La
station Dubonnet
En
quittant mon cm2, le chemin boueux et les petits branleurs pour
rejoindre le bahut et ses grands boutonneux je pensais y gagner au
change mais c'était sans compter sur l'idée tordue de mes vieux de
m'envoyer à Paname « poursuivre mes études » comme ils
disaient .
Moi
qui poursuivais surtout les filles avec les petits branleurs de cm2
qu'avais je fait pour mériter ça ?
Je
croyais avoir fait tout qu'est-ce-qu'y-fallait : j'avais porté
chaque jour la blouse – grise pour les branleurs et rose pour les
filles – j'avais écouté les leçons de morale du genre « l'eau
froide et l'air pur sont les deux meilleurs médecins» , j'avais
sifflé mon verre de lait à 4 heures depuis qu'en 56 le ministre de
l'Education Nationale nous avait interdit l'alcool à l'école...
Ah !
Fallait pas être superstitieux déjà à l'époque pour emprunter la
ligne 13.
Place
de Clichy, Dubo... Dubon... Dubonnet, Saint Lazare.
A
certains moments ça se traînait tellement que j'aurais pu descendre
à Dubonnet, mais j'avais rien à y faire et je craignais l'avoinée
en rentrant à la maison malgré mes 13 ans.
Parait
qu'il y en a qui l'avaient fait et qui n'étaient jamais ressortis du
tunnel !
En
dépit des trous de seconde classe qu'infligeait ce chameau de
poinçonneur à ma carte hebdromadaire, je prenais un malin plaisir à
me vautrer dans le wagon rouge réservé aux premières jusqu'à ce
qu'un contrôleur vicieux me vire à coups de pompe dans le cul.
A
propos de mon cul, j'avais troqué la jupe définitivement trop
courte de ma grande sœur pour un futal en velours côtelé, non pas
que je craigne le pince-fesses car j'avais un coup de genou ravageur
mais il était bien adapté au sport national qu'était le saut de
portillon automatique.
On
arrivait enfin à Saint-Lazare - sans crier gare, comme disait mon
vieux en se bidonnant vu qu'il allait bosser à vélo - dans une
bousculade indescriptible où s'affrontaient parigots, banlieusards
et « provinciaux ».
Je
me suis souvent réfugiée au flanc des distributeurs de confiserie
pour éviter le ressac ; j'en profitais pour trifouiller le
mécanisme à la recherche d'un bonbec oublié.
J'étais
persuadée que je n'allais pas survivre longtemps à ce traitement
bi-hebdromadaire mais l'annonce inespérée qu'on allait pouvoir
arrêter l'école à 14 ans me remit du baume au cœur.
Le
printemps approchait et il ne me restait plus que quelques mois de
bagarre acharnée avant la délivrance.
Avec
un air grave mes vieux m'avaient parlé d'un centre d'apprentissage à
Fresnes comme on évoquerait le quartier de haute sécurité pour un
petit délinquant.
Je
pourrais y apprendre le travail sur bois, la chaudronnerie ou encore
la coiffure.
La
coiffure... ça paraissait bien ça, je ne me lassais jamais de tirer
les cheveux des filles.
Je prenais la ligne 5 à 14 ans, maintenant j'ai monté en grade, je prends la ligne 13, au retour ne pas "fourcher" de travers ! ];-D
RépondreSupprimerdes souvenirs refluent avec ton texte empreint d'humour poétique et réaliste...
RépondreSupprimermoi j'avais la ligne 3 à Lyon, le trolley on disait et d'autres prenaient la vieille" ficelle"... avec le sourire
Content qu'en m'inventant des souvenirs, j'en réveille de vrais chez les lecteurs !
SupprimerN'ayant jamais vécu à Paris, j'ai découvert il y a quelques années les affres de la ligne 13 du fait d'une semaine de stage de danse pour ma fille alors qu'elle était jeunette ! et j'en ai des souvenirs cuisants :(
RépondreSupprimerj'ai alors compris ce que c'était que d'être serrés comme sardines en boite :(
Difficile d'être nostalgique des boîtes à sardines :)
SupprimerBien sûr que ce n'est pas Vegas qui relate ici ses souvenirs ! C'est une bestiole asexuée, petit branleur en jupe à fleurs...de sa sœur.
RépondreSupprimerj'ai pas tout compris ce matin, je dois avoir la comprenette bouchée et effectivement ça me perturbe de ne pas savoir qui raconte, une fille ou un garçon ?
RépondreSupprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Cette féminitude t'honore, cher vieux sacripant ! Merci, Cindy, t'es cro' fort !!
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