Un homme d'un certain âge marchait lentement dans
une ville. Il regardait autour de lui comme s'il voulait pouvoir se
souvenir de chaque visage croisé, de chaque vitrine aperçue, de chaque
sentiment éprouvé. Dans quelques instants, il y serait. Et puis, c'était un
lundi après-midi, il s'est assis sur un banc tout près de l’endroit où il avait
rendez vous dans le quart d’heure à venir. Il avait toujours tellement peur de
passer à côté des choses qu'il était, le plus souvent, en avance à ses rendez
vous. Quels qu’ils soient. Celui là, il l'attendait depuis, environ, deux
semaines. Soit quinze jours à ne penser qu’à lui, à ne vivre que pour lui, à
n'avoir que lui en tête. Celle qui lui avait donné, il s'en souvenait
précisément, était plutôt jolie, rousse aux cheveux très courts, avec de grands
yeux verts clairs et une voix posée, assurée, enveloppante et rassurante, si rassurante.
Quinze jours à en rêver, à s’en réveiller la
nuit, à n’en plus pouvoir se rendormir.
Enfin, il y était. Presque.
Nous étions en début d’après midi, début
d’automne… Que des débuts quoi.
L’atmosphère était sereine, l’air était doux. Les
feuilles des platanes de l’avenue commençaient à roussir gentiment, quelques
unes se détachaient de leurs branches et s'amoncelaient à venir en encombrer
les caniveaux.
Si, en plein soleil on ressentait la chaleur de
cette lumière éclatante, on sentait bien une fraicheur nouvelle qu’on
avait fait semblant d’oublier.
On le voyait aux vêtements portés sur les
trottoirs. Pour les femmes, finies les jupes ou les robes légères, les
chemisiers à manches courtes et les sandales à brides fines, les premiers
manteaux étaient sortis des armoires et, ici et là, quelques paires de bottes
commençaient à arpenter les bitumes. Pour les hommes rien ne changeait ou presque,
ils continuaient de s’habiller n’importe comment. L’été faisait comme si, mais
personne n’était dupe, on était en train de changer de monde. Les jours avaient
déjà considérablement raccourci et, désormais, il n’était pas si rare
d’assister au coucher du soleil en rentrant chez soi. On marchait encore dans
les rues à l’heure où le miracle se produisait. Les terrasses se
désertaient un peu plus tôt chaque soir et le pas des gens s’était accéléré. On
entrait dans une saison où on ne trainait plus.
Il s'est assis sur le banc d’en face pour vivre
pleinement l’instant, pour profiter de ces minutes sans rien, pour se réjouir
de la lumière si tranchante, de la douceur encore confortable, du ciel sans
nuage, de ces minutes de paix après ces dernières semaines si éprouvantes.
Si nous allions basculer dans une autre époque,
il allait, lui aussi franchir une étrange frontière.
C'est ainsi
qu'en début de semaine, un homme s'est assis sur un banc, à la croisée de ses
chemins, pas très loin de l’endroit où il avait rendez vous pour... sa
première chimio.
Où lire Chri
Où voir ses photos
tellement juste !
RépondreSupprimercombien ce moment que tu décris va parler, hélas, au plus grand nombre, concernés de près ou par des très proches...
Concernés ou pas, on ne peut qu'être touché par tes mots simples et mélancoliques. Une saison s'éteint et l'autre plus rude s'installe sournoisement comme cette saloperie qui vient juste de toucher ma famille depuis... hier :(
RépondreSupprimerpar le truchement d'ici, je t'envoie mille bonnes pensées, à toi et aux tiens
SupprimerAu-delà du sujet, du suspense entretenu sur ce premier "rendez-vous", comme est bien décrite l'imprégnation par le "décor" de certains jours importants de la vie. Oui, un texte juste et touchant, sensible et intelligent, tout en petites touches
RépondreSupprimer@ Vegas Courage et bataille à vous.
RépondreSupprimerMerci Chri
Supprimerje vis cela en ce moment (ma douce), mais tout est en train de rentrer en ordre grâce à des médecines douces et spécifiques (acupuncture, produits naturels et bio, naturopathie, kiné ...) qui sont extrêmement efficaces et qui accompagnent les produits chimiques violents parfois des chimio ...
RépondreSupprimer@ Arpenteur: Courage et lutte armée à vous deux aussi...
RépondreSupprimerMerci Chri
RépondreSupprimerles chimio sont terminées et désormais, tout va bien !! :o)
sacré texte! Ça marque pour longtemps!
RépondreSupprimerstouf (dit le crabe)
RépondreSupprimerImagine le stouf qu'est sur une plage bretonne en 1976 et il chope un crabe qui lui pince les c... Aîe,ça fait mal ! Alors on l'enmène chez Gustave Roussy dans une ville qui s'appelle Villejuif (ça tombe bien il est juif aussi). Comme il n'a que treize ans on l'installe à l'étage où c'est que y a plein d'enfants qu'ont pas de cheveux (il perdra les siens aussi mais...ça repousse aprés). Là,y a christine,une ado qu'est trés belle et qui le rassure parce qu'il a un peu peur des gens en blouze blanche. Par la suite ils vont vivre le restant de leurs vie ensemble (sans avoir d'enfant,à cause du vieu crabe). Tu penses bien que ce vieu gamin...il sait bien quoi c'est que la croisée des chemins.
Le crabe de l'histoire est moins facétieux que celui de stouf ^^
RépondreSupprimerMais ton texte est magnifique.
¸¸.•*¨*• ☆
Après avoir tout lu, je ne sais plus très bien si je veux commenter le texte ou les commentaires du texte.
RépondreSupprimerEn terminant la lecture (du texte), j'ai croisé les doigts, espérant et me disant "pourvu que ce ne soit pas une histoire vraie...". Parce que le texte, sans même considérer la fin, est d'une réelle beauté.
Quant aux commentaires qui précèdent le mien: Je ne sais pas si ça passe aussi par internet, mais je me permets d'envoyer plein d'ondes positives.
@ Minsky Merci à vous.
RépondreSupprimerPS: "Ça" passe!
@ Célestine: Merci. Merci.
RépondreSupprimerla force des mots, au delà des chemins, dans la dure réalité de la vie...
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