2016 – Mon père
Il s'est certainement passé plein
d'événements, petits ou grands, dans le monde… Cette année-là, 2015-2016 – car
on peut aussi compter en années scolaires. Avec les attentats de Paris, puis de
Bruxelles. Comme une sorte de prolongement. Ou de point final.
Apprendre à vivre avec cela.
Et des voyages. Février 2016, une semaine à
Carqueiranne, entre Toulon et Hyères. Bleu de la mer, courtes vagues, entrées
maritimes, marché du village, beignets, légumes, tapenade. Orangers à Hyères,
lectrice sur la plage de Carqueiranne. Montées en voiture dans l'arrière-pays,
soirées passées à cuisiner dans une cuisine lilliputienne. La traversée jusqu'à
Porquerolles, le retour à Giens, la confrontation avec les souvenirs de jeunesse.
La Méditerranée que je croyais ne jamais revoir. La plage d'argent, à
Porquerolles, la sieste dans la vigne abandonnée, le café sur le port, en
attendant la navette, le pastis sur la placette de Giens, la veille du départ.
Et puis la lente remontée vers le nord. Montagne Ste Victoire, Aix-en-Provence,
Orange, Valence, Lyon, tous ces noms lus à l'aller. Etape à Autun. Entre hiver
et printemps. Cathédrale, place silencieuse, lueurs qui s'allument, chaleur
chinoise et théâtre antique.
Puis le cours de la vie qui reprend. Les
samedis où je vais voir mon père. Où je lui raconte l'école. Les cours
d'infographie. Mon livre, qu'il montre à tout le monde. Et puis Amsterdam, en
juillet. Lui parler d'Amsterdam, du Rijksmuseum. Ronde de nuit, Van Gogh,
voyage sur les canaux. En cette année 2016, je vois Amsterdam, «les yeux
ouverts».
Un court retour à la maison, puis un
nouveau petit voyage – dans l'Eifel. Et le retour. Un coup de fil de mon frère,
«Papa voudrait qu'on aille le voir». Il ira le vendredi, j'irai le samedi, avec
mon fils, et le jeudi qui suit. J'envoie un petit message à mon père. Et puis
je me couche, je dors, un peu agitée, avec un vague malaise que j'ai déjà
connu, mais que je n'ai pas reconnu. Le samedi matin, le téléphone
sonne. C'est de nouveau mon frère. Et ces mots, qui tombent: papa est décédé.
Mon père, «ce héros», 91 ans – le 19 juin
2016, est mort ce matin, dans son sommeil, paisiblement, comme il l'avait
toujours «espéré» pour lui. J'ai raté l'ultime rendez-vous. Mais le 19 juin, je
lui ai organisé un dîner d'anniversaire.
Ce samedi-là, j'ai tout fait à l'envers. Au
lieu d'aller chez mon fils, puis, ensemble, chez mon père, puis de rentrer en
nous disant au-revoir dans le métro, j'ai d'abord rejoint mon fils, nous sommes
allés voir mon père, nous avons mangé, bien que je n'aie pas été en état
d'avaler quoi que ce soit, et je reste les mains inertes sur le clavier, qu'écrire
encore?
Si ce n'est ce long chemin, pour arpenter
le deuil, l'épaule bloquée, un an après, jour pour jour, le bras paralysé, et
la plongée dans le passé, dans l'histoire de nous quatre, nous étions un père,
une mère, un frère, une sœur. Dans l'histoire de nos familles. Et de notre
ville. Les questionnements aussi. Ses qualités: les encouragements à créer,
qu'il me prodiguait – sans lésiner. Mais aussi ces questions: pourquoi ne
m'a-t-il jamais montré la carte de membre de l'Armée Secrète de mon grand-père?
Je l'aurais vu autrement, ce grand-père si peu connu.
Mon père, aussi, à son tour, grand-père
heureux. Quatre petits-enfants, un arrière-petit-fils. Et mon fils, avec qui il
a toujours entretenu une relation privilégiée. Mystérieuse ressemblance entre
deux personnalités? Entente particulière? Je ne sais pas…
Pas de larmes éternelles, m'as-tu recommandé, dans une lettre testamentaire…
Non. Cela s'apaise. Mais comme je pense à
toi ce soir!
Le noyau primaire, père, mère, trois enfants, je suis le dernier des cinq, je nous croyais immortels quand j'étais minot, cela avait toujours été, et serait toujours. Je ne suis pas très balèze en maths, mais ce que je sais c'est que je serai le prochain !!!
RépondreSupprimerComme c'est beau et juste Pivoine. ;-)
RépondreSupprimerChaque année apporte son lot d'épreuves; avec pudeur, tu nous contes, là, les événements les plus marquants, ceux qui ne s'effacent jamais vraiment. C'est bien de les écrire, cela évite de les entendre se balader dans la tête sans qu'il ne trouvent jamais une ligne pour se poser enfin.
RépondreSupprimerMerci à vous pour vots lectures. Évidemment on passe tous par là. J'aurais pu trouver plus gai... Mais des années avant 2009 je ne me souviens plus bien, cela me semble assez uniforme.
RépondreSupprimerLes événements généraux ne sont pas faciles à retenir il faut un historique. Ou alors inventer.
C est vrai aussi qu' il y a eu plus de voyages cette année là qu' avant.
Et j 'écris avec un certain recul...
Heureusement.
Andiamo, je crois que je comprends même s il faut être dans la situation pour vraiment comprendre.
Merci de ta confiance de partager avec nous quelque chose de très intime : ta relation à ton père et son départ.
RépondreSupprimerTu le fais avec à la fois intensité et pudeur.
Merci Tisseuse. C'est curieux le regard que l'on porte sur ses parents après leur départ. Bien sûr il avait son caractère. Mais quel 'bon' père il a été...
RépondreSupprimerc’est ce qui est primordial ! ce que tu conserves de lui, et la relation intérieure à lui qui, quant à elle, ne s'éteint pas
SupprimerTrès touchant et pudique à la fois.
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