La
tomme
S’il
est un fromage qu’on ne peut dissocier de notre Drôme des
Collines, c’est bien la tomme de chèvre. Celles-ci ? Un peu
sauvages, un peu cabotines, un peu coquines, elles broutent une herbe
tendre et grasse, toute l’année. Quand le vent du Nord s’installe
et souffle sur nos versants, il flotte des parfums de fleurs sauvages
qu’on aime identifier à l’herbier de l’enfance retrouvée.
L’été, le bourdonnement des insectes en est le plus doux refrain
et nos biquettes paissent dans ce paradis bucolique…
Au
lait cru, entre nos chèvres et nos maîtres fromagers, la tomme,
c’est le gâteau champêtre de dame Nature ; fromage tendre et
affinage doux, âcre et sucré, onctueux et ferme, il est un feu
d’artifice dans la bouche du profane et la récompense suprême
dans celle de l’addict. Quand je rentre dans ma Drôme, je n’oublie
jamais de communier avec cette fabuleuse hostie champêtre ; à
la fin du repas, un peu de tomme étalée sur un quignon de pain bien
craquant, un fond de verre de Crozes l’Hermitage aux reflets
groseille, quelques rires et quelques chansons, et c’est
l’élévation…
À
la première bouchée, il se passe un je ne sais quel miracle
d’accordance qui éclaire mon visage d’une divine félicité. Ce
fromage incomparable lie le passé, le présent et le futur au
mystérieux brouet des sensations souveraines.
Intense
dégustation, immanquablement, mes yeux se ferment ;
pâquerettes, herbes fraîches, boutons d’or, bleuets éclosent de
concert dans ma bouche. Par fromage interposé, intime passeport de
mes émotions, je deviens le vent qui caresse nos collines, le rayon
de soleil qui réchauffe nos fleurs, les senteurs de miel qui se
baladent en liberté. Je voudrais prolonger cette communion, garder
ce trésor au fond de mon palais mais je déglutis encore une fois,
en accompagnant ces mille saveurs incomparables d’une
délectation infinie ; possédées, mes papilles planent au
paradis…
Dans
tous les restaurants du monde, au plateau des fromages, il faudrait
que trône une de nos tommes de chèvre au label drômois ! Du
bout de leur couteau, je sais des têtes couronnées qui se
resserviraient sans pâlir ; délaissant leur régime, au
plaisir de la bonne chère, je sais des artistes de cinéma, et
autres vedettes à la mode, qui céderaient à l’envie redoutable
de retrouver le goût incomparable de ce fromage !...
À
la deuxième bouchée, telle une caresse voluptueuse, au firmament de
mes sens, c’est un frisson de bien-être qui m’envahit. Sans
passer pour un affamé, je calcule déjà ce qui me reste dans
l’assiette et ce que je pourrais reprendre…
Mon
grand-père était un modeste berger drômois et il passait le plus
clair de son temps au milieu des champs et de ses quelques chèvres.
Origines, souvenir, tradition, gènes, tout cela doit courir dans mes
veines. Oui, un morceau de tomme entre les doigts, je succombe et je
succomberai encore… au péché de gourmandise…
J'ai dévoré le "tomme" un de tes souvenirs gourmets ! ];-D
RépondreSupprimerTu as l'air bien habité, Pascal. On croirait entendre chanter Ferrat "Tuer la caille ou le perdreau et manger la tomme de chèvre"
RépondreSupprimerL'Ardèche, pays de Jean Ferrat, est juste à côté de la Drôme. ceci explique cela... :)
SupprimerC'est un film ou bien un documentaire ... Je ne saurais dire car j'aime les deux. Les images nous envahissent et je découvre la Drôme que je ne connais que peu. ;-)
RépondreSupprimerahhh !!! la tomme des bergers, la Drôme des collines !
RépondreSupprimercomme ces paysages et ces goûts me manquent, surtout dans ce jour pluvieux de février :(
merci de me les avoir ravivés par ce texte !
par contre, j'ai toujours trouvé que certains fromages comme certains vins étaient bien meilleurs savourés sur place, liés à leur terre
Absolument, nos vins et nos fromages se dégustent mieux dans leur terroir.
SupprimerHymne magnifique à la campagne, à ceux qui y vivent.... et à ceux qui produisent la précieuse tomme !
RépondreSupprimerL'eau à la bouche.
RépondreSupprimerMerci !
Ce fromage, une encyclopédie des sens, qu'il faudrait dévorer en plusieurs tomes...
RépondreSupprimerMais alors nous sommes voisins ? :-)
RépondreSupprimerJe comprends mieux ton commentaire chez moi...
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