Marité - Un fromage

Le coq et le chien.

Un vieux coq fort présomptueux

Se pavanait dans une  basse-cour.

Se croyant le maître des lieux

Il n'admettait aucun discours

Qui put remettre  en question

Sa philosophie et sa perfection.

Attaché à sa niche un chien galeux

Se régalait d'un mets dont l'odeur

Alerta l'odorat fin et dédaigneux

Du coq qui s'approcha, ergoteur

- Que manges-tu là, demi-portion ?

 Parole, ça pue plus que de raison.

Tes belles plumes et ton chant arrogant

Ne font pas de toi un oiseau intelligent.

Si tu ne pinçais pas les mollets de la fermière

Tu pourrais aussi déguster ce riche camembert

Grouillant de bons vers et crémeux à souhait

Et dont la saveur exquise flatte mon palais.

Des bons vers ? Des bons vers ? Tu m'amuses.

Sûrement  moins gros et gras si je ne m'abuse

Que ceux que mes poules grattent pour moi

Dans le fumier qui refoule moins par ma foi

Que ton fromage dont je ne voudrais goutte.

Je sais trouver ailleurs meilleur casse-croûte.

Grand bien te fasse, freluquet de mes deux.

Va donc. Tu trouveras dans ton coin merdeux

De quoi te sustenter. Laisse-moi tout à mon aise

Savourer ce camembert fameux ne t'en déplaise.

Faut-il que tu gâches et ma sieste et mes repas

Quand tes femelles te préfèrent le voisin du bas.

Là-dessus, le vieux coq énervé  n'y tenant plus

Se jeta sur le chien qui attendait le trou du cul.

La ferme assista alors à une bagarre mémorable.

Le coq, plumes en bataille, fonça, tel le diable

Sur le pauvre chien qui, dans  cette échauffourée

Perdit un œil certes mais tua l'assaillant sans pitié.

Il ne faut pas faire de cette histoire tout un fromage

Mais retenir que suffisance ne donne pas avantage.