mercredi 9 janvier 2019

Andiamo - Cadeau empoisonné

Le fauteuil.

Bien calée dans son vieux fauteuil en velours de Gênes bien râpé, Sylviane regarde son feuilleton préféré : « Les feux de l’amour »….
Comme c’est magique, pense-t-elle : tous ces personnages qui, pourtant riches et beaux, ont tout de même des problèmes ! Ah ! L’argent ne fait pas le bonheur, se rassure-t-elle.
Ding- Dong ! Le carillon de la porte d’entrée la fait sursauter.
Qui ça peut bien être à cette heure ? Songe-t-elle tout en s’extirpant à regrets de son siège avachi.


Elle ouvre, un livreur en jean et baskets est là, souriant, un fascicule à la main.
- Madame Gaillard ? Sylviane Gaillard ?
- Oui, c’est moi !
- Je viens vous livrer le magnifique fauteuil que vous avez gagné par tirage au sort, en tant que cliente privilégiée des « Deux Redoutables Belges » !
- Un fauteuil ?... Mais oui, ça me revient ! J’ai reçu, il y a une quinzaine de jours, un bon à retourner, afin de participer au tirage de la chance ! Le premier lot était : un magnifique fauteuil style « Pullmann » en imitation cuir… Du sgaigue je crois…
- Non, du skaï !
- Voui, c’est ça ! Oh vous savez l’anglais et moi…. Mais entrez, ne restez pas dehors !
- Bon, où va t-on le mettre ce magnifique fauteuil ?
- Ben… Ici, à la place du vieux, ça vous ennuie de le reprendre et de m’en débarrasser ?
- Mais non, pas du tout, Madame Gaillard.
- C’est mon Marcel qui va être content ! Marcel, c’est mon mari. Pour l’heure, il est allé promener Réglisse, notre Teckel.


Le jeune livreur lève le fauteuil hors d’âge, sans efforts, et le tenant par-dessus la tête, l’emporte jusqu’à sa camionnette à l’enseigne des " Deux Redoutables Belges". Il le dépose sans ménagements, ouvre la porte arrière de son véhicule, rabat la plate forme amovible, puis glisse le nouveau fauteuil dessus, c’est une plate-forme monte-charge, un appui sur un levier, le colis descend seul !


- Ah ! Vous êtes bien équipé ! s’extasie Sylviane.
- Ben, faut c’qui faut, répond le jeune homme en faisant glisser son colis sur un diable.


Après quelques efforts, et après l’avoir débarrassé de son emballage protecteur, le nouveau fauteuil trône au milieu de la pièce, face à l’écran plat récemment acquis !


- Oh qu’il est beau ! s’extasie la retraitée.
- Essayez-le ! Lance le livreur.
Sylviane s’assied précautionneusement.
- Il est très confortable ! Merci mille fois jeune homme, pour la peine je vais vous faire un café.
- Non, merci Madame, je n’ai vraiment pas le temps, si vous voulez bien signer le bon de livraison… Oui, là, à droite, inscrivez aussi la date… Voilà ! Merci Madame Gaillard, et à la prochaine… Peut-être.
Restée seule, Sylviane admire son beau fauteuil. C’est Simone, la voisine, qui va être jalouse ! Quand elle lui a dit qu’elle retournait le bon dans le but de gagner peut-être le gros lot, elle s’était moquée d’elle.
A seize heures tapantes, Marcel est rentré, il a accroché son béret au porte-manteaux, ainsi que sa canadienne, puis consciencieusement il a essuyé les papattes de Réglisse. 

- Maman, c’est nous ! A-t-il crié à l’intention de sa femme.
- J’ai une surprise, Papa ! Viens dans la salle à manger !
- C’est quoi ce truc ?
- J’ai gagné le fauteuil ! Tu te souviens le bon que j’avais rempli il y a deux semaines ?
- Euh… Oui.
- Eh bien voilà, on vient de le livrer.
Marcel s’est assis, a testé le moelleux du siège et des accoudoirs.
- Hummm… Il sera parfait pour la sieste ! Allez maman, on va se préparer un thé pour fêter ça !
Ils sont assis dans la cuisine, une tasse fumante devant eux, et des petits beurre dans une soucoupe.
Soudain ils perçoivent une sorte de rot énorme !
- Ça, c’est Réglisse qui est en train de vomir, déclare Sylviane.
Tous deux se précipitent dans la salle à manger… Point de Teckel !
- Réglisse ! Mon petit chien-chien, viens mon bébé, viens voir ta Maman !
Pas de chien, on cherche à l’étage, on cherche dans le sous-sol, on cherche dans le jardin, pas de chien-chien à sa Maman !
- Il n’a pas pu sortir, commence à pleurnicher Sylviane, le portillon et le portail donnant sur la rue sont verrouillés.
- Bon, écoute Maman, demain j’irai au commissariat, on verra bien. Allez rentre, il fait nuit, et ça caille !
Dix-neuf heures. Tout en se mouchant et en essuyant ses larmes, Sylviane prépare le repas du soir, vite fait le soir : une soupe, une tranche de jambon, un fruit.
Comme aime à le répéter son Marcel de mari :
- Le soir ? une bonne soupe, une bonne pipe, et au lit !
Sylviane s’apprête à appeler son mari quand elle entend un énorme rot.
- Ah ! Marcel t'exagères ! Quel cochon tu fais, allez à table, c’est prêt !
Rien ne se passe… Alors Sylviane se rend dans la salle à manger, le beau fauteuil est là, mais vide !
- Maaaarcel, descend c’est prêt !
Pas de réponse, Sylviane a cherché partout... En vain.
Elle a décroché le téléphone et appelé Valérie sa fille… Mi-pleurant, mi-geignant, elle lui a expliqué la disparition de son Papa, ainsi que celle de Réglisse.
- Bon, j’arrive, a répondu Valérie, qui heureusement n’habite pas très loin.

Dix minutes plus tard, la petite Twingo de Valérie se gare devant la grille verte du pavillon qui l’a vu grandir.
- Maman ! Papa ! Lance-t-elle en entrant. Pour toute réponse elle entend un énorme rot en provenance de la salle à manger.
Plus tard, Valérie expliquera aux enquêteurs que la seule chose qui avait changé dans le pavillon de ses parents depuis leur disparition, était ce gros fauteuil en faux cuir, bien trop imposant pour son petit deux pièces. Et qu’elle s’était empressée de le donner à la voisine, une certaine Simone…

12 commentaires:

  1. Définitivement absurde ! J'adore ♥

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    1. Tiniak : Invitons les gens que l'on n'aime pas à s'asseoir. ];-D

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  2. Ben ça alors ! Où sont-ils passés ? La suite Andiamo, la suite !

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  3. Ah ben voilà : le fauteuil, c'était une chaise percée ! :-)

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    1. Marité : voilà une autre manière de prendre un bain de siège. ];-D

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  4. ça ferait un joli scenario pour un court- métrage!

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    1. Adel : j'en aurais bien parlé à Lelouch, mais il n'a pas les yeux en face des trous ! ];,-D

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  5. aurais-tu lu trop de Edgar Allan Poe ?
    :)

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  6. Un cas énigmatique à étudier dans le cadre des Assises sur les Trous Noirs.
    Super en tout cas !

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  7. Moi je dis que les tirages de la chance , ça craint... Si on a la chance d'avoir de la chance , pourquoi n'aurait t'on pas la malchance d'avoir de la chance qui n'en soit en fait pas ( de la chance)?.... oui ben je me comprends ;-)))

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