La couleur de la mer-Blanche
Dis,
tu me raconteras la couleur de la mer ?...
Peut-être
sera-t-elle en colère, toute blanche d’écume bouillonnante au bord de ses
vagues déchirantes, celles mille fois enlacées sur la plage en inassouvie maîtresse
conquérante.
Blanche
comme un linceul qui n’en finit pas de s’étendre, de s’épandre, de se rendre,
de se fendre, de me prendre, en langues dévorantes s’accaparant les frontières
reculées des dunes avec un tumulte exultant sa colère sauvage en courant, en
renversant les galets.
Blanche,
quand la vague insupportable se disloque en tremblements convulsifs, en
fracassements terribles, en ruissellements ravageurs, en pétillements
insatiables, en grondements tumultueux, en outrancière insatiable.
Blanche
comme un drapeau en guerre mystifiant les frontières avec ses assauts rampants,
ceux qui engloutissent les douves et les tours des châteaux de sable avec
l’appétit féroce d’ogres dévastateurs.
Blanche
comme la feuille du poète alangui puisant dans les vagues, des rimes, des
trames, des mots d’amour tout neufs, des tourments anciens, des tournures
nouvelles, des majuscules oubliées, des paraboles secrètes, des vers publics et
tous les vains soubresauts de sa plume chavirée.
Blanche,
troublée, livide, désemparée, désunie, comme à l’écoute d’un mensonge épais qui
court avec des furieuses velléités de vérité. Blanche comme une colère rentrée
mais avec une mission de punition courant sur son dos comme des frissons avant-coureurs de tempête. Blanche
comme la foudre déchirant le ciel. Blanche comme une prisonnière de trop
longtemps dans l’astreinte des abysses et remontant à la surface en se
fortifiant l’échine dans ses rouleaux impétueux.
Blanche
comme une voile lointaine pourfendant de son tracé rectiligne les courants et
les marées, les rochers, les digues et les jetées. Blanche comme un linge
délicat aux crêtes coiffantes, aux broderies bretonnes abusant les embruns
bavés dans les cisaillements des rochers contondants ou blanche comme des
lettres sans timbre, sans parcours, sans adresse véritable et sans retour, à
l’encre pourtant sympathique pour raconter des désirs indigestes, des
sensations indigènes, des affolements sans échos, des alter sans ego, des
plongeons de haut vol sans planer, des apnées de respiration profonde, des
initiatives moribondes, des messages d’adieu postés à des fantômes sans emploi que la lâcheté ambiante d’une vie
sans scrupules.
Blanche
comme une mariée synthétique, au voile sans pudeur, au sourire enjôleur, aux
machinations de mauvaise heure, sacrifiant le présent tourmenteur pour assener
des perfidies et des rancoeurs de ressacs de bonheur et des marées de malheur.
Blanche
comme une note de musique sauvage qui s’empêtre dans les filets convenus d’une
gamme sans harmonie que ses coups de bélier tonitruants, à la cadence infernale
d’intempérances brutales, aux tréfonds
de toutes mes pensées noyées.
Blanche
d’illuminations blafardes, blanche de maladie incurable, blanche dans la
torpeur des néons infirmiers accompagnant des douleurs incommensurables en
miroitant des couleurs intenables et mensongères ; blanche d’insinuations
caractérielles maudissant, en légèreté enfantine, les véritables troupeaux de
fleurs et leurs pétales assujettis dans des myriades de couplets redondants
d’espoirs vains et des champs d’incultures, toutes ces lacunes plantées en
semences fourbes et irrationnelles.
Pour
toute la violence de mes nuits insomniaques, sera-t-elle blanche comme la lune et ses stigmates ? Le
firmament et ses étoiles scintillantes ? Vénus et sa volupté ? Blanche
comme un doux visage et ses grains de beauté disséminés comme les signes
évidents du zodiaque ? Elle sera peut-être blanche, caquetant comme mes
intentions sans parloir, comme mes élucubrations sans histoire, comme mes
sincères salutations sans au revoir, mes adieux sans mouchoir : blanche
comme mes armes sans tranchant.
La
mer sera blanche et son sable sera découpant. Soulevé sans effort, il galopera
sur la plage avec des allants piquants sur les jambes pour bousculer les
passants et laisser les mouettes à leurs devoirs de blancs cerfs-volants planeurs émérites.
La
mer sera blanche et les nuages seront noirs pour grisailler le paysage brouillé
entre les secousses émergeantes, moutonneuses et les accalmies menteuses. Ce
sera comme des explications bruyantes qui ne se comprennent jamais, comme des
coquillages qui ne veulent pas se poser, comme des algues qui, sans cesse
échevelées, refusent de se coiffer, comme des virginales sirènes échouées
refusant la gloire des légendes pour se consumer dans l’austère compromission
ennuyeuse des bancs publics.
Ce
sera comme un cri continu, si rempli de frayeur et d’angoisse, si
déchirant, si solitaire, si pathétique, qu’il réveillera les âmes insensibles,
celles qui se complaisent dans l’absurde platitude des vérités faciles, celles
qui se voilent la face pour ne jamais tomber pile, celles qui s’abrutissent aux
modes et aux publicités imbéciles.
La
mer sera blanche, toute envahie de boursouflures ravageuses, c’est sûr ; j’y
allumerai d’autres rêves cristallins en forme d’espérance infinie ! Elle
balaiera la plage pour que j’y dessine d’autres empreintes plus acharnées, plus
incohérentes, plus irréalistes, plus aimantes, plus remplies d’étreintes
véritables, plus sociables, plus enviables ! Je lècherai la main de l’écume ! Je défaillirai d’un peu
d’ivresse marine ; emporté par les embruns, je fixerai pourtant les lames
découpantes pour croire encore à sa blancheur, le sable vagabond brûlera mes yeux
et l’horizon ne sera qu’un projet futur d’inconsistance…
…Dis,
tu me raconteras la couleur de la mer, un peu, beaucoup,
passionnément ?...
la mer a tant de visages....
RépondreSupprimerRe-mar-qua-ble !
RépondreSupprimerJe n'ajouterai rien, je pourrais pas, sinon que tes deux volets sont tous deux du grand art, de celui qui réunit talent et inspiration : chapeau bas.
Comment dire, sans être banal ? Il vaut mieux que les mots ne viennent pas maculer l'immaculée...
RépondreSupprimerUn jour, on voit le monde tout rouge, puis tout blanc, puis... toutes les couleurs de l'arc-en-ciel y passent, en long cortège bordé des sentiments et des émotions....
RépondreSupprimerpfff !!! Que dire ? Joli ! Très joli !!!
RépondreSupprimerJ'en reste sans voix... je vais relire.... ;-)))