Le fauteuil.
Bien calée dans son
vieux fauteuil en velours de Gênes bien râpé, Sylviane regarde son
feuilleton préféré : « Les feux de l’amour »….
Comme c’est
magique, pense-t-elle : tous ces personnages qui, pourtant
riches et beaux, ont tout de même des problèmes ! Ah !
L’argent ne fait pas le bonheur, se rassure-t-elle.
Ding- Dong ! Le
carillon de la porte d’entrée la fait sursauter.
Qui ça peut bien
être à cette heure ? Songe-t-elle tout en s’extirpant à
regrets de son siège avachi.
Elle ouvre, un
livreur en jean et baskets est là, souriant, un fascicule à la
main.
- Madame Gaillard ?
Sylviane Gaillard ?
- Oui, c’est moi !
- Je viens vous
livrer le magnifique fauteuil que vous avez gagné par tirage au
sort, en tant que cliente privilégiée des « Deux
Redoutables Belges » !
- Un fauteuil ?...
Mais oui, ça me revient ! J’ai reçu, il y a une quinzaine de
jours, un bon à retourner, afin de participer au tirage de la
chance ! Le premier lot était : un magnifique fauteuil
style « Pullmann » en imitation cuir… Du sgaigue je crois…
- Non, du skaï !
- Voui, c’est ça !
Oh vous savez l’anglais et moi…. Mais entrez, ne restez pas
dehors !
- Bon, où va t-on
le mettre ce magnifique fauteuil ?
- Ben… Ici, à la
place du vieux, ça vous ennuie de le reprendre et de m’en
débarrasser ?
- Mais non, pas du
tout, Madame Gaillard.
- C’est mon Marcel
qui va être content ! Marcel, c’est mon mari. Pour l’heure,
il est allé promener Réglisse, notre Teckel.
Le jeune livreur
lève le fauteuil hors d’âge, sans efforts, et le tenant
par-dessus la tête, l’emporte jusqu’à sa camionnette à
l’enseigne des " Deux Redoutables Belges". Il le
dépose sans ménagements, ouvre la porte arrière de son véhicule,
rabat la plate forme amovible, puis glisse le nouveau fauteuil
dessus, c’est une plate-forme monte-charge, un appui sur un levier,
le colis descend seul !
- Ah ! Vous
êtes bien équipé ! s’extasie Sylviane.
- Ben, faut c’qui
faut, répond le jeune homme en faisant glisser son colis sur un
diable.
Après quelques
efforts, et après l’avoir débarrassé de son emballage
protecteur, le nouveau fauteuil trône au milieu de la pièce, face à
l’écran plat récemment acquis !
- Oh qu’il est
beau ! s’extasie la retraitée.
- Essayez-le !
Lance le livreur.
Sylviane s’assied
précautionneusement.
- Il est très
confortable ! Merci mille fois jeune homme, pour la peine je
vais vous faire un café.
- Non, merci Madame,
je n’ai vraiment pas le temps, si vous voulez bien signer le bon de
livraison… Oui, là, à droite, inscrivez aussi la date… Voilà !
Merci Madame Gaillard, et à la prochaine… Peut-être.
Restée seule,
Sylviane admire son beau fauteuil. C’est Simone, la voisine, qui va
être jalouse ! Quand elle lui a dit qu’elle retournait le bon
dans le but de gagner peut-être le gros lot, elle s’était moquée
d’elle.
A seize heures
tapantes, Marcel est rentré, il a accroché son béret au
porte-manteaux, ainsi que sa canadienne, puis consciencieusement il
a essuyé les papattes de Réglisse.
- Maman, c’est
nous ! A-t-il crié à l’intention de sa femme.
- J’ai une
surprise, Papa ! Viens dans la salle à manger !
- C’est quoi ce
truc ?
- J’ai gagné le
fauteuil ! Tu te souviens le bon que j’avais rempli il y a
deux semaines ?
- Euh… Oui.
- Eh bien voilà, on
vient de le livrer.
Marcel s’est
assis, a testé le moelleux du siège et des accoudoirs.
- Hummm… Il sera
parfait pour la sieste ! Allez maman, on va se préparer un thé
pour fêter ça !
Ils sont assis dans
la cuisine, une tasse fumante devant eux, et des petits beurre dans
une soucoupe.
Soudain ils
perçoivent une sorte de rot énorme !
- Ça, c’est
Réglisse qui est en train de vomir, déclare Sylviane.
Tous deux se
précipitent dans la salle à manger… Point de Teckel !
- Réglisse !
Mon petit chien-chien, viens mon bébé, viens voir ta Maman !
Pas de chien, on
cherche à l’étage, on cherche dans le sous-sol, on cherche dans
le jardin, pas de chien-chien à sa Maman !
- Il n’a pas pu
sortir, commence à pleurnicher Sylviane, le portillon et le portail
donnant sur la rue sont verrouillés.
- Bon, écoute
Maman, demain j’irai au commissariat, on verra bien. Allez rentre,
il fait nuit, et ça caille !
Dix-neuf heures.
Tout en se mouchant et en essuyant ses larmes, Sylviane prépare le
repas du soir, vite fait le soir : une soupe, une tranche de
jambon, un fruit.
Comme aime à le
répéter son Marcel de mari :
- Le soir ? une
bonne soupe, une bonne pipe, et au lit !
Sylviane s’apprête
à appeler son mari quand elle entend un énorme rot.
- Ah ! Marcel
t'exagères ! Quel cochon tu fais, allez à table, c’est
prêt !
Rien ne se passe…
Alors Sylviane se rend dans la salle à manger, le beau fauteuil est
là, mais vide !
- Maaaarcel, descend
c’est prêt !
Pas de réponse,
Sylviane a cherché partout... En vain.
Elle a décroché le
téléphone et appelé Valérie sa fille… Mi-pleurant, mi-geignant,
elle lui a expliqué la disparition de son Papa, ainsi que celle de
Réglisse.
- Bon, j’arrive, a
répondu Valérie, qui heureusement n’habite pas très loin.
Dix minutes plus
tard, la petite Twingo de Valérie se gare devant la grille verte du
pavillon qui l’a vu grandir.
- Maman !
Papa ! Lance-t-elle en entrant. Pour toute réponse elle entend
un énorme rot en provenance de la salle à manger.
Plus tard, Valérie
expliquera aux enquêteurs que la seule chose qui avait changé dans
le pavillon de ses parents depuis leur disparition, était ce gros
fauteuil en faux cuir, bien trop imposant pour son petit deux pièces.
Et qu’elle s’était empressée de le donner à la voisine, une
certaine Simone…
Définitivement absurde ! J'adore ♥
RépondreSupprimerTiniak : Invitons les gens que l'on n'aime pas à s'asseoir. ];-D
SupprimerBen ça alors ! Où sont-ils passés ? La suite Andiamo, la suite !
RépondreSupprimerMarité : Un trou noir tu crois ? ];-D
SupprimerAh ben voilà : le fauteuil, c'était une chaise percée ! :-)
RépondreSupprimerMarité : voilà une autre manière de prendre un bain de siège. ];-D
Supprimerça ferait un joli scenario pour un court- métrage!
RépondreSupprimerAdel : j'en aurais bien parlé à Lelouch, mais il n'a pas les yeux en face des trous ! ];,-D
Supprimeraurais-tu lu trop de Edgar Allan Poe ?
RépondreSupprimer:)
Tisseuse : Poevre de moi ! ];-D
SupprimerUn cas énigmatique à étudier dans le cadre des Assises sur les Trous Noirs.
RépondreSupprimerSuper en tout cas !
Moi je dis que les tirages de la chance , ça craint... Si on a la chance d'avoir de la chance , pourquoi n'aurait t'on pas la malchance d'avoir de la chance qui n'en soit en fait pas ( de la chance)?.... oui ben je me comprends ;-)))
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