Ne m'attends pas
4
heures du mat, sans clé, sans bagnole et sans toit, et sous la
pluie.
Je crois avoir tout fait comme le demandait cet étrange message que j'ai reçu, pourtant celui ou celle qui me l'a envoyé me connait mal car j'ai raté mon permis de conduire cinq fois avec à la clé la certitude de n'avoir jamais un jour une bagnole à moi.
Habiter
à deux pas du circuit Bugatti sans jamais pouvoir poser son cul dans
son propre baquet et faire rugir les chevaux, c'est vexant, infamant,
c'est exactement comme habiter Plougastel en étant allergique aux
fraises ou bien être client chez Free et n'avoir rien compris...
Alors
venir au rendez-vous sans clé de contact c'est pour moi une
évidence, sauf si le message parle de clé à molette ou de clé à
bougie. Qui aurait l'idée farfelue de se rendre à un rendez-vous à
4 heures du mat avec sa caisse à outils sinon pour réparer une
fuite nocturne?
Et
même... réparer une fuite sous la pluie, ça n'a pas de sens, c'est
un peu comme vouloir regonfler un pneu crevé.
4
heures et demie du mat. Je n'ai jamais été ni un lève-tôt ni un
couche-tard, moi qui pique du nez dès 22 heures devant Koh-Lanta
pendant que mes héros sans abri se déchirent pour une boulette de
riz!
Sans
toit! Le message demandait de venir sans toit, comme les Kanawa ou
les Boros de TF1, comme un Robinson ou un Vendredi... inutile que
j'aille chercher ma Quechua à la cave.
Je
relis dix fois le message à la recherche d'un quelconque indice,
d'un mot-clé qui m'informerait des véritables intentions de ce
messager, de cette messagère qui me file rancard sous la pluie à 4
heures du mat. Si c'est Alain Grognard, il aurait pu signer... ou
alors c'est Sandrine Le Marchand... non, elle c'est Shanghai Express.
Il
faut que je me reprenne en mains.
5
heures du mat. Insidieusement je lis entre les lignes et commence à
comprendre, un rendez-vous sous la pluie ça pue l'aventure, une
pluie tropicale ça vous met dans le bain tout de suite, une pluie de
mousson diluvienne, une pluie malaise. Rien que l'expression “pluie
malaise”, ça fout le vertige, la gerbe.
Sûr
qu'il y en a qui auront décliné l'offre - les dégonflés - alors
on fait appel à moi!
5
heures du mat, en comptant les formalités de douane et l'immigration
ça doit permettre d'atterrir en Malaisie ou aux Philippines juste
pour l'apéro du soir.
Qu'est-ce
qu'ils peuvent bien servir à l'apéro les malais, les philippins?
Une bière tiède, une infusion, au mieux de l'alcool de riz?
Bon
sang mais c'est bien sûr, sans clé ça veut dire qu'on devra
fabriquer les “outils” sur place, peut-être des hameçons pour
la pêche ou des huiles essentielles d'arbre à thé contre le
moustique-tigre?
Avec
un peu de chance il y aura Téhéiura! Il faut absolument qu'il y ait
Téhéiura sinon je ne pars pas.
Lui
saura faire le feu mieux que personne et on mangera chaud.
Ouf!
Je réalise que je n'aurai pas à planquer d'allumettes entre mes
miches comme je l'avais appris en stage commando quand j'étais
troufion à Kehl.
C'est
dingue comme “troufion” - même en un seul mot - ça fout aussi
la nausée.
5
heures trente du mat. A la boussole je suis imbattable mais est-ce
que je saurai encore ramper, passer une tyrolienne et traverser un
marigot?
S'ils
m'ont choisi c'est qu'ils doivent savoir des choses sur moi... sauf
pour la bagnole.
Et
si c'était Ginette qui les a mal rencardés? Ouais, ça sent Ginette
tout ça.
Elle
dort à côté en ronflant comme un sonneur mais ses éternels petits
sourires ne trompent personne.
Je
mets de la bouffe au hasard dans un sac à dos et un mot sur la
table: ”Ne m'attends pas”.
”Ne
m'attends pas”, ça ne veut rien dire vu que Ginette n'a jamais su
attendre, alors je déchire le mot.
Dans
quelques heures elle cherchera son “poussin” partout dans la
maison.
Est-ce
qu'il y aura aussi des bombes sur l'île? Des Jennifer, des
Christina, des Manon?
Un
coup d'oeil par la fenêtre: il pleut toujours et c'est bon signe.
Par
contre je me demande si mes chaussures à glands sont bien
appropriées... et puis qu'est-ce que je vais bien pouvoir foutre
d'un prix de 100 000€? M'acheter une bagnole?
C'est
ridicule...
il est vrai que, lu comme ça, ça parait très sibyllin comme message :))))
RépondreSupprimerNemo propheta acceptus est in patria sua !
RépondreSupprimerC'est génial, ce message! Ou plutôt, c'est toi qui es génial ! Quel magnifique délire!
RépondreSupprimerTout à fait déboussolant, j'aime !
RépondreSupprimerUne histoire vraiment déjantée comme tu sais les inventer!:o))
RépondreSupprimer100 000€ le traquenard, ça vaut peut-être le coup de lui poser un lapin, oui.
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