Je ne sais pas pourquoi j’avais ces vers de Cocteau qui me trottaient
dans la tête. Allongé en plein soleil, en maillot de bains, les pieds
baignant dans le fleuve, maillot, un bien grand mot pour un petit bout
de tissu qui ne cachait que l’essentiel toujours est-il que je me
reposais de ma précédente nuit. D’ailleurs j’avais du mal à croire ce
qui c’était véritablement passé. La belle Italienne rencontrée Aux deux
magots me semblait encore irréelle. Au premier verre de Champagne que je
lui offris, elle m’effleura la cuisse à une hauteur que la décence
m’interdit de citer . Son geste provoqua des étincelles tout le long de
ma colonne vertébrale mais non seulement…ma masculinité était prête à
sonner le tocsin. Elle me confia qu’elle collectionnait les amants comme
d’autres collectionnent les Rolex. Après trois coupes de Champagne,
elle me manipulait sans vergogne, en tout cas son tripotage n’altérait
pas mes sens. Je subodorais qu’elle voulait s’assurer que tout soit en
ordre de marche. Je dois dire que ce qu’il se passa dans cette brasserie
ne m’était jamais arrivé auparavant. J’aimais ce qu’elle me faisait et
l’idée que cela soit en public m’amusait profondément. Je ne me
connaissais pas ce côté exhibitionniste. Pour tenter de minimiser
l’incidence physique qu’elle provoquait, je répétais les cavatines de
Mozart dans ma tête mais il ne me revenait que des fragments de
partition qui s’envolaient au fur et à mesure que ma volonté
faiblissait. Je ne connaissais pas le programme des réjouissances qui
allaient suivre mais j’y souscrivais pleinement. Elle me montra l’hôtel
Saint-Germain de l’autre côté du boulevard, en me mordant l’oreille elle
murmura : »On va là-bas ? » Du doigt je lui montrai mon bichon sagement
assis sous mon siège en disant simplement : »Allons chez moi. » Je ne
sais pas exactement à quelle heure elle s’en est allée parce que sitôt
arrivé à la maison, je me suis endormi profondément. J’ai un vague
souvenir d’avoir été un peu molesté mais les bras que me tendaient
Morphée étaient irrésistibles.
Où lire Fred Mili
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