vendredi 13 mars 2015

Chri - Drapeau blanc

Un peu tard.

C’est au moment où il a levé le plus haut possible au-dessus de la tranchée, le morceau de bois auquel il avait noué un bout de tissu blanc que la balle lui est arrivée juste au beau milieu des deux yeux. Le trou qu’elle a fait n’a pas saigné de suite. Il s’est d’abord affaissé de tout son poids dans la boue molle et gelée. C’est après qu’un filet de sang comme un brin de vie s’est écoulé sur sa joue droite. Le ciel était rose comme un pâle début d’aube. Dans l’air, ça sentait la poudre, la peur et le sang séché. Quelques heures après alors que son bras désormais rigide n’avait pas lâché la bannière, là-bas, dans un château sur une colline, des officiels en grand costume, bardées de décorations clinquantes s’allumaient mutuellement des cigares, un vieil armagnac en main après avoir signé l’armistice qui mettait fin à quatre années de guerre épouvantables. Ils avaient à peine maigri. Ils souriaient.
Lui, resterait dans l’histoire le dernier mort de la dernière bataille de la dernière journée de guerre. Il est mort alors qu’il allait se rendre, alors qu’il disait au monde qu’il en avait assez vu, que ses compagnons et lui avaient assez souffert, qu’ils n’en pouvaient plus de la douleur, du froid de la merde et de l’odeur de la mort.
On l’a enterré  dans un immense pré vert à quelques lieues de là, dans des rangées de tous les autres, ses semblables squelettes vivants, enveloppé dans le blanc drapeau, ce drapeau de malheur qui ne lui avait pas sauvé la vie…


Où lire Chri
et où voir ses photos
 

4 commentaires:

  1. L'absurdité de la guerre dans toute sa splendeur... C'est aussi vrai pour l'avant-dernier et pour l'antépénultième et pour bien d'autres!

    RépondreSupprimer
  2. oui, du premier au dernier mort d'une guerre, et de toutes les guerres...que de l'absurde, rien que de l'absurde :(

    RépondreSupprimer
  3. Un drapeau blanc bafoué, un autre !

    RépondreSupprimer
  4. Ce thème, la guerre, en particulier celle qui devait être La Der' de Ders, a donné lieu à de très beaux textes sur cet espace (enfin, ses précédents). Tu ouvres une nouvelle page de cette histoire textuelle qui nous rassemble.
    Je crois savoir que certain Arpenteur d'étoiles, par exemple, y sera tout particulièrement sensible.
    J'applaudis à tout rompre !!!

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".