C’était comme un étroit et long couloir enfumé. Nous y passions une bonne partie de nos journées.
Nous y allions quand nous séchions, quand un prof était absent, quand nous avions une heure à perdre, avant d’aller en cours, en en sortant, en début de journée, en fin. Nous avions notre table, vers le fond, un peu plus sombre que sur la rue et nous ne buvions que des cafés parce qu’ils coutaient moins cher que le reste. Nous tutoyions le serveur et nous faisions la bise à la patronne qui avait fini par nous aimer bien.
Nous y sommes entrés les premières fois vers la fin du premier trimestre de seconde et nous avons persévéré jusqu’en Juin de l’année du bac, soit pendant quatre longues années. Oui, quatre, certains d’entre nous ayant échoué au premier passage. Nous y avions rendez-vous et une fois installés, nous nous adonnions à l’art de perdre notre temps, en ne refaisant rien d’autre que le monde, mais tout le monde. Nous parlions, nous riions, nous y recopions les cours que nous n’avions pas pris, nous révisions nos colles, nous y terminions nos devoirs et nous y finissions d’apprendre les leçons. Nous nous y aimions, aussi, parfois, nous nous y embrassions sur les banquettes de cuir rouge, vaguement dissimulés par la fumée des clopes des autres tables et nous nous y disputions comme des chiffonniers. En vrai, ce ventre enfumé nous était un sas, un sas avant la vraie vie, avant celle qui nous attendait à la sortie du Lycée, un boyau de passage entre l’adolescence et l’âge adulte que nous traversions en bande pour avoir moins froid. Là dedans, nous nous sentions moins seuls, davantage armés, protégés par les présences, la chaleur, l’amitié et les rires des autres, de ceux du clan. Nous y perdions notre temps, mais nous en avions tant devant nous à cette période de nos vies. Au fond, il ne comptait pas, il n’était pas un personnage, il n’était rien, il s’étirait même en longueurs dans des après midis sans fin, nous ne nous rendions pas encore compte qu’il passait. Si vite.
Le ventre, notre antre s’appelait : Le temps perdu. Il a disparu.
Il est devenu un fast-food. Et nous, les vieux épais que nous fustigions, ceux dont nous nous moquions maintenant pressés par ce temps qui défile à pleine allure et les heures qui nous vieillissent, nous rabotent et nous minent minute après minute en nous poussant inexorablement aux fesses, vers la fin. Vers l’éternité.
A nous, désormais, d’être effrayés par le peu qui nous reste, par la fin qui s’amène.
A nous de n’être pas si loin, déjà, d’en avoir un paquet à perdre…
Nous y allions quand nous séchions, quand un prof était absent, quand nous avions une heure à perdre, avant d’aller en cours, en en sortant, en début de journée, en fin. Nous avions notre table, vers le fond, un peu plus sombre que sur la rue et nous ne buvions que des cafés parce qu’ils coutaient moins cher que le reste. Nous tutoyions le serveur et nous faisions la bise à la patronne qui avait fini par nous aimer bien.
Nous y sommes entrés les premières fois vers la fin du premier trimestre de seconde et nous avons persévéré jusqu’en Juin de l’année du bac, soit pendant quatre longues années. Oui, quatre, certains d’entre nous ayant échoué au premier passage. Nous y avions rendez-vous et une fois installés, nous nous adonnions à l’art de perdre notre temps, en ne refaisant rien d’autre que le monde, mais tout le monde. Nous parlions, nous riions, nous y recopions les cours que nous n’avions pas pris, nous révisions nos colles, nous y terminions nos devoirs et nous y finissions d’apprendre les leçons. Nous nous y aimions, aussi, parfois, nous nous y embrassions sur les banquettes de cuir rouge, vaguement dissimulés par la fumée des clopes des autres tables et nous nous y disputions comme des chiffonniers. En vrai, ce ventre enfumé nous était un sas, un sas avant la vraie vie, avant celle qui nous attendait à la sortie du Lycée, un boyau de passage entre l’adolescence et l’âge adulte que nous traversions en bande pour avoir moins froid. Là dedans, nous nous sentions moins seuls, davantage armés, protégés par les présences, la chaleur, l’amitié et les rires des autres, de ceux du clan. Nous y perdions notre temps, mais nous en avions tant devant nous à cette période de nos vies. Au fond, il ne comptait pas, il n’était pas un personnage, il n’était rien, il s’étirait même en longueurs dans des après midis sans fin, nous ne nous rendions pas encore compte qu’il passait. Si vite.
Le ventre, notre antre s’appelait : Le temps perdu. Il a disparu.
Il est devenu un fast-food. Et nous, les vieux épais que nous fustigions, ceux dont nous nous moquions maintenant pressés par ce temps qui défile à pleine allure et les heures qui nous vieillissent, nous rabotent et nous minent minute après minute en nous poussant inexorablement aux fesses, vers la fin. Vers l’éternité.
A nous, désormais, d’être effrayés par le peu qui nous reste, par la fin qui s’amène.
A nous de n’être pas si loin, déjà, d’en avoir un paquet à perdre…
On a tous dans l'cœur une petite fille oubliée
RépondreSupprimerUne jupe plissée queue d'cheval à la sortie du lycée
Chouettes souvenirs d'adolescence, on a tous connu un bar-refuge entre l'enfance et l'âge adulte.
J'adore ton texte ! Merci pour cette plongée agréable dans le passé.
¸¸.•*¨*• ☆
Merci Célestine!
Supprimernous avons tous connu un bar, un café (pour moi c'était "chez Daniel" à côté de l'institution Saint Marie) ou nous allions première et terminale, ne rien faire sinon parler et rire, filles et garçons ... ton texte est tellement vrai :)
RépondreSupprimerMerci l'Arpenteur!
SupprimerUn texte nostalgique et tendre sur l'adolescence et la vieillesse. J'aime beaucoup.
RépondreSupprimerQuand on était pensionnaire, pas de bar mais toujours un coin de cour pour refaire le monde.:-)
C'était ça l'important, le refaire.... Souvent, e me dis qu'il aurait fallu s'y mettre encore davantage!
SupprimerC'était bien c'était chouette, dans le brouillard des cigarettes, qui vous cachait la vie... Pas toujours chouette ];-D
RépondreSupprimerSensas! Qui n'y a pas traîné ses fesses à y écouter les Stones ou Dylan ?
RépondreSupprimerOui, Vegas, qui? Et puis l'avenir pour ces jeunes à cette "époque" était sans doute moins anxiogène que maintenant!
SupprimerAvec ton aventure, un moment,tu es arrivée à suspendre le temps pendant son vol; celui que les moins de vingt ans ne peuvent pas comprendre...
RépondreSupprimerMerci Pascal! Je suis arrivé vous voulez écrire... :-)
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