Ce qu'il aime, c'est sortir dans la fraîcheur du petit matin à peine naissant, les pieds dans l'herbe humide, écouter le premier chant des oiseaux en regardant naître le jour dans la lumière rosée.
Ce qu'il aime, c'est arroser ses rosiers un à un en faisant le tour du jardin pour admirer les boutons à peine éclos, les fleurs déjà bien épanouies où il plonge le nez pour en savourer tous les parfums, en profiter pour tailler celles déjà fanées.
Ce qu'il aime, c'est s'installer sur l'un ou l'autre banc du jardin, à l'ombre des noisetiers ou sous la tonnelle des actinidias, sous le grand tilleul parfumé à la fin du printemps ou l'Albisia laissant tomber doucement ses fleurs de soie. Là, épuisé d'avoir sarcler, biner, ratisser, il savoure simplement la beauté de son jardin.
C'est un jardinier heureux. Maintenant qu'il va sur ses quatre vingt printemps, il ne le soigne plus que par plaisir, il ne cultive plus que des fleurs, surtout des roses.
Un jour, bien avant la naissance de Gilles, alors qu'il faisait de la pomme de terre, de la carotte, du poireau et autres légumes et qu'il allait sur les marchés trois fois par semaines, il a retrouvé un rouge à lèvres dans ses bottes de radis. La semaine suivante, en rendant l'étui à sa propriétaire, il s'est aperçu qu'elle était jolie et bien aimable. Elle a rougi de plaisir quand il lui a rendu son bien et lui a souri. La semaine suivante il l'a attendue avec impatience. Il lui avait confectionné un bouquet avec des herbes aromatiques et les premières roses de son jardin.
La demoiselle rougissante accepta le présent avec un grand sourire. Et le suivant, et celui d'après et encore d'après jusqu'à venir partager la vie du jardinier amoureux. Ensemble dorénavant ils plantaient, semaient, binaient, sarclaient, buttaient. Ensemble ils installaient leur étal au milieu du boulevard.
Et puis, peu à peu, les roses sont apparues au jardin, d'abord en bout de rang puis en parterres, en pergolas, des parfumées, des grimpantes, des arbustives, des remontantes, des lianes... les légumes ont cédé la place. Des fleurs de toutes sortes sont venues complétées le tableau. Les bancs ont invité les promeneurs à se poser et à admirer et le linge qui séchait dehors a disparu remplacé par les noisetiers.
Gilles s'est marié et des petits enfants sont venus apprendre à cultiver les roses. Pour eux, il a gardé tout un carré de fraisiers et pour celle dont il n'a jamais cessé d'être amoureux, il a conservé des rangs de radis qu'il sème et soigne amoureusement.
ce trésor dans les radis a un petit goût de paradis...
RépondreSupprimerBienvenue à toi sur ce site, Brizou :)
Rien que la première phrase est une belle invitation !
RépondreSupprimerMerci Tisseuse et merci K de votre bienveillance...
RépondreSupprimerC'est tellement joli et très apaisant aussi! J'ai beaucoup aimé ;-)
RépondreSupprimervoilà une belle histoire... Je me demandais bien comment tu allais placer le linge mais finalement tu as bien mené l'affaire.
RépondreSupprimerJe te souhaite bienvenue chez nous.
Une histoire saisissante de...naturel, qui fait du bien et donne envie d'aller retourner la terre !
RépondreSupprimerEncore merci à vous tous pour vos sympathiques commentaires.
RépondreSupprimerMais hier j'avais écrit un commentaire ! Pfffuit : il a disparu.
RépondreSupprimerJuste j'ai trouvé ton histoire très belle et ce jardin extraordinaire.
En occitan, ton pseudo veut dire "petit bout". ;-)
Ah c' est beau l' amour ... cependant, mon oreille interne semble indisposée par l' olfaction de ces cochonneries que l' on nomme "fleurs", je titube soudain et mon cœur bat de traviole. Aussi, je kiffe les senteurs du boulevard. Aaah la belle exhalaison du pot d' échappement ( celle du vieux scooter pourrit est merveilleuse ), la crotte de chien où j'aime poser fébrilement le pied gauche qui me portera bonheur est terrible. Ainsi, tu comprendra certainement que je désapprouve ton texte, en lui trouvent une certaine délicatesse élégante !8o))
RépondreSupprimer@ Marité, merci, j'apprend quelque chose avec ta traduction de Brizou et @ Stouf, Ouf, heureusement qu'ils ont passé une bonne partie de leur vie à faire le marché au milieu du boulevard. Là se mêlaient l'odeur piquante des poireaux et celle non moins piquante des pots d'échappement, le bruit du métro et les conversations des chalands... avant de rentrer dans l'enfer de leur jardin de roses.
RépondreSupprimerEt quand Gilles ramène sa fraise, le texte s'envole pour faire péter la pluie sur tout ce Beau Monde. J'ai savouré ce moment fluide en mode béat. Merci, Brizou ♥
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