mardi 17 mars 2015

Tisseuse - Un crime

« Il faut que je vous dise…j’ai menti !
Je suis tellement lasse.. et n’en ai plus pour longtemps. Il est vraiment temps que je vous dise, que c’est ainsi, et que je ne regrette rien.
Mais je vous ai menti, et cela a pesé tellement lourd parfois entre nous…
Je vous ai élevés seule, et ne répondais jamais à vos questions sur votre père. Vous ne vous en souveniez qu’à peine, tellement vous étiez jeunes lorsqu’il est parti.
Mais c’est là-dessus que j’ai menti ! Il ne m’a pas quitté pour une autre femme.
J’allais finir par mourir tellement sa violence était devenue irraisonnée.
Un jour je l’ai planté, là, avec un couteau de cuisine. Il m’a regardé, surpris. Bien sûr qu’il ne me pensait pas capable de ça. Puis il est mort. Et je l’ai traîné jusqu’à l’étang de la Sentine. J’ai accroché une lourde pierre à chacun de ses pieds, et son corps s’est enfoncé dans l’eau.
Il ne doit pas en rester grand-chose à présent…


Il m’a semblé que vous aviez le droit de savoir que votre père était un salaud au-delà de l’inimaginable, mais que votre mère ne valait guère mieux puisqu’elle n’a pas su le quitter autrement.

C’est en cela que je vous demande bien pardon. »


J’ai reposé la lettre. Je ne sais pas si j’aurais dû l’ouvrir. Maman est enterrée depuis moins de trois jours. Je nettoyais les papiers dans sa commode lorsque j’ai trouvé cette enveloppe libellée « A mes enfants ».

Quelle effrayante confidence, et qu’en faire à présent ? La partager avec Paul et Céline, ou la noyer, elle aussi, dans l’étang, en même temps que mes larmes ?

Alors qu’elle broie mon cœur et pèse plus encore qu’un corps mort, je la contemple s’enfoncer lentement dans l’eau glauque de l’étang.

9 commentaires:

  1. Ah ben, c'est les poissons qui ont dû être contents la première fois. Mais pour la deuxième...tu as été dure...le papier ils s'en fiche et je ne suis même pas certain qu'ils savent lire. ;o)

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  2. On a beau y mettre des pierres dessus, les remords finissent toujours par remonter à la surface...

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  3. Un homme violent..., je trouve qu'elle a des circonstances atténuantes, la maman!

    Lulu

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  4. C'est l'histoire d'un type qui usurpe le nom d'homme. Ce genre de situation (hormis la finalité) existent bien trop souvent, hélas, de par le monde et même dans notre beau pays.

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  5. Sage décision que n"avoir pas noyé également Paul et Céline, cela réconcilie avec la vie de famille

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  6. Tenter de noyer « l'inoyable » puisque les mots sont désormais inscrits dans l'esprit et le cœur de cette enfant. Beau récit Tisseuse !

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  7. L'Arpenteur d'étoiles22 mars 2015 à 12:16

    beau récit en effet mais aussi terrible pour celui ou celle qui découvre la lettre et la réalité ... comment vivre avec ça ou vivre avant avec le non dit ... et ne pas partager est peut-être un erreur (?) ... sans doute tu puex nous éclairer là dessus ...

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  8. Partager la vérité implique parfois l'incompréhension ou l'incrédulité

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