Il a pris une grande inspiration, il a bloqué tout l’air englouti dans ses deux malheureux petits poumons à peu près celui de la ville, et il franchi la porte, aveuglé, à la fois par le soleil qui l’a frappé en pleine face et par la honte qui l’a, d’un coup, submergé.
Paul s’est retrouvé seul dans la cour de l’école qui faisait comme un grand rectangle ceint de murs, dix minutes avant la récréation de dix heures. Six vieux marronniers taillés de près y donnaient au printemps une ombre protectrice, en automne des projectiles parfaits mais là, on était en février et pas une feuille sur aucune branche, pas un marron dans aucune poche. Dans les classes au-dessus, les autres pouvaient plonger leurs regards sur lui. Sans les voir, surtout parce qu’à cet instant il ne regardait que ses pieds, il les a sentis s’agglutiner aux fenêtres et sans les entendre il a su qu’ils commençaient à rire de lui. Paul a fait les premiers pas, les mains sur la tête comme elle le lui avait ordonné. Enfin, les premiers pas, il fallait l’écrire vite parce qu’il ne pouvait pas vraiment s’agir de pas. Disons qu’il a avancé. Deux tours, elle avait dit. Vous m’entendez, Paul, deux tours complets et ne trichez pas. Je vous surveille. Elle l’avait vouvoyé. Oui, en ce temps là on pouvait vouvoyer les élèves mais les humilier, aussi.
Quand elle l’avait surpris un peu plus tôt en classe en train de farfouiller sous la table, elle avait interrompu le cours, comme elle savait si bien le faire. Tout le monde craignait ça. Elle était crainte pas seulement parce qu’elle était la femme du directeur mais surtout parce qu’elle avait une réputation de sévère. De vielle vache, oui. Ça, on le disait sur le chemin du retour, quand on était loin très loin de l’école, de peur qu’elle ne nous entende. Il ne l’avait pas vue, elle était arrivée par derrière, par l’autre rangée, ils venaient de finir la dictée du matin, ils relisaient et elle soulignait les pièges probables, les fautes possibles. Il y en avait une ou deux à chaque ligne et lui n’en manquait aucune. Après ce mauvais moment, en revenant de la récré, ils avaient gym et lui, c’est ce qu’il préférait. Parce que ça bougeait, parce qu’on ne restait pas assis des heures entières, parce qu’on ne s’y ennuyait pas autant qu’avec l’autre là… Alors il avait voulu s’enlever le pantalon long en velours sous lequel il avait mis un short, justement pour la gym. C’est à cet instant qu’elle avait fondu sur lui comme une buse sur un campagnol.
Mais Paul, vous êtes malade ? Que faites vous avec votre pantalon baissé ainsi sur les chevilles pendant la correction de la dictée ? Un silence de plomb fondu avait envahi la classe, tous les regards s’étaient tournés vers lui, il avait été comme une cible sous une volée de flèches.
Mon ami, oui, elle disait mon ami mais ils n’avaient pas du tout la même conception de l’amitié. Mon ami, donc, pour votre punition vous allez me faire deux tours de cour les deux mains sur la tête et gardez donc votre pantalon sur les chevilles, ça va nous amuser. Deux tours vous m’entendez ? Que nous ayons le temps de bien rire.
Paul avait eu envie de mourir ce matin de Février.
En rentrant chez lui, il était allé dans le fond du jardin avec une boîte d’allumettes et il avait foutu le feu à son pantalon, Paul.
Paul s’est retrouvé seul dans la cour de l’école qui faisait comme un grand rectangle ceint de murs, dix minutes avant la récréation de dix heures. Six vieux marronniers taillés de près y donnaient au printemps une ombre protectrice, en automne des projectiles parfaits mais là, on était en février et pas une feuille sur aucune branche, pas un marron dans aucune poche. Dans les classes au-dessus, les autres pouvaient plonger leurs regards sur lui. Sans les voir, surtout parce qu’à cet instant il ne regardait que ses pieds, il les a sentis s’agglutiner aux fenêtres et sans les entendre il a su qu’ils commençaient à rire de lui. Paul a fait les premiers pas, les mains sur la tête comme elle le lui avait ordonné. Enfin, les premiers pas, il fallait l’écrire vite parce qu’il ne pouvait pas vraiment s’agir de pas. Disons qu’il a avancé. Deux tours, elle avait dit. Vous m’entendez, Paul, deux tours complets et ne trichez pas. Je vous surveille. Elle l’avait vouvoyé. Oui, en ce temps là on pouvait vouvoyer les élèves mais les humilier, aussi.
Quand elle l’avait surpris un peu plus tôt en classe en train de farfouiller sous la table, elle avait interrompu le cours, comme elle savait si bien le faire. Tout le monde craignait ça. Elle était crainte pas seulement parce qu’elle était la femme du directeur mais surtout parce qu’elle avait une réputation de sévère. De vielle vache, oui. Ça, on le disait sur le chemin du retour, quand on était loin très loin de l’école, de peur qu’elle ne nous entende. Il ne l’avait pas vue, elle était arrivée par derrière, par l’autre rangée, ils venaient de finir la dictée du matin, ils relisaient et elle soulignait les pièges probables, les fautes possibles. Il y en avait une ou deux à chaque ligne et lui n’en manquait aucune. Après ce mauvais moment, en revenant de la récré, ils avaient gym et lui, c’est ce qu’il préférait. Parce que ça bougeait, parce qu’on ne restait pas assis des heures entières, parce qu’on ne s’y ennuyait pas autant qu’avec l’autre là… Alors il avait voulu s’enlever le pantalon long en velours sous lequel il avait mis un short, justement pour la gym. C’est à cet instant qu’elle avait fondu sur lui comme une buse sur un campagnol.
Mais Paul, vous êtes malade ? Que faites vous avec votre pantalon baissé ainsi sur les chevilles pendant la correction de la dictée ? Un silence de plomb fondu avait envahi la classe, tous les regards s’étaient tournés vers lui, il avait été comme une cible sous une volée de flèches.
Mon ami, oui, elle disait mon ami mais ils n’avaient pas du tout la même conception de l’amitié. Mon ami, donc, pour votre punition vous allez me faire deux tours de cour les deux mains sur la tête et gardez donc votre pantalon sur les chevilles, ça va nous amuser. Deux tours vous m’entendez ? Que nous ayons le temps de bien rire.
Paul avait eu envie de mourir ce matin de Février.
En rentrant chez lui, il était allé dans le fond du jardin avec une boîte d’allumettes et il avait foutu le feu à son pantalon, Paul.
Bien écrit; petit à petit, la scène se découvre sur tous les protagonistes.
RépondreSupprimerOh la la...quelle horrible femme. En tant qu'institutrice, je souffre de lire ce que certains et certaines étaient capables de faire à une époque avec les élèves...
RépondreSupprimerPauvre petit Paul. Voilà une humiliation à jamais gravée dans sa mémoire blessée.
¸¸.•*¨*• ☆
Dans ces moments-là on regrette que la poche révolver ne soit pas chargée :)
RépondreSupprimerEt Paul lui aurait dit : "Mais Madame le froc sur les chevilles, c'est pour mieux vous servir mon enfant" ! Qui sait ce qui se serait passé ?
RépondreSupprimerQuel douloureux souvenir ! Heureusement, c'est de la fiction
RépondreSupprimeret oui, dans les temps anciens les profs ou instit n'étaient pas toujours avenants et parfois méchants ... excellente histoire en tout cas
RépondreSupprimer@ Pascal Dupont Merci!
RépondreSupprimer@ Célestine Heu ils existent encore. Moins, mais ils existent...
@ Vegas Oui ça charge le barillet pour la vie ces évènements là.
@ Bricabrac Oui, heureusement que c'est de la fiction. Ou pas...
@ L'Arpenteur Merci!
Qui a eu des idées mal placées et qui est l'innocent ? Pauvre Paul !
RépondreSupprimerQuelle cruauté. Moi, je pense que c'est une histoire vécue parce que...