Dorine, une délicieuse petite
fille qui assiste régulièrement à mes lectures m'a raconté hier une histoire
extraordinaire. Elle a découvert, pelotonné dans la paille, au fond de la
grange de son grand-père un chaton tellement magnifique qu'elle l'a nommé
spontanément "Beauté". Avec l'accord de ses parents, elle a décidé de
l'adopter.
Beauté se pare d'une belle robe
gris-argent et porte sur son poitrail une étoile blanche. Il adore jouer, faire
des bêtises, se laisser câliner. Bref, il ressemble à tous les petits chats à
une exception près - et elle est d'importance - Beauté parle. Oui, il parle m'a
assuré Dorine.
La petite fille, mesurant mon
incrédulité m'a invitée à venir écouter hier le chat Beauté. Je vous restitue,
je l'espère dans leur intégralité, les aventures de ce chat pas tout à fait
comme les autres.
- Je m'appelle Beauté, enfin c'est ainsi que me nomme ma gentille
maîtresse Dorine. Mais en choisissant ce
patronyme, elle ne pouvait pas se douter que tel a été mon nom déjà dans ma
première vie. Imaginez un royaume, un grand royaume appartenant à une fée. Ma
fée bien-aimée. Elle confectionnait des potions miraculeuses pour ses sujets
afin de leur donner la vie éternelle.
Elle n'utilisait pas de la poudre de perlimpinpin mais du cacao que l'on
trouvait en quantité chez nous. Aussi pour nous tous, elle était la fée
Chocolat.
Je l'accompagnais partout. Son
chevalier servant, son conseiller, l'exécutant de ses hautes œuvres en quelque
sorte. Trouvant que je lambinais pour la suivre - comment faire pour aller
aussi vite qu'une fée disposant d'une baguette magique - elle me fit fabriquer
des bottes par le meilleur cordonnier du royaume. Je devins donc le Chat Botté.
Je me déplaçais à la vitesse de la lumière. J'avertissais tous les elfes,
lutins, trolls, dragons et autres créatures de sa venue et les prévenais :
"vous savez qu'il ne faut pas plaisanter avec la fée Chocolat. Que
tout soit en ordre parfait lors de son passage sinon vous aurez à faire au Chat
Botté."
Je ne sais pendant combien de
lustres nous vécûmes heureux. Mais même au royaume des fées, un jour, tout peut
s'écrouler. Chocolat fondit d'amour pour un génie qui l'ensorcela tant et si
bien qu'elle lui confia tous ses pouvoirs et il devint le maître du pays. Il ne
pouvait pas me souffrir. Il commença par brûler mes bottes merveilleuses puis
me fit périr en me transperçant le cœur. Ma première vie se termina ainsi.
- Je naquis pour la deuxième fois
dans une étable du Poitou. Tu as raison Dorine : dans une étable comme Jésus
mais lui, ce fut à Bethléem. Je ne vis pas le jour à Noël comme lui mais quand
même en plein hiver. Ma mère me déposa dans la mangeoire d'une jolie vache qui
prit soin de moi en soufflant par ses naseaux une haleine tiède afin de me
tenir chaud. Ce fut ma vraie maman. Elle se couchait sur le flanc pour que je
puisse me nourrir de son lait. Comme
elle était belle ma maraîchine avec ses yeux de velours cerclés de noir, son museau
soyeux, ses petites cornes comme une parure et sa jolie robe fauve ! Et quelle
élégance en plus de sa douceur. Je vécus là, dans ce nid douillet de délicieux
moments.
Mais comme vous le savez, en
Poitou, les vaches vont passer le printemps et l'été dans des pâturages
seulement accessibles en barque. Il n'était pas question pour moi de rester
seul. Je réussis à me glisser dans le bateau
et c'est ainsi que je fus échoué sur une île déserte avec ma vache. Partout
autour de nous des canaux infranchissables. Mais notre île n'était pas vraiment
déserte : il ne faut pas exagérer. Nous avions de la compagnie mais Lactalys -
c'est le nom que je lui avais donné - et moi vivions paisiblement l'un pour
l'autre. Elle, broutant consciencieusement l'herbe et les fleurettes abondantes
et moi vagabondant joyeusement dans les pacages. Jusqu'à ce jour funeste où,
m'étant aventuré dans des broussailles,
je fus dévoré par un renard. Fin lamentable de ma deuxième existence.
- J'en suis déjà à ma troisième
vie. Je dois avouer que, jusqu'à
présent, j'ai eu beaucoup de chance avec mes maîtresses. Dorine m'adore et je
le lui rends bien. Nous jouons beaucoup à chat-touillis ou chat-perché et même
quelquefois à un jeu que nous avons inventé et qui s'appelle chat-rabande. Mais
là, nous sommes grondés...Je n'aime rien tant que de grimper sur ses genoux
quand elle lit bien sagement dans sa chambre. Comme elle lit à voix haute,
j'apprends beaucoup et nous nous posons mutuellement des colles. Sa maman ne le
sait pas mais je me glisse chaque nuit dans son lit pour me blottir sous sa
couette, tout contre elle.
J'ai dû me rendre à l'évidence. Le
chat Beauté de la petite Dorine est extraordinaire. Puisque Shiva lui a accordé
neuf vies, un très long chemin l'attend mais je crois qu'étant né la toute
première fois au royaume des fées, il est béni des cieux. Je pense qu'il se
réincarnera un jour en écrivain pour écrire ses mémoires sur les Impromptus.
J'espère que je serai la première à le reconnaître !
J'ai connu un chat à neuf queues, dans mon pays de froidure la Toungouska, là bas on l'appelle le knout ! Ton greffier à neuf vies est bien plus sympa, s'il habitait dans une métropole, on l'appellerait Chaville ?
RépondreSupprimerC'est cha ! Et il porterait un brin de muguet à la boutonnière.
SupprimerCosi fan tutte (ainsi sont elles toutes ).8o))
RépondreSupprimerAlors on n'a pas fini d'en entendre parler... si nous vivons assez vieux
RépondreSupprimerSix vies de chat, ce n'est pas si long, enfin, quand ils sont, disons, ordinaires. Vegas, nous ne sommes pas si vieux ? ;-)
SupprimerCes trois vies-là sont réjouissantes à souhait. On attend la suite avec impatience !
RépondreSupprimerJ'ai adoré le nom de la vache !
extraordinaires les péripéties de vie de cet incroyable matou :)
RépondreSupprimerQuel plaisir ces trois vies de chat. Quel bonbon.
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