9 secondes 57
A cause du décalage horaire, j’avais dû mettre le réveil. Je ne voulais pas rater la finale du 100 mètres. Je descendis sans bruit l’escalier et regardai par la fenêtre en bâillant. Le jour était dans les starting-blocks. La cendrée de la voie lactée avait pâli. Le vent sautait avec force les haies et les ombres des arbres. Perchés sur les fils électriques, les étourneaux s’étaient rassemblés pour commenter bruyamment la course et rédiger leurs papiers pour L’Équipe, d’une plume irisée. Il y avait du record dans l’air.
J’allumai la télévision. Les sprinters, concentrés, saluaient la foule chacun leur tour, tandis qu’au-dessus du stade, le soleil traversait l’ovale du ciel comme le jet d’un discobole. Au coup de pistolet du starter, les moineaux friquets et les pom-pom girls s’envolèrent comme des confettis et les coureurs s’élancèrent. Je m’attardai un moment, le temps de voir qu’il n’y avait pas eu faux départ, puis je pris le couloir numéro 8, et, me rabattant à la corde, j’arrivai à la cuisine, où je me fis un café.
Un rayon de soleil entra et s’ébouriffa comme un pinson sur le carrelage. Je sortis dans le jardin. Un rouge-gorge familier jouait à la marelle avec les taches mouvantes du soleil sous le pommier. Des mésanges pelucheuses rebondissaient dans l’herbe comme des balles de tennis. C’est à ce moment que le printemps arriva, faisant crisser les pneus de sa camionnette sur le gravier de l’allée, et commença de décharger des plants de jacinthes, crocus, jonquilles et tulipes, pour remplacer les perce-neiges, qui venaient de déclarer forfait.
Une barrière dont la peinture s’écaille clôt le jardin. De l’autre côté de la route s’étend une prairie où nichent des cailles des blés. Plus loin, les geais cajolent et tracent des éclairs bleus à la lisière de la forêt. J’entendis un coucou chanter dans un massif de chênes et rentrai dans la maison. Des biches et des faons s’étaient installés dans les gradins du papier peint de la salle à manger, qui se trouve juste à l’orée du salon. Sur le buffet en chêne massif, le coucou lança son cri d’appel. L’heure tournait, comme un coureur de demi-fond autour d’un stade.
Ma femme m’avait fait promettre de la réveiller pour l’arrivée de la course. En traversant le salon plein de clameurs, je jetai un coup d’œil au poste. Les coureurs faisaient des foulées formidables, plus longues que le canapé sur lequel je me gave de sport. A ce train, ils ne tarderaient plus. Je grimpai l’escalier et entrai dans la chambre. J’admirai ses cheveux, bouclés comme les anneaux olympiques. Entre deux tentatives au saut à la perche, un carreau de soleil se reposait sur sa joue adorable.
Je m’allongeai près d’elle pour la cajoler, et après quelques massages et étirements en guise d’échauffement, nous quittâmes nos survêtements et pénétrâmes sur la piste. A la fenêtre, une branche de cerisier fit la ola, et le merle noir siffla. Sans nous vanter, ce que nous accomplîmes ce matin-là entrera certainement dans les dix meilleures performances de l’année. Je crois même que… mais attendons le ralenti pour être sûrs, nous aurons l’occasion d’y revenir à la conférence de presse.
Et les coureurs dans tout ça ? Nous prîmes une douche rapide, enfilâmes nos peignoirs au vestiaire et dévalâmes l’escalier à petites foulées. Eh bien, ils approchaient. Si l’on se fiait aux temps intermédiaires, le record du monde était à portée. Il allait falloir fêter ça. Je descendis à la cave chercher une bouteille de vieux marc que je gardais pour l’occasion, et sortis deux petits verres à liqueur du buffet. Puis nous nous installâmes confortablement pour regarder l’arrivée, mais à l’instant précis où nous nous assîmes, le speaker cria : « Record du monde ! 9 secondes 57 ! » Déjà ! Le temps était passé si vite !
A cause du décalage horaire, j’avais dû mettre le réveil. Je ne voulais pas rater la finale du 100 mètres. Je descendis sans bruit l’escalier et regardai par la fenêtre en bâillant. Le jour était dans les starting-blocks. La cendrée de la voie lactée avait pâli. Le vent sautait avec force les haies et les ombres des arbres. Perchés sur les fils électriques, les étourneaux s’étaient rassemblés pour commenter bruyamment la course et rédiger leurs papiers pour L’Équipe, d’une plume irisée. Il y avait du record dans l’air.
J’allumai la télévision. Les sprinters, concentrés, saluaient la foule chacun leur tour, tandis qu’au-dessus du stade, le soleil traversait l’ovale du ciel comme le jet d’un discobole. Au coup de pistolet du starter, les moineaux friquets et les pom-pom girls s’envolèrent comme des confettis et les coureurs s’élancèrent. Je m’attardai un moment, le temps de voir qu’il n’y avait pas eu faux départ, puis je pris le couloir numéro 8, et, me rabattant à la corde, j’arrivai à la cuisine, où je me fis un café.
Un rayon de soleil entra et s’ébouriffa comme un pinson sur le carrelage. Je sortis dans le jardin. Un rouge-gorge familier jouait à la marelle avec les taches mouvantes du soleil sous le pommier. Des mésanges pelucheuses rebondissaient dans l’herbe comme des balles de tennis. C’est à ce moment que le printemps arriva, faisant crisser les pneus de sa camionnette sur le gravier de l’allée, et commença de décharger des plants de jacinthes, crocus, jonquilles et tulipes, pour remplacer les perce-neiges, qui venaient de déclarer forfait.
Une barrière dont la peinture s’écaille clôt le jardin. De l’autre côté de la route s’étend une prairie où nichent des cailles des blés. Plus loin, les geais cajolent et tracent des éclairs bleus à la lisière de la forêt. J’entendis un coucou chanter dans un massif de chênes et rentrai dans la maison. Des biches et des faons s’étaient installés dans les gradins du papier peint de la salle à manger, qui se trouve juste à l’orée du salon. Sur le buffet en chêne massif, le coucou lança son cri d’appel. L’heure tournait, comme un coureur de demi-fond autour d’un stade.
Ma femme m’avait fait promettre de la réveiller pour l’arrivée de la course. En traversant le salon plein de clameurs, je jetai un coup d’œil au poste. Les coureurs faisaient des foulées formidables, plus longues que le canapé sur lequel je me gave de sport. A ce train, ils ne tarderaient plus. Je grimpai l’escalier et entrai dans la chambre. J’admirai ses cheveux, bouclés comme les anneaux olympiques. Entre deux tentatives au saut à la perche, un carreau de soleil se reposait sur sa joue adorable.
Je m’allongeai près d’elle pour la cajoler, et après quelques massages et étirements en guise d’échauffement, nous quittâmes nos survêtements et pénétrâmes sur la piste. A la fenêtre, une branche de cerisier fit la ola, et le merle noir siffla. Sans nous vanter, ce que nous accomplîmes ce matin-là entrera certainement dans les dix meilleures performances de l’année. Je crois même que… mais attendons le ralenti pour être sûrs, nous aurons l’occasion d’y revenir à la conférence de presse.
Et les coureurs dans tout ça ? Nous prîmes une douche rapide, enfilâmes nos peignoirs au vestiaire et dévalâmes l’escalier à petites foulées. Eh bien, ils approchaient. Si l’on se fiait aux temps intermédiaires, le record du monde était à portée. Il allait falloir fêter ça. Je descendis à la cave chercher une bouteille de vieux marc que je gardais pour l’occasion, et sortis deux petits verres à liqueur du buffet. Puis nous nous installâmes confortablement pour regarder l’arrivée, mais à l’instant précis où nous nous assîmes, le speaker cria : « Record du monde ! 9 secondes 57 ! » Déjà ! Le temps était passé si vite !
J'aime beaucoup la façon « athlétique » dont tu décris la nature, la cendrée de la voie Lactée et les arbres qui font la ola.
RépondreSupprimerGéniale, cette histoire !
¸¸.•*¨*• ☆
en 9 secondes 57 tu as profité très largement du temps du 100 m ... il est possible que le décalage horaire t'a aidé un peu :o)
RépondreSupprimerIl y a comme un air de reggae dans cet exercice frénétique et matinal.
RépondreSupprimerJoli traitement du sujet, Bricabrac
C'est sportivement magnifique! Que de temps gagné finalement! J'aime particulièrement le rouge gorge jouant à la marelle ...
RépondreSupprimerLa solitude du coureur de fonds... De bouteilles ];-D
RépondreSupprimerJe suppose que c'est le coucou qui a donné le signal du départ ? :-)
RépondreSupprimerJ'imagine bien les Birds sur leur fil,commentant la course. Ça les change des bêtises qu'ils racontent habituellement.
Belles images. Et j'attends avec impatience le camion du printemps.
J'aime bien la chute.
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