Douze heures.
Douze heures que je tourne en compagnie
d’une cinquantaine d’énergumènes autour d’un pâté de
maisons cossues de ce village des Yvelines, le long d’un circuit
d’un peu plus de mille mètres. Je sais l’avoir parcouru plus de
quatre vingt dix fois depuis ce matin, et je commence à sérieusement
fatiguer.
Un peu plus de douze heures derrière
moi, un peu moins de douze heures devant, il m’est plus facile
maintenant de m’accrocher à ce reliquat en diminution constante.
Je commence à fatiguer, j’ai produit
plus d’endorphines que mon cerveau peut en absorber et la surdose
menace. La nuit a fini par tomber, chaque tour dure un peu plus
longtemps et repartir de chaque arrêt à la table de ravitaillement
est de plus en plus laborieux.
Avec la nuit, les enfants ont rangé
leur vélos et déserté les rues.
Bientôt, ce seront les échos des
soirées barbecue qui vont s’éteindre.
Bientôt, la vraie nuit de la circadie
sera là, et malgré les autres zombies du circuit, je serai de plus
en plus seul, seul avec mes idées décousues, mes ampoules, mes
tendons douloureux, et je traînerai ma foulée hasardeuse et ma
mélancolie grandissante sur ces mille trente mètres de bitume dont
je commence à connaître chaque nid de poule.
J’attends comme je redoute cette
malédiction ou ce charme de la course horaire, ce cœur de nuit où,
jusqu’à ce que le levant s’éclaircisse, je suis seul avec mes
regrets et mes espoirs, indifférent maintenant au tableau
électronique qui égrène les tours.
Fidèle – ou prisonnier – de cette
revendication de l’ultra endurance qui fait de chacun son plus
redoutable adversaire, je me perdrai dans chaque tour du circuit qui
s’est fait métaphore du tour de soi.
quelle endurance effectivement faut-il à l'humain en certaines circonstances de vie ! ici, en l’occurrence, il se crée tout seul ce genre d'obligation, de défi...mais dans le quotidien de nos vies n'en est-il pas de même à certains moments que ce que tu nous décris là...
RépondreSupprimerC'est vrai.
RépondreSupprimerSauf que comme je l'écrivais en conclusion du récit d'un ultra trail, c'est plus que choisi : c'est un acte gratuit, et ça n'a pas de prix (surtout par les temps qui courent, sans jeu de mots)
J'aime beaucoup. Aller chercher ses limites pour se rencontrer et tenter de faire le tour de soi à travers des tours de stade.
RépondreSupprimer24 heures pour faire le tour de soi c'est beaucoup et peu à la fois... l'intention est louable
RépondreSupprimerLe dépassement de soi est plus qu'un simple tour : c'est une ascension !
RépondreSupprimerBravo jacques
¸¸.•*¨*• ☆
Wah, c'est jolie comme tout et très bien écrit. On cherche le sens qui se dévoile avec tendresse à la fin !
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