Le Haut et le Bas
Extirpée pour un temps de son obscur logis, la Cave un jour
vint trouver le Grenier et lui dit :
- Vous dont le front touche aux nuages, et qui du
monde et ses lumières voyez toute l’image, sachez que ce regard si haut placé
ne nous est pas donné à nous les Caves, et nous ne savons rien du jour qui -
dit-on - alternerait avec la nuit. Ainsi, je serais très heureuse si vous pouviez
m’entretenir de ces merveilles.
- Et que vous fait ceci, répondit le Grenier, demeurez
donc en bas et ne vous souciez point du haut ! Car voyez-vous, ici, on est
élevé en tout et l’on ne tient que propos supérieurs. Des astres familiers, des
étoiles et du ciel vous ne sauriez rien comprendre, retournez donc sous terre
et ne nous ennuyez pas de vos pauvres discours.
La cave, bouche bée, ne sachant que répondre au malotru,
préféra se taire et rejoignit, tête basse, ses profondeurs familières.
Or il advint que la Terre, lasse des immobilités,
voulut faire quelque exercice, et se mit à trembler. Terrifié, perdant déjà ses
tuiles, le Grenier en appela à l’hospitalité de la Cave qui, elle, ressentait
bien quelque chatouillis en ses bas fondements, mais n’en était guère
incommodée.
- Vous tremblez, je le regrette, lui répondit la Cave,
mais ne vous souciez donc point de nos affaires. Vous ne sauriez nouer de
relation avec plus bas que vous, et ne comprendriez rien à notre morne et
sombre vie, trop loin de cette lumière qui vous va si bien ; vous, nobles
gens du haut.
Sur ces entrefaites, le Grenier s’écroula.
une fable dans la grande tradition, écrite dans une langue superbe
RépondreSupprimerMerci beaucoup Emma.
RépondreSupprimerC'est excellent et réjouissant.
RépondreSupprimerBizarre que ce grenier me fasse penser à tant d'éditocrates de la macronie.
Pourvu que la fin soit celle que nous lisons ici :-)
Un texte édifiant et très bien écrit
RépondreSupprimerMerci beaucoup Antoine !
SupprimerMerci beaucoup Mister K, je vois en effet que l'inspiration, reine quand elle est là, chienne quand elle n'est plus, m'a poussé jusque là à mon insu, et certains (sur mon blog je crois) ont aussi cité l'effondrement récent du quartier de Marseille.
RépondreSupprimerEspérons cependant une fin pacifique à cette actualité.
Si haut que vous soyez placés, ce sont les murs du bas qui vous soutiennent. ];-D
RépondreSupprimerAh, ben, le voilà l'aphorisme de fin qu'un ami me demandait d'ajouter sur mon blog, disant que La Fontaine l'aurait fait !
RépondreSupprimerBravo et merci.
Comme quoi, les obscurs prennent quelquefois le dessus sur les jupitériens. En vérité, je vous le dis : il y a toujours un coin de morale ici bas. Bien vu JCP !
RépondreSupprimerMerci Marité, j'ai pas osé aller à Toulouse aujourd'hui, mais j'espère que celles et ceux qui y étaient, comme à Paris ou ailleurs, seront "entendus" par les Hauteurs Cosmiques malgré les années-lumière qui les séparent.
RépondreSupprimerje ne peux que surenchérir au commentaire de Emma : quelle superbe fable !
RépondreSupprimeret je rajoute, à l'instar de Andiamo : qui serions-nous sans nos fondations ?
Merci beaucoup Tisseuse,
RépondreSupprimeron ne bâtit rien de sûr sans fondations solides.