Se rêver en châtelaine.
Dans mon village
d'enfance se dresse sur une colline dominant le bourg un joli manoir
flanqué de deux tours. Bien sûr, je le trouvais magnifique ce
château avec ses escaliers extérieurs majestueux permettant de
chaque côté l'accès à un très grand perron. J'aimais surtout
batifoler dans l'immense parc où poussaient des arbres aux essences
rares (pour moi) : cèdres du Liban, orangers des osages, énormes
tulipiers, magnolias... Je contemplais sans fin les belles topières
de buis, les massifs de rhododendrons et hortensias et bien d'autres
fleurs encore. Des pergolas en fer forgé artistiquement disposées
dans les jardins croulaient sous des cascades de roses aux multiples
couleurs et aux parfums capiteux. S'y cachaient aussi des gloriettes
aux bancs de pierre où il faisait bon l'été se réfugier quand le
régisseur du domaine ne m'avait pas débusquée et chassée. Mais
j'y revenais sans cesse goûter aux fruits défendus !
Oui, je l'admirais ce
castel. Mais, curieusement je ne m'y suis jamais vue en châtelaine.
Trop récent. Trop flambant et arrogant. Bien sûr mon imagination
féconde de gamine, influencée par mes lectures m'avait souvent
transformée en belle dame du temps jadis. Mon château, je le
rêvais et je le voyais au pays de nulle part. Il se perdait dans la
brume au bout d'une longue allée de douglas sombres que j'empruntais
au pas de ma haquenée montée en amazone. Je portais de belles robes
de velours, taffetas ou satin richement brodées. Durant les froids
hivers, un mantel doublé d'hermine, les deux pans retenus par une
fibule sertie de pierres précieuses - cadeau rapporté par mon
chevalier de mari de ses voyages guerriers - complétait ma toilette.
Un hennin en batiste avec un long voile immaculé terminait ma
parure. Oh oui, mes songes me transportaient souvent dans un idéal
fantasque. Clichés pensez-vous ? Bien sûr. La faute à trop
d'imagination romanesque.
Mais revenons à nos
tourelles. Sans doute à cause de cette image floue d'un château à
peine esquissé dans mes rêves d'enfant, j'ai toujours préféré
les gentilhommières aux châteaux illustres. Je n'aime rien tant que
ces modestes demeures aux murs lézardés, aux tours sans prétention
souvent pantelantes, oubliées, à l'écart des villages, que je
rencontre souvent au cours de mes promenades dans la campagne. Elles
portent le poids des ans et enferment jalousement les secrets de vies
de la petite noblesse d'antan.
Les châteaux en ruines
me fascinent. Tours de Merle, de Carbonnières, Ventadour, Couzages
et bien d'autres en Corrèze. Certains demeurent imposants malgré
leur délabrement et témoignent de la richesse médiévale de ma
région. Ils appellent au rêve déjà de part leur situation
géographique. Une nature sauvage les environne : forêts, rivières,
rochers...L'on se sent transporté dans les siècles et il est facile
d'imaginer les seigneurs, chevaliers, gentes dames vivant là au
milieu de leurs petites gens. On entend les troubadours chanter
l'amour courtois pendant les ripailles. On entend le cliquetis des
épées durant les tournois et l'on devine les scènes de chasse dans
ces bois où le gibier abonde.
La vie de château.
Laissons cela au domaine des rêves. Si j'avais vécu au Moyen âge,
cela m'aurait peut être plu. A condition d'être de noble naissance.
Mais aujourd'hui, par cette froidure, je préfère ma roture et le
confort de mon petit salon bien chauffé. Ce qui ne m'empêchera
nullement d'aller m'évader près des vieux manoirs quand fleuriront
les jonquilles. Ah, nostalgie !
Le château de nos rêves a des attraits que n'auront jamais ceux qui s'offrent à nos yeux.
RépondreSupprimerUne belle déambulation ☺
RépondreSupprimerIl nous reste, outre les tiennes, exquises, des réminiscences de ces temps rémanents : des manants qui de ronds n'ont point et des sires plus ou moins tristes qui les expulsent manu militari ! ;-)
RépondreSupprimerJoe : la politique c'est comme la mode, un éternel recommencement. Tu le vois nous sommes des gueux et bientôt, si nous n'y prenons pas garde nous serons des serfs.
SupprimerJ'aime beaucoup cette description des châteaux en ruine qui appellent au rêve. Mais j'avoue moi aussi mieux rêver dans mon salon chauffé ... ;-)
RépondreSupprimerDe châteaux à Paris je connais : château rouge, château Landon, château de Vincennes ! Mais ceux de ta Corrèze m'ont fait voyager ce matin, merci . ];-D
RépondreSupprimermême les rois se caillaient jadis en leur château, comme à Versailles par exemple :)
RépondreSupprimerJe les aimerais aussi tes vieux châteaux et leurs alentours sauvages! Merci pour la balade!
RépondreSupprimerJe connais les châteaux dont tu parles...c'est une région que j'apprécie beaucoup. ;-)
RépondreSupprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
@Célestine : tu connais sûrement alors les châteaux de Colette : Castel Novel et Curemonte.
SupprimerMoi aussi j'aime beaucoup les extérieurs, plus que les châteaux eux même...
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