mercredi 5 décembre 2018

Vegas sur sarthe - Le chemin de l'école

La station Dubonnet

En quittant mon cm2, le chemin boueux et les petits branleurs pour rejoindre le bahut et ses grands boutonneux je pensais y gagner au change mais c'était sans compter sur l'idée tordue de mes vieux de m'envoyer à Paname « poursuivre mes études » comme ils disaient .
Moi qui poursuivais surtout les filles avec les petits branleurs de cm2 qu'avais je fait pour mériter ça ?
Je croyais avoir fait tout qu'est-ce-qu'y-fallait : j'avais porté chaque jour la blouse – grise pour les branleurs et rose pour les filles – j'avais écouté les leçons de morale du genre « l'eau froide et l'air pur sont les deux meilleurs médecins» , j'avais sifflé mon verre de lait à 4 heures depuis qu'en 56 le ministre de l'Education Nationale nous avait interdit l'alcool à l'école...

Ah ! Fallait pas être superstitieux déjà à l'époque pour emprunter la ligne 13.
Place de Clichy, Dubo... Dubon... Dubonnet, Saint Lazare.
A certains moments ça se traînait tellement que j'aurais pu descendre à Dubonnet, mais j'avais rien à y faire et je craignais l'avoinée en rentrant à la maison malgré mes 13 ans.
Parait qu'il y en a qui l'avaient fait et qui n'étaient jamais ressortis du tunnel !
En dépit des trous de seconde classe qu'infligeait ce chameau de poinçonneur à ma carte hebdromadaire, je prenais un malin plaisir à me vautrer dans le wagon rouge réservé aux premières jusqu'à ce qu'un contrôleur vicieux me vire à coups de pompe dans le cul.
A propos de mon cul, j'avais troqué la jupe définitivement trop courte de ma grande sœur pour un futal en velours côtelé, non pas que je craigne le pince-fesses car j'avais un coup de genou ravageur mais il était bien adapté au sport national qu'était le saut de portillon automatique.

On arrivait enfin à Saint-Lazare - sans crier gare, comme disait mon vieux en se bidonnant vu qu'il allait bosser à vélo - dans une bousculade indescriptible où s'affrontaient parigots, banlieusards et « provinciaux ».
Je me suis souvent réfugiée au flanc des distributeurs de confiserie pour éviter le ressac ; j'en profitais pour trifouiller le mécanisme à la recherche d'un bonbec oublié.
J'étais persuadée que je n'allais pas survivre longtemps à ce traitement bi-hebdromadaire mais l'annonce inespérée qu'on allait pouvoir arrêter l'école à 14 ans me remit du baume au cœur.
Le printemps approchait et il ne me restait plus que quelques mois de bagarre acharnée avant la délivrance.
Avec un air grave mes vieux m'avaient parlé d'un centre d'apprentissage à Fresnes comme on évoquerait le quartier de haute sécurité pour un petit délinquant.
Je pourrais y apprendre le travail sur bois, la chaudronnerie ou encore la coiffure.
La coiffure... ça paraissait bien ça, je ne me lassais jamais de tirer les cheveux des filles.

8 commentaires:

  1. Je prenais la ligne 5 à 14 ans, maintenant j'ai monté en grade, je prends la ligne 13, au retour ne pas "fourcher" de travers ! ];-D

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  2. des souvenirs refluent avec ton texte empreint d'humour poétique et réaliste...
    moi j'avais la ligne 3 à Lyon, le trolley on disait et d'autres prenaient la vieille" ficelle"... avec le sourire

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    1. Content qu'en m'inventant des souvenirs, j'en réveille de vrais chez les lecteurs !

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  3. N'ayant jamais vécu à Paris, j'ai découvert il y a quelques années les affres de la ligne 13 du fait d'une semaine de stage de danse pour ma fille alors qu'elle était jeunette ! et j'en ai des souvenirs cuisants :(
    j'ai alors compris ce que c'était que d'être serrés comme sardines en boite :(

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    1. Difficile d'être nostalgique des boîtes à sardines :)

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  4. Bien sûr que ce n'est pas Vegas qui relate ici ses souvenirs ! C'est une bestiole asexuée, petit branleur en jupe à fleurs...de sa sœur.

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  5. j'ai pas tout compris ce matin, je dois avoir la comprenette bouchée et effectivement ça me perturbe de ne pas savoir qui raconte, une fille ou un garçon ?
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  6. Cette féminitude t'honore, cher vieux sacripant ! Merci, Cindy, t'es cro' fort !!

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