenu. Après tout, si je versais du chocolat dans un verre à pied, du thé ou un lait de poule, sa dynamique aurait-elle le même sens? Pourquoi penser "alcool" quand je lis "verres à pied"
Et l'absinthe des poètes? J'ai goûté à l'absinthe de l'ami restaurateur - chimiste de profession, qui s'était fait bouilleur de cru occasionnel, pour nous amuser. J'étais romantique et, en buvant mes quelques gouttes d'absinthe, je répétais que je faisais un pèlerinage littéraire.
Je crois que je vais aller à le cuisine me remplir un immense verre à pied avec de l'eau, pour conjurer le sort...
Sinon, je vais vraiment passer pour une alcoolique !
hé bien !
RépondreSupprimerpour quelqu'un soi disant "dépourvu d'imagination" (comme tu le dis en com chez Saraline), il me semble que tu nous comptes une histoire bien émouvante à travers ce récapitulatif de tes différentes rencontres avec les verres, au fur et à mesure de ta vie
du coup, je lève mon verre pour te souhaite une très bonne année, chère Pivoine :)
d'ailleurs, Pivoine, toi aussi, tout comme Jacques, tu avais participé il y a 10 ans sur ce thème sur l'ancien site des Impromptus :)
Supprimerfidèle amie d'écriture...
Merci Tisseuse, ton commentaire me touche beaucoup. Ah bien oui... Ici, il y a moins d'imagination que de mémoire o:))) Le tout est d'agencer les différentes expériences pour que ce soit amusant aussi (le coup de la première cuite... cuisant ! )
SupprimerBonne année aussi. Il faudra que j'aille voir dans les archives de 2006, mais vais-je y arriver ?
l'imagination et la mémoire travaillent toujours ensembles et là tu nous content des anecdotes riches et fort importantes ... un grand plaisir de te lire Pivoine :)
RépondreSupprimersinon, j'ai toujours eu du mal avec le Retzina :o)
RépondreSupprimerJ'aime cette dissertation où contenant et contenu se disputent des souvenirs en tous genres... A ta santé, Pivoine
RépondreSupprimerPour quelqu'un qui envie (sic) mon imagination- que je trouve bien modeste à côté-, chapeau bas , madame, ou plutôt , levons nos verres!
RépondreSupprimeret moi je dis " A la tienne " et que la nouvelle année te soit douce.
RépondreSupprimeravec le sourire