samedi 5 décembre 2015

Fred Mili - Nos profs

Il s'appelait monsieur Dupont, elle mademoiselle Fuentes. Il était professeur de Physique-Chimie et elle professeure d'Espagnol en seconde langue au collège.


Officiellement ils n'étaient pas ensemble et ne portaient d'ailleurs pas le même nom. Monsieur Dupont était plus âgé qu'elle, dans les 42 ans tandis qu'elle n'avait peut-être que 34 ans. Officieusement ils partageaient la même vie. Je crois que le directeur de l'établissement était parfaitement au courant et fermait les yeux sur cette situation inhabituelle à la fin des années soixante.

Mademoiselle Fuentes était belle, plutôt souriante, sympathique et dotée d'une poitrine généreuse, du haut de nos 14 ans nous étions fiers d'elle, sûrement un peu amoureux et peut-être ravis d'avoir avec elle des moments qui échappaient à monsieur Dupont. En tout cas moi, je l'étais.

À cette époque le collège ouvrait ses portes à 8h30 jusqu'à 18h le soir. À cette époque le jour de repos était le jeudi. À cette époque nous avions cours le samedi matin, de 8h30 à 11h30 quelle que soit la classe que nous fréquentions.

J'étais un élève quelconque à la fois turbulent et sage. Un de ceux à qui on ne discutait pas le radiateur, parfois agitateur.

La seule chose qui m’intéressait était la gymnastique et mademoiselle Fuentes. Je rêvais d'elle tout éveillé. Des sensations nouvelles et incontrôlées secouaient mon corps comme des décharges électriques, me surprenant.

J'étais populaire parmi mes camarades collégiens d'abord par ma constitution physique, j'étais sportif et le sport était la seule discipline qui méritait mon attention. À côté de ça, je pratiquais la natation, le hand-ball, le tennis de table et la gymnastique.

Toutes ces activités canalisaient sans doute mes ardeurs mais mademoiselle Fuentes me rendait fou. Je me sentais ivre d'elle et détestais monsieur Dupont jour après jour.

Les cours de physique ne me passionnaient pas. Je cherchais comment attirer l'attention de mademoiselle Fuentes et faire de l'ombre à monsieur Dupont.

Sportif monsieur Dupont nous convia à venir à la piscine avec lui le samedi après-midi. Je sautai sur l'occasion, sûr d'y trouver aussi mademoiselle Fuentes en petite tenue agréable. Une occasion inespérée que je ne pouvais rater. J'étais en transe rien que d'y penser.

Malheureusement, elle n'était pas là. Il me fallut faire contre mauvaise fortune bon cœur.

À ces parties une vingtaine d'élèves participait, Mises à l'eau, plongeons, courses de vitesse monsieur Dupont nous écrabouillait de toute sa puissance. Il était très athlétique. Ma gêne et mes prétentions redoublèrent. Je n'étais pas à la hauteur. Et ce constat me mettait en colère. J’espérais chaque samedi la présence de mademoiselle Fuentes, certain qu'elle me donnerait les ailes pour battre monsieur Dupont sur son propre terrain.

Je passais mes samedis après-midis avec l'homme que je détestais le plus au monde, celui à qui je me frottais violemment pour être plus proche de celle qui hantait mes jours et mes nuits insomniaques.

Je retenais mes larmes, ma cupidité m'incriminait, me fustigeait.

Mademoiselle Fuentes me rendit service alors que je n'écoutais plus le cours. Je rêvais d'elle impunément. Elle était ma Justine des Infortunes de la vertu que je lisais chaque nuit à la faveur de ma lampe électrique. J'étais adossé au radiateur dans une position qui trahissait mes émois. Monique comme je l'appelais intimement, s'énerva. Elle me colla pour le samedi suivant. De 2h à 4h. J'étais heureux mais pour la braver, je dis

– C'est pas possible le samedi après-midi je vais à la piscine avec monsieur Dupont le professeur de Physique.

Elle rétorqua simplement :

– C'est pas plus compliqué que ça tu n'iras pas. C'est tout !

– Mais c'est possible ça, hurlais-je un peu trop fort.

– Puisque que tu le prends comme ça, tu viendras deux samedi de suite. Donne-moi ton cahier de correspondance, ordonna-t-elle.

J'étais enchanté, radieux, enfin j'allais partagé quelque chose avec elle. Mon corps battait la chamade. Une sensation nouvelle, intense venait de me saisir. J'étais mal à l'aise ou trop désireux.

Le samedi suivant je savourai ma victoire, j'étais seul avec elle. Assise à son bureau elle corrigeait les devoirs de la semaine. Au fond de la classe, près de mon radiateur fétiche, je m'escrimais à faire les exercices qu'elle m'avait donnés. Je voulais lui montrer de quoi j'étais capable. Je m'interrompais pour jeter des regard furtifs sur elle.

Au fur et à mesure qu'elle s'approchait de moi, je me décomposais. J'avais le feu aux joues, mes mains tremblaient.

Elle me dit :

– Si tu crois que je n'ai pas compris ton petit manège tu te trompes.


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6 commentaires:

  1. Ah qui n'a pas connu une mademoiselle Fuentes... Monique des Sources :)

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  2. Ah, voilà donc bien détaillé, comment les ados se laissent prendre aux charmes de Mademoiselle... et mettent tout en oeuvre pour la faire tomber, elle aussi!
    J'aime la manière dont les sentiments et la stratégie évoluent, par le choix des mots et des événements.

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  3. L'Arpenteur d'étoiles6 décembre 2015 à 16:58

    j'aime ... les profs séductrices ou séduisantes comprennent souvent l'émoi de certains de leurs élèves
    ton texte rejoint un peu les miens sur mes profs d'anglais et le dernier que j'ai posté avec l'anecdote de ma prof de chimie (mais en école post bac)

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