jeudi 25 octobre 2018

Marité - Clair le notaire ?

Clairvoyant, le notaire ?

Maître Clary se gare consciencieusement devant son étude, descend de sa puissante Volvo noire rutilante. Comme chaque matin, il fait le tour de son bijou - Maître Clary a toujours eu un faible pour les grosses cylindrées - à l'affut de la moindre rayure ou trace dérangeante. Comme chaque matin - Maître Clary aime accomplir les choses dans un ordre immuable - il ouvre la portière arrière, attrape son manteau et son chapeau sur la banquette ainsi que sa vieille serviette de cuir marron.

Il grimpe rapidement les quelques marches de la maison familiale ancienne, héritée d'une lignée de gens de lois, où se trouvent ses bureaux. Avant d'ouvrir la grande porte massive, il jette par habitude un œil sur la plaque de cuivre apposée sur le côté. L'inscription : "Etude Clary, notaires de père en fils depuis quatre générations" gravée au-dessous de la Marianne en laiton flatte son orgueil. Maître Clary peut être fier : il a réussi ou plutôt la vie a été clémente avec lui et lui a donné tout ce qu'un homme ambitieux peut désirer : une étude prospère, une jolie propriété, une belle femme, des enfants affectueux et de nombreux amis. Maître Clary est un homme heureux et riche.

Sa fidèle secrétaire, la première arrivée, sait comment accueillir son patron : une agréable odeur de café frais se répand dans toute l'étude.
- Bonjour Josiane. Tout va bien ?
- Bonjour Maître. Je vous ai préparé le dossier de Madame Desfarges pour le rendez-vous de 10 heures 30.
- Encore elle ? Mais elle ne va pas me lâcher ? Je lui ai dit cent fois que je ne pouvais rien faire.
Maître Clary, quelque peu contrarié, prend son café quand le téléphone sonne. Josiane décroche.
- Allo ? Mademoiselle Valentine ? Mais oui, votre père est là. Ne quittez pas. Je vous le passe.
- Allo papa ?
- Oui, Valentine. Tu ne m'appelles pas si tôt d'habitude. Tu as l'air inquiète.
- Papa. J'ai eu si peur...
- Enfin ma chérie, dis-moi ce qui se passe ?
- Écoute. Je ne sais pas trop comment ...Enfin, voilà. Je préfère te lire moi-même ce que je viens de découvrir sur les réseaux sociaux : "Maître Clary, le notaire de Grenoble a été retrouvé noyé dans le Rhône."
- Comment ? C'est une blague, une histoire de fou. Rassure-toi, je suis bien vivant et je t'invite à déjeuner à midi si tu es libre.
- Papa, il faut faire quelque chose. Tu ne peux pas laisser passer cette fake news. Cela nuirait à la renommée de l'étude.
- Vous, les jeunes, avec votre vocabulaire ...C'est quoi, une fake je ne sais pas quoi ?
- Enfin papa, tu es quand même au courant : une fake news ou infox est une information qui circule sur le net sans que sa véracité soit établie. La preuve.
- Ne t'inquiète pas, je vais appeler mon vieil ami, le commissaire de police Dubois. A midi, ma toute belle. Je t'embrasse.

Josiane fait irruption dans le bureau complètement affolée :
- Maître, mon Dieu...Le téléphone n'arrête pas de sonner. On me demande si...si vous êtes mort !
- Calmez-vous Josiane. Valentine m'a tout raconté. C'est une fake news.
- Une quoi ?
- Mais enfin Josiane, il faudra vous mettre au goût du jour mon petit. Une fake news est une information fausse. Toute affaire cessante, appelez Monsieur Dubois au commissariat et demandez-lui de venir immédiatement s'il le peut. Je me demande qui est l'auteur de cette énormité mais ça ne va pas se passer tout seul. Ces réseaux sociaux aussi, quelle chienlit tout de même !
Le commissaire Dubois arrive rapidement à l'étude et écoute attentivement ce que lui relate son ami le notaire. Un sourire nait sur le coin de sa bouche. Il a l'habitude de ce genre de désinformation.
- Bon. Roland, pas grave tout ça. Je te trouve bonne mine. On va vite savoir d'où provient le bobard. Je mets sur le coup un de mes inspecteurs, un as en informatique. Je l'appelle. Tu vois quelqu'un dans ton entourage susceptible de te créer ce genre d'ennui ?
- Mais non. Tout se passe bien. Mes clients sont fiables et sensés. Quoique, j'y pense : il y a cette Desfarges qui me harcèle depuis qu'elle a tout perdu lors de son divorce. Elle s'imagine que je l'ai escroquée. Je crois qu'elle perd complètement la tête. D'ailleurs, tu vas la rencontrer, elle a encore obtenu un rendez vous de ma secrétaire qui l'a prise en pitié.

A ce moment le portable du commissaire sonne. Son inspecteur a fait diligence.
- Ah bon, l'infox provient d'une certaine Madame Desfarges ? Ça tombe plutôt bien : elle doit être ici dans une demi-heure. Je l'attends et je vais lui flanquer les chocottes.
Mais pas de Madame Desfarges à 10 heures 30.
- Étonnant constate Maître Clary. Elle n'est jamais en retard pour me casser les pieds avec ses divagations. Je n'ai pas été assez clairvoyant : j'aurais dû agir autrement avec elle et surtout être plus ferme. Je ne comprends pas pourquoi elle a fait circuler cette aberration sur internet. A moins que ce soit une piste : ça ne m'étonnerait guère, elle est tellement "dérangée" !

Le téléphone du commissaire sonne à nouveau alors qu'il allait prendre congé.
- Chef, j'ai eu l'idée de faire un rapprochement entre la rumeur qui parle de noyade et l'absence de cette personne à l'étude et chez elle. Je ne me suis pas trompé. On vient de repêcher le cadavre de Madame Desfarges dans le Rhône.

11 commentaires:

  1. Ah quelle bonne idée ce renversement de situation !
    Bien sûr qu'il n'est pas mort, Maître Clary...Je me disais aussi...
    J'ai beaucoup aimé ta super histoire, Marité, et ceci n'est pas une « fake news » !
     •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Maître Clary ne pouvait pas être mouru Célestine : il a encore un tas de dossiers à mettre à jour et surtout aucun de ses héritiers n'est prêt pour l'instant à reprendre sa suite. ;-)

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  2. vegas sur sarthe26 octobre 2018 à 07:45

    Oui, bon… M'enfin… si "les gens" commencent à détourner les consignes d'écriture… ça sert à quoi qu'ON se décarcasse ? N'empêche que c'est une sacrée bonne idée, Marité.

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    1. Ah, ça c'est bien vrrrai ! Mais tu vois Vegas, ton alter ego à la tête de notre illustre site a bien vu comment rebondir. Et si ça faisait l'objet de la prochaine consigne ? On se rattrape comme on peut...

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  3. il n'est effectivement PAS MORT noyé pour le coup :)
    pas mort du tout, d'ailleurs !!!
    mais en fait pour attirer l'attention sur son suicide, madame Desfarge aurait-elle envoyé cette fausse nouvelle, et orienter les médias sur une malversation du notaire ?

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    1. Tu es très forte Tisseuse. Et tu répares ma désinvolture pour le coup.
      Je tire la langue à Vegas, na !

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  4. Excellent.
    Dubois n'étant pas une flûte, on le retrouvera j'espère dans une prochaine enquête !

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    1. K : penses-tu sérieusement que le commissaire fera sortir le loup du bois ? ;-)

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  5. Qui ? Mais qui a dit que la femme était l'avenir de l'homme ! ];-D
    Enfin pour une fois Madame Desfarges se sera mouillée.

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  6. Un détournement de consigne qui nous réserve un chouette retournement de situation; merci, Marité. Me suis poilé... le cale-bute !

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